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Plateforme politique du GIGC
La rupture historique provoquée par la crise économique capitaliste ouverte en 2020, dont les conditions et le moment précis de l’éclatement ont été fixés par la pandémie de Covid-19 sans que celle-ci en soit la cause, est principalement marquée par l’exacerbation des antagonismes entre les classes et des rivalités impérialistes. Il en résulte que l’alternative « ou bien révolution prolétarienne mondiale ou bien guerre impérialiste généralisée » s’impose, guide et détermine, en dernière instance, le cours des événements de la période actuelle qui ne peuvent que s’aggraver. Face à ce dilemme historique, il est de la plus haute importance que les minorités communistes réaffirment avec vigueur et le plus de précision possible le programme communiste et, pour cela, mettent à jour leurs plateformes politiques, dont les plus récentes datent des années 1970 ou 1980 [1]. Cette mise à niveau ou actualisation est nécessaire si elles veulent être en capacité de remplir la tâche pour laquelle le prolétariat révolutionnaire les fait surgir. En particulier, les principes et positions de ces documents se doivent d’être les plus tranchés et les plus nets – ne serait-ce que parce qu’ils fournissent les bases de l’adhésion des membres – pour rendre le plus efficace possible l’élaboration et l’application des orientations et mots d’ordre par l’ensemble des militants des groupes communistes d’aujourd’hui, du parti demain, sur la base de la plus grande homogénéité, unité et discipline politiques.
1) Primauté du combat pour le parti politique du prolétariat
Le Groupe international de la Gauche communiste (GIGC) considère et définit l’ensemble de ses activités internes – réappropriation des leçons du mouvement communiste et élaboration des positions politiques – et externes – propagande générale, intervention dans les luttes ouvrières et envers les autres forces révolutionnaires – en fonction et comme moments du combat pour la constitution du parti mondial du prolétariat.
Partant du principe selon lequel « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes », Le Manifeste du parti communiste établit dès 1847 que « toute lutte de classes est une lutte politique ». Premier véritable document programmatique élaboré par la théorie du prolétariat révolutionnaire, le marxisme ou matérialisme historique, il élève cette lutte de classes politique jusqu’à l’exigence, elle-aussi de principe de l’ « organisation du prolétariat en classe, c’est-à-dire en parti » faisant de celui-ci une émanation de la classe elle-même. En 1864, les statuts de la Première Internationale, l’Association Internationale des Travailleurs, proclament que « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Loin d’être opposés et contradictoires, les deux principes, organisation en parti et émancipation des travailleurs par eux-mêmes, sont étroitement liés et complémentaires. Seul le parti, parce qu’armé de la théorie révolutionnaire et des principes du communisme, peut indiquer l’ensemble du chemin menant à l’émancipation, c’est-à-dire jusqu’au communisme, en diriger avec détermination la marche et en fixer avec précision les étapes. Seul l’ensemble du prolétariat, ses grandes masses, en s’emparant et faisant sien l’ensemble des mots d’ordre du parti peut les réaliser, en particulier ceux d’insurrection ouvrière contre l’État capitaliste et d’exercice de la dictature du prolétariat.
2) Le camp prolétarien en tant que lieu privilégié du combat pour le parti
Si le combat pour le parti politique du prolétariat est au centre de ses activités et interventions, le GIGC n’est pas le parti. Il n’est qu’une composante parmi d’autres du camp prolétarien au sein duquel les forces appelées à le former vont se définir, se dégager et se sélectionner non pas sur la base de leur croissance numérique en soi, mais sur la base de leurs programmes, positions politiques et capacités d’intervention effectives dans les luttes prolétariennes. Appartiennent de fait à ce camp, les forces et courants politiques qui se revendiquent toujours des principes de l’Internationalisme prolétarien – « les ouvriers n’ont pas de patrie » – et de la dictature du prolétariat – « le renversement violent de tout l’ordre social passé » [2] – et ne les ayant pas trahi dans le passé ; qui prônent l’indépendance et l’opposition de classe du prolétariat face au capital et à ses forces politiques ; rejettent tout soutien quelconque à telle ou telle fraction bourgeoise – y inclus de gauche –, tout frontisme anti-fasciste ou autre, toute forme de nationalisme, tout caractère soi-disant socialiste de l’ex-URSS stalinienne ; et qui reconnaissent que, bien plus que la Commune de Paris en 1871, la Révolution russe de 1917 fut la première véritable expérience d’exercice de la dictature du prolétariat à valeur universelle.
