Internationalisme (GCF) - N° 10 - Avril 1946 Retour 

1933 – Mort de la 3ème Internationale.
Cours vers la guerre impérialiste

Il est bien aisé en 1946 de discuter sur le moment où il fallait quitter la 3ème Internationale. Chaque date – celle de 1921, de 1924, de 1927 – est assez riche en événements pour déterminer les causes de rupture d'avec l'IC. Ce qui semble guider la majorité des camarades de l'avant–garde, tels les RKD ou les CR, est plus un canevas, une espèce de critère statique que l'examen d'une situation mouvante mais qui, à notre avis, garde son sens jusqu'en 29 (??? Chiffre illisible).

Notre interprétation du phénomène russe et de sa répercussion sur le terrain international s'appuie sur 2 facteurs décisifs :

  1. Une situation de crise politique de la bourgeoisie mondiale qui, après la rupture de la guerre impérialiste par la Révolution russe, cherche sa voie, aspire à la paix et s'aperçoit de son impossibilité à adapter l'essor de son économie à l'économie de paix. Cette crise politique désarticule tout le système de police et de coercition, donnant au prolétariat la possibilité de l'opposer face à l'Etat, contre l'Etat pour la révolution.

  2. L'existence d'une idéologie révolutionnaire et d'une avant–garde qui s'organise assez rapidement sur le terrain international. Si nos camarades RKD et CR acceptent nos 2 points – à l'exception de la tendance H –, pourtant leurs conclusions ne sont pas identiques aux nôtres.

A quoi cela tient ?

Tout d'abord à leur notion d'Internationale. Au lieu de voir cet organisme comme une manifestation d'un immense mouvement ouvrier en opposition franche et active contre l'Etat bourgeois, ils ont par trop tendance à séparer le mouvement lui–même avec ses spontanéités et son impréparation idéologique d'avec l'Internationale.

En haut le parti communiste international qui traficote, en bas la classe ouvrière qui génériquement trouve le chemin de la révolution et se heurte à l'Internationale dans sa lutte.

C'est toute la notion de parti qu'ils admettent sur le plan national et qu'ils rejettent, en la camouflant sur le plan mondial.

Si organiquement le parti ne se confond pas avec la classe, tel un état–major et une armée, pour ce qui est de l'idéologie de la lutte il y a identité parti et classe.

L'impréparation des luttes, les erreurs, l'opportunisme tactique ne sont pas le fait du traficotage d'une clique mais bien la preuve de la faiblesse idéologique d'une avant–garde qui tâtonne devant les problèmes nouveaux et immenses.

Et comme c'est uniquement dans le creuset de l'Internationale que s'élabore toute l'idéologie révolutionnaire – parce que l'Internationale c'est le mouvement mondial vers la révolution et, par là, la preuve que le cours est toujours montant – c'est là aussi que les batailles décisives entre la gauche révolutionnaire et la droite opportuniste se livrent.

Dans la période montante, hors du mouvement, hors de l'Internationale, la gauche n'a aucune possibilité de contrebalancer et d'annihiler la politique opportuniste de la droite.

Parler de l'Internationale opportuniste c'est parler d'un cours de reflux révolutionnaire et indiquer par là que l'organisme mondial s'est vidé de son contenu conscient de classe. Parler d'Internationale dégénérée est un non–sens politique car ce corps ne peut que présenter une faiblesse, une impréparation ou bien une faillite.

Le problème en jeu n'est pas une régénérescence mais un renforcement de son potentiel révolutionnaire par le renforcement de son idéologie et l'élimination des causes d'erreur et de faiblesse idéologique.

Le mouvement révolutionnaire, quoique affaibli, se poursuit au travers de l'Internationale. Parler de changement de nature de cet organisme c'est nier le cours montant de la révolution. Et il n'y a qu'un esprit prélogique qui peut commettre l'erreur de séparer la révolution chinoise d'avec l'Internationale Communiste. Cette unité passait, pour les révolutionnaires, par la nécessité de renforcer les pointes avancées de la lutte révolutionnaire, non du dehors tels des cathéchisants du haut de leur chaire mais dans le corps même de la lutte.

Quelles que soient les erreurs de principes commises, telle la thèse du "socialisme dans un seul pays", quels que soient les désirs des individualités, tel Trotsky, Staline, Bordiga, la lutte ne posait pas la scission mais l'examen des erreurs et des failles. La prédominance de l'opportunisme dans l'Internationale ne résultait pas de traficotages internes mais du rejaillissement des défaites de la classe dans son organisme le plus conscient.

L'Internationale balbutiait sous le coup des défaites, l'opportunisme trouvait son terrain pour s'épanouir, la Gauche devait–elle déserter le poste ou se faire évincer sans coup férir ? Ne devait–elle pas combattre ces balbutiements en présentant et défendant une ligne politique juste et conséquente des erreurs commises ?

La pureté révolutionnaire est un mythe et signifiait, à cette époque, une trahison envers la classe. La Gauche n'a pas agi en médecin pendant la période qui va jusqu'à 1933 mais comme fraction saine d'un organisme faible. Et si, en 1933, nous avons proclamé la mort de l'Internationale et avons invité le prolétariat à quitter l'organisme de pourriture idéologique qui s'était installé à sa place, ceci résultait de ce que le cours de la situation avait changé de sens, donnant au mouvement de classe une nature antiprolétarienne.

La montée de Hitler en Allemagne au lendemain de la crise de 1929 indiquait que le prolétariat avait subi la plus dure défaite et n'était plus capable idéologiquement de s'opposer au cours de la guerre qui s'annonçait.

Ce qui continuait à porter le nom d'Internationale ne représentait plus qu'un tour de passe–passe de la bourgeoisie lui permettant de briser, s'ils se présentaient, les derniers soubresauts de classe contre la guerre.

SADI


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