Cet espace politique prolétarien est, de fait, le lieu privilégié de la confrontation et de la clarification politiques entre forces et courants politiques de la classe, condition préalable et indispensable à l’élaboration et l’adoption des principes et positions, du programme et de la plateforme, du parti. Constitué de groupes, cercles et organisations aux positions et traditions politiques différentes, sa dynamique est définie principalement par l’évolution du rapport de forces, l’opposition et la confrontation, entre ce que Lénine définissait comme les forces pro-parti et anti-parti. Avec l’intervention dans les luttes ouvrières, le camp prolétarien est l’autre champ privilégié de l’intervention et du combat que le GIGC développe en vue du regroupement des forces militantes et de la formation du parti.
3) Le GIGC et l’histoire des partis politiques du prolétariat
Le GIGC se revendique de la Première, Seconde et Troisième Internationale, qui furent chacune en leur temps de véritable parti mondial du prolétariat. Leurs leçons et acquis théoriques et politiques font partie du patrimoine du prolétariat révolutionnaire et fournissent le cadre programmatique indispensable pour tout groupe communiste aujourd’hui, et du parti demain. La lutte de Marx et Engels contre les restes de socialisme utopique, celle des fractions de gauche – Rosa Luxemburg et Lénine en étant les figures les plus éminentes – au sein de la 2e Internationale et des partis de la sociale-démocratie contre le révisionnisme et le réformisme et celle, au sein de l’Internationale communiste (IC), des fractions de la Gauche communiste internationale contre la théorie stalinienne du « socialisme en un seul pays » font partie intégrante du corpus théorique et de principes du prolétariat et du programme communiste.
Pour fonder et rendre efficiente sa lutte permanente pour le parti, le GIGC s’appuie sur la continuité du fil qui relie les luttes de Marx et Engels dans la 1er Internationale contre l’anarchisme et l’indifférentisme politique, celle de Lénine contre l’économisme (son livre Que faire ?) à celle de la Gauche communiste dite italienne contre toutes les formes de conseillisme – version moderne de l’indifférentisme politique et de l’économisme. Fondatrice et dirigeante du Parti communiste d’Italie à sa fondation en 1921, puis en tant que fraction de gauche du parti, la Gauche italienne fut l’unique courant qui lutta de manière conséquente au sein de l’IC pour la défense des principes communistes en voie d’être liquidés par la montée de l’opportunisme au sein de l’Internationale, d’abord sous sa forme zinoviéviste, puis sous sa forme stalinienne avant que celle-ci ne devienne ouvertement contre-révolutionnaire. C’est précisément ce combat ouvert et frontal au sein de l’IC, puis en tant que fraction du PC d’Italie, qui lui permit de développer les bases programmatiques et politiques indispensables au parti de demain et qui fondent la Gauche communiste d’aujourd’hui.
Parmi les différentes oppositions et fractions de gauche au sein de l’IC, puis des différents courants de la Gauche communiste des années 1930 à nos jours, tel le courant de la Gauche dite germano-hollandaise, le GIGC se reconnaît et se revendique du combat exclusif de cette Gauche dite italienne à partir des années 1920 jusqu’à nos jours.
Principes fondamentaux
Le GIGC lutte pour que le parti se constitue sur la base des principes suivants :
4) Le parti et la conscience communiste
Du principe du Manifeste selon lequel « de toutes les classes qui, à l’heure présente, s’opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire » et à partir des premières expériences prolétariennes, la théorie marxiste en déduisit que l’organisation et la conscience – « uni par l’association et guidé par le savoir » (Adresse inaugurale de l’AIT, la 1er Internationale) – représentaient les deux armes principales de la lutte révolutionnaire du prolétariat.
La particularité du prolétariat par rapport à toutes les autres classes révolutionnaires du passé est qu’il est à la fois classe révolutionnaire et classe exploitée. C’est précisément parce qu’il est classe exploitée par le capitalisme, et donc la dernière classe exploitée dans l’histoire, qu’il est classe révolutionnaire. Comme classe exploitée et sans aucun pouvoir au sein de la société capitaliste, à l’exception du pouvoir de vendre sa force de travail au capital, le prolétariat est soumis aux « pensées de la classe dominante », l’idéologie bourgeoise, alors même qu’il est aussi la classe « d’où surgit la conscience de la nécessité d’une révolution radicale, conscience qui est la conscience communiste. » (K. Marx, L’idéologie allemande) Ce n’est que lors des rares périodes révolutionnaires durant lesquels l’ensemble du prolétariat lutte en masse que « la création en masse de cette conscience communiste » (idem), ou conscience de classe, tend – et seulement tend – à s’effectuer, c’est-à-dire à s’étendre plus ou moins dans les masses prolétariennes, par l’expérience de la lutte de classe elle-même et par la propagande et l’intervention active du parti – à défaut par les groupes communistes.
Il résulte de cette compréhension théorique de la conscience communiste qu’elle comporte au moins deux dimensions essentielles qu’il importe de distinguer : sa dimension de profondeur, ou de contenu, et celle de son extension dans les rangs ouvriers. La première est permanente et continue. Elle se matérialise dans le parti, à défaut dans ses minorités communistes, groupes et fractions. « Théoriquement, [les communistes] ont sur le reste du prolétariat l’avantage d’une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien. » (Le Manifeste) Cette distinction entre ces deux dimensions de la conscience communiste est d’autant plus importante car :
elle dépasse et résout la contradiction apparente entre la soumission du prolétariat aux pensées dominantes de la classe dominante et sa capacité à produire une conscience communiste ;
et surtout, elle intègre cette conscience comme facteur actif et déterminant de l’ensemble de la lutte historique du prolétariat, de tous ces moments, des plus bas aux plus hauts, jusqu’à la disparition des classes et l’avènement de la société communiste.
Ce faisant, le parti rejette et lutte contre toute conception qui vise à sous-estimer, voire à nier, le rôle actif de la conscience communiste en tant que produit et facteur de la lutte historique du prolétariat. Il est en particulier une thèse qui sous-tend cette démarche et qu’il doit combattre en permanence, car resurgissant régulièrement et particulièrement dans les périodes de montée des luttes prolétariennes. Il s’agit de la compréhension et de la position politique qui réduit cette conscience à n’être que le produit – mécanique – des luttes immédiates du prolétariat ; que son développement dépendrait des flux et des reflux de la lutte des classes ; ou encore qu’elle surgirait de ces luttes sur les lieux de travail, voire de la simple « sphère des rapports entre ouvrier et patrons (…) de l’intérieur de leur lutte économique » comme Lénine l’a combattu en son temps (Que faire ?). Une telle vision fait de la conscience communiste un élément déterminé uniquement et jamais déterminant, jamais facteur actif de la lutte de classe elle-même. Elle tend ainsi à sous-estimer le rôle actif et dirigeant du parti, bien souvent en réduisant son rôle à celui de conseiller ou de simple propagande auprès de la classe, quand elle ne rejette pas tout simplement le parti comme contre-révolutionnaire.
En conséquence, le GIGC fait du combat contre les expressions, directes ou indirectes, au sein du camp prolétarien de cette vision, à savoir l’économisme et le conseillisme, une de ses priorités.
5) Les tâches de direction politique du parti
Le parti – à défaut les fractions et groupes communistes – est le lieu privilégié où se matérialise, s’élabore, se développe, se défend et s’exprime cette conscience communiste qui ne peut être détenue que par la minorité, plus ou moins réduite selon l’évolution de la lutte des classes, du prolétariat, qui s’est élevée jusqu’à elle. Le parti de classe regroupant cette minorité en est donc ainsi le principal, si ce n’est unique, porteur et la matérialisation. Ce faisant, expression la plus haute de cette conscience, il est une fraction de la classe ouvrière. Il en est la fraction la plus avancée, la plus consciente et donc la plus révolutionnaire.
Ainsi, le parti est l’organe qui seul peut mener le prolétariat à l’insurrection victorieuse, à la destruction de l’État capitaliste et à la dictature du prolétariat. Pour autant, sa fonction ne s’arrête pas à l’attente d’un grand soir au risque d’être passif et impuissant le jour même où l’insurrection se pose. Le combat pour la direction politique du prolétariat est permanent et accompagne tout le cours de la lutte des classes, y compris dans les luttes immédiates et partielles, y compris dans les périodes de recul, voire contre-révolutionnaires. Et il en ira ainsi sous la dictature du prolétariat jusqu’à la disparition des classes et donc du parti lui-même. Celui-ci, ou les groupes communistes, parce qu’armé des principes et des positions de classe et en capacité de comprendre le cours des événements et les rapports de force entre classes, est en mesure de définir les orientations et les mots d’ordre qui permettent de rendre les luttes du prolétariat les plus efficientes possibles, y compris lorsque le recul s’impose, et ainsi faire que la classe résiste au mieux aux attaques quotidiennes du capital ou bien se lance avec succès dans la voie révolutionnaire. Ce faisant, le prolétariat parvient à la conscience du chemin qu’il doit parcourir et à la volonté de le faire. Et il prend prend confiance en ses propres forces, c’est-à-dire dans sa capacité de lutter et dans l’autorité politique de son parti. C’est ainsi que les luttes prolétariennes et l’action du parti, dialectiquement liées, deviennent des moments et des facteurs de la dynamique menant à l’insurrection et à la dictature de classe.
On peut résumer les tâches du parti de la manière suivante : la bataille politique contre l’idéologie bourgeoise sous toutes ses formes, y compris celles de la gauche capitaliste même les plus radicales ; la propagande pour les principes communistes et leur élaboration continuelle en relation aux expériences du prolétariat ; la participation active à toutes les luttes ouvrières, y compris pour les revendications immédiates, en tant qu’avant-garde politique ; la direction de l’insurrection ouvrière contre l’État capitaliste et l’exercice de la dictature du prolétariat ; et la direction tout aussi active de la gestion du pouvoir et de l’édification du communisme.
Dans les situations où la lutte directe contre l’État capitaliste et pour la dictature du prolétariat n’est pas encore d’actualité, le parti doit développer les trois premières tâches en lien étroit avec sa participation active dans les luttes du prolétariat, mêmes partielles et immédiates. En s’attelant aujourd’hui à celles-ci, le GIGC vise à, et lutte pour, assumer le rôle de direction politique des luttes prolétariennes quotidiennes et développer dès aujourd’hui une intervention de parti à la hauteur, encore modeste, de ses forces matérielles et militantes tout en combattant pour convaincre les autres composantes du camp prolétarien de la justesse de son intervention de parti.
6) Le parti international centralisé
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » est le mot d’ordre sur lequel se termine le Manifeste. Produit et facteur de la lutte historique du prolétariat, le parti s’organise et fonctionne sur la base des principes mêmes qui régissent la lutte prolétarienne : l’internationalisme et le centralisme.
L’union internationale du prolétariat est le premier objectif et la première condition pour l’avènement du communisme. La révolution prolétarienne sera internationale ou ne sera pas. Le programme communiste, rassemblant l’ensemble des expériences historiques du prolétariat international, est lui-même international et universel. Le prolétariat n’a plus, de nos jours, de tâches nationales spécifiques ou encore de programme minimum ou de transition à défendre. En ce sens, les différentes parties ou sections territoriales du parti, ou des fractions et groupes appelés à le constituer, ne sont pas des expressions de telle ou telle expérience prolétarienne locale ou nationale, mais du prolétariat international comme un tout. Défendre que le parti se constituera sur la base de groupes ou noyaux comme expressions d’expériences locales venant s’additionner en son sein, est une autre manifestation de la vision – du même ordre que l’économisme ou le conseillisme – qui voit la conscience de classe se développer mécaniquement à partir des luttes immédiates. Le parti internationaliste du prolétariat se construit d’entrée comme parti international.
La centralisation de la lutte prolétarienne – quel qu’en soit le niveau, local, national ou international – est une autre condition pour réaliser effectivement l’union du prolétariat. La dictature du prolétariat sera la matérialisation effective de ce centralisme prolétarien. Fraction de la classe prolétarienne, le parti international du prolétariat est régi par les mêmes principes et sa centralisation est elle-même internationale. Pour que le principe de centralisme se réalise effectivement en son sein, encore faut-il que le parti et ses composantes soient réellement, c’est-à-dire politiquement, unis et homogènes. En ce sens, centralisme et unité d’action, y compris discipline de parti, sont étroitement liés à la théorie, au programme et aux positions politiques et, encore plus, à l’unité entre les trois. Les règles dont se dote le parti – les statuts – et qui font partie de sa plateforme politique, ne peuvent être réduites aux « limites à ne pas dépasser » ou encore aux « rails de sécurité » bordant la route du parti que ses membres ne peuvent franchir. Avant tout, elles constituent la ligne centrale de conduite et de fonctionnement interne qui guide et éclaire l’action de celui-ci et de ses membres en tant que cette ligne de règles est fondée et vérifiée sur l’unité programmatique, politique et même tactique du parti elle-même. L’unité de programme, de principes et de la tactique s’impose à l’ensemble du parti, y compris à ses organes centraux dirigeants. Les orientations et décisions adoptées par ceux-ci sur la base des mandats que l’ensemble du parti leur définit, sont l’expression et réalisation matérielles concrètes du centralisme international. Ces orientations et décisions ne peuvent être – pour être efficaces et réalisables – que le résultat du parti comme un tout fonctionnant comme une collectivité. Si l’adhésion au parti est d’ordre individuel sur la base de la conviction politique et de la volonté militante, l’individu militant voit sa singularité dépassée dans la collectivité du parti qui est bien plus que la simple addition des individus y adhérant. Armé du programme et des principes communistes, le parti internationaliste du prolétariat se construit d’entrée comme une organisation internationale centralisée.
Se considérant comme une expression du prolétariat international, le GIGC fonctionne et intervient comme groupe international centralisé quelles que soient ses localisations effectives et l’importance de ses forces militantes et combat au sein du camp prolétarien pour convaincre ses autres composantes d’en faire de même.
7) La théorie révolutionnaire du prolétariat et du parti
Le parti fonde son programme, ses principes, ses positions politiques et son action sur le matérialisme historique ou dialectique, le marxisme, qui est la théorie révolutionnaire du prolétariat. Rejetant toute approche idéaliste, cette théorie est matérialiste dans la mesure où elle fonde sa compréhension de l’histoire sur la production et la reproduction de la vie réelle et sur les contradictions qui en découlent. Celle entre les forces productives et les rapports de production qui caractérise le capitalisme et dont le prolétariat exprime l’antithèse historique, engendre la lutte des classes entre capital et travail. En ce sens, l’économie considérée comme la production de la vie réelle n’est pas le seul facteur de l’histoire, ne serait-ce que parce qu’elle ne traite pas de rapports entre choses ou marchandises, mais entre des hommes, ou plus exactement entre classes. Ce n’est qu’en dernière instance qu’elle en est le facteur déterminant. Parmi les autres facteurs, la dynamique propre des différentes luttes entre les classes au cours de l’histoire agit à son tour sur la marche de celle-ci, jusqu’à pouvoir même parfois accélérer ou ralentir le rythme de développement des forces productives et des rapports sociaux. En rejetant ainsi toute vision matérialiste vulgaire ou mécanique, voire fataliste, le déterminisme marxiste est donc aussi historique et dialectique. L’apparition et l’existence des classes sont liées à des phases historiques du développement de la production. Mais elles ne sont pas le simple produit passif, ou mécanique, de ce développement. Ce sont les hommes qui « font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. » (K. Marx, 18 Brumaire)
Le matérialisme historique fournit la méthode et le seul cadre théorique pour que les positions et acquis du prolétariat s’intègrent dans un tout cohérent. En expliquant la marche de l’histoire par le développement de la lutte des classes et en reconnaissant le prolétariat comme la classe révolutionnaire qui doit abolir le capitalisme, il est la seule conception qui se place réellement du point de vue de cette classe. Le prolétariat étant la première et seule classe dont l’émancipation signifie l’abolition de toute exploitation et l’émancipation de toute l’humanité, sa théorie révolutionnaire est la seule capable de comprendre la réalité sociale de manière objective et scientifique. Loin de constituer une spéculation abstraite et idéaliste sur l’histoire, il est avant tout une arme de combat de la classe dont le parti doit s’emparer, ou se réapproprier, qu’il doit défendre avec vigueur contre toutes les tentatives de le réviser – de révisionnisme – et utiliser avec rigueur pour pouvoir intervenir avec le maximum d’efficacité, en tant qu’avant-garde et direction politiques du prolétariat, dans la lutte des classes.
Le GIGC essaie d’inscrire l’élaboration de ses positions politiques et son action dans la lutte des classes à partir de la méthode du matérialisme historique et des principes que celui-ci, dans un effort permanent et continu, a développé tout au long de la lutte historique de la classe révolutionnaire, le prolétariat, et dont il est aujourd’hui une expression parmi d’autres.
8) Le parti, l’insurrection prolétarienne et la dictature du prolétariat
Sur la base de l’expérience historique, en particulier de la Commune de Paris de 1871 et de la Révolution russe d’Octobre 1917, mais aussi du recul de la vague révolutionnaire internationale de 1917-1927, le parti défend et définit ses orientations stratégiques et tactiques en fonction, et en vue de la réalisation, des principes de l’insurrection ouvrière contre l’État capitaliste, de la destruction de celui-ci et de l’exercice de la dictature du prolétariat. Sans l’action et la direction du parti, car porteur de la conscience communiste et armé de la théorie révolutionnaire, la victoire de l’insurrection ouvrière, et a fortiori l’exercice de la dictature de classe, sont impossibles. Action et direction politiques réelles du parti ne se décrètent pas. Elles sont à la fois le résultat de l’intervention déterminée de la minorité communiste qu’est le parti et de la mobilisation en masse du prolétariat, ou encore du développement du rapport de forces entre les classes dont le parti est produit et facteur actif. Action et direction politiques effectives du parti se réalisent lorsque le prolétariat s’empare en masse, puis met en pratique les orientations et les mots d’ordre du parti, l’insurrection elle-même et la dictature de classe, mais aussi ceux d’ordre tactique au cours des différentes batailles préparant l’assaut insurrectionnel.
Ce n’est que suite à l’insurrection victorieuse et la disparition de l’État bourgeois que le prolétariat pourra s’organiser en classe dominante sous la direction politique de son parti. Celle-ci se matérialise dans l’organisation unitaire, unitaire car regroupant tous les prolétaires, en conseils ouvriers ou soviets basés sur la mobilisation en masse et permanente de la classe comme un tout. Loin d’être une garantie organisationnelle en soi – il ne peut pas en exister –, loin de tout fétichisme de l’organisation d’ordre démocratique ou de l’auto-organisation, les conseils ouvriers ne peuvent se maintenir comme organisation unitaire du prolétariat qu’à la condition de devenir organes de l’insurrection et organes de la dictature de classe. En ce sens, l’influence du parti et sa capacité à diriger le prolétariat avant, pendant et après l’insurrection elle-même et durant la dictature de classe, se jouent et se vérifient dans le combat qu’il mène dans les organisations de masse du prolétariat, pour défendre et garder à celles-ci, l’organisation des conseils, leur caractère et leur devenir insurrectionnels et dictatoriaux de classe ; et cela contre l’action et l’intervention inévitables dans ces mêmes organisations unitaires des forces bourgeoises contre-révolutionnaires en milieu ouvrier.
Les principes et la perspective de l’insurrection prolétarienne et de la dictature du prolétariat guident et définissent aussi les orientations et les interventions dont le GIGC se dote et qu’il mène au quotidien, y compris dans les luttes immédiates et locales. En effet, la nécessité historique et le devenir de l’insurrection et de la dictature de classe sont aussi deux jauges, ou outils, permettant de mesurer au quotidien, tout au long de son parcours, la dynamique même du rapport du prolétariat comme un tout à l’État bourgeois. Ce faisant, le GIGC peut développer au mieux les analyses et la compréhension des rapports de forces particuliers, locaux, nationaux et internationaux et déterminer les orientations et mots d’ordre tactiques, concrets et immédiats, qui correspondent aux nécessités immédiates des combats prolétariens et à leurs potentialités immédiates et locales réelles. C’est donc une intervention de parti, de direction politique, que le GIGC entend et cherche à développer en permanence.
9) Le parti et la période de transition du capitalisme au communisme
La révolution prolétarienne a pour but de détruire les rapports de production et de distribution capitalistes basés sur l’appropriation privée et la pénurie et de les remplacer par des rapports de production et de distribution basés sur l’abondance et la communauté. Le parti défend que la dictature du prolétariat consiste à ce que le prolétariat utilise le pouvoir de classe de ses organisations de masse, les conseils ou soviets, pour abolir le pouvoir économique de la bourgeoisie – celle-ci étant déjà dépossédée du pouvoir politique par l’insurrection victorieuse – et assurer la transition vers la société communiste, c’est-à-dire une société sans classe. La dictature révolutionnaire du prolétariat a pour fonction première d’exercer la répression contre la classe capitaliste qui ne se laissera pas déposséder sans mener la guerre civile, ou guerre de classe, la plus âpre et désespérée possible contre le prolétariat. L’autre primauté ou fonction première, elle-aussi de caractère politique, de la dictature du prolétariat est celle de l’extension internationale de l’insurrection et de la révolution prolétariennes dans les pays où elle n’aura pas encore eu lieu. Tant qu’un îlot de capitalisme subsistera dans le monde, tant que la bourgeoisie ne sera pas totalement vaincue au plan mondial, l’instauration de la société communiste ne pourra pas commencer à s’effectuer et s’accomplir réellement et durablement.
Le parti ne peut baser ses positions sur l’exercice et la fonction de la dictature du prolétariat durant la période de transition proprement dite que sur l’expérience unique, ou presque, et limitée de la Révolution russe et de la vague révolutionnaire internationale de 1917-1927, sachant qu’une grande partie de ces leçons sont d’ordre négatif du fait de l’isolement international de la Russie révolutionnaire et de la dégénérescence qui en a découlé. En tout premier lieu, le parti défend le caractère prolétarien de la Révolution russe. Ce n’est que sur cette reconnaissance et défense de principe qu’il est possible de tirer un bilan critique et des leçons de la dictature du prolétariat en Russie. L’expérience, en particulier ses périodes de difficultés, de recul, puis de cours dégénérescent, a soulevé la question du rapport entre prolétariat, parti et État de la période de transition et permis d’en déduire que le parti et le prolétariat, tous les deux encore distincts durant la dictature du prolétariat, ne pouvaient s’identifier totalement à, encore moins fusionner avec, l’État de la période de transition. En effet, jusqu’à la disparition des classes et donc de lui-même en tant que classe, le prolétariat reste classe exploitée et donc avec des intérêts de classe spécifiques à défendre face à l’ensemble de la société de la période de transition. L’affirmation du prolétariat en tant que classe exploitée et révolutionnaire, c’est-à-dire l’affirmation et le développement de sa propre lutte de classe y compris durant la période de transition, est la condition et la voie pour la disparition de toutes les classes et la sienne même.
Une fois la bourgeoisie défaite, la société surgissant de la victoire internationale du prolétariat n’en portera pas moins encore des stigmates de tous ordres de la société capitaliste, nécessitant ainsi une phase transitoire. Celle-ci consistera essentiellement dans la socialisation progressive de l’ensemble des moyens de production et de distribution, et donc de l’ensemble des classes et couches sociales non exploiteuses, paysans, artisans, boutiquiers, petits propriétaires, etc. qui seront intégrées, par la socialisation universelle, dans les rangs prolétariens. Cette période connaîtra encore et inévitablement l’échange marchand entre ces couches et le prolétariat, jusqu’à ce que les premières aient été dissoutes par la prolétarisation de leurs membres et que ce dernier, devenu classe universelle, disparaisse avec la disparition des classes. Le principe qui régira cette première phase du communisme, phase de transition, peut se formuler comme suit : « celui qui ne travaille pas, ne mange pas », à l’exception bien sûr des enfants, des plus âgés et des individus en incapacité physique de travailler. Toujours divisée en classe, cette société transitoire sera encore traversée par des contradictions sociales et des antagonismes entre les classes subsistant. En cela, la lutte prolétarienne sera inévitablement affectée par des périodes ou des phases d’avancées et de reculs au cours desquelles le parti devra toujours mettre en avant les intérêts internationaux et historiques du prolétariat.
La seconde phase, celle du communisme réalisé, celle de l’abondance de biens, sera celle « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Elle signera ainsi la disparition des classes, la disparition du prolétariat une fois devenu la classe universelle, la disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la division du travail, de la marchandise et de la valeur. Une fois les classes disparues et avec elles le prolétariat lui-même, le parti du prolétariat disparaîtra lui aussi tout comme l’État, le semi-État, de la dictature révolutionnaire du prolétariat.
Les frontières de classe
Le parti disposera et devra utiliser les frontières de classe suivantes, qui ont valeur de principes car tranchées par l’histoire, pour pouvoir s’orienter dans la tornade historique qui vient et diriger avec le maximum d’efficacité révolutionnaire les luttes prolétariennes.
10) Guerre impérialiste généralisée et capitalisme d’État, expressions de la décadence historique du capitalisme
L’éclatement de la Première Guerre mondiale, c’est-à-dire de la première guerre impérialiste généralisée, et la vague révolutionnaire internationale qui y met fin à partir de la Révolution russe en 1917, marquent et signent la principale rupture historique vécue par le capitalisme, entre sa phase d’ascendance – et d’apogée que l’on peut dater de 1870 à 1900 – et son entrée en déclin historique marquant le fait que le capitalisme a fini d’accomplir sa tâche historique. Produit, expression et facteur accélérateur de cette bascule, la guerre impérialiste généralisée – inexistante auparavant – devient dès lors le moment le plus haut de la crise capitaliste. Depuis la fin du 19e siècle et l’entrée dans sa phase de déclin, les réponses antérieures du capitalisme à ses crises sont devenues largement insuffisantes pour répondre au niveau et à l’ampleur atteints par ses contradictions. La boucherie de 1914-1918 a démontré que la guerre généralisée est devenue à la fois l’expression la plus haute de la crise et la seule réponse de la bourgeoise à celle-ci précisément par l’ampleur des dévastations matérielles et humaines qu’elle inflige. Seules les destructions massives de capital, et donc aussi de forces de travail – les prolétaires –, des deux premières guerres mondiales, destructions sans commune mesure avec celles des crises du 19e siècle, destructions chaque fois plus dévastatrices, permirent au capitalisme de connaître de nouveaux cycles d’accumulation lors des périodes de reconstruction, en particulier celle des années 1950-1960, et ainsi de se maintenir en vie.
Ce phénomène de la guerre impérialiste généralisée contraignit et accéléra encore plus le processus antérieur de concentration du capital en monopoles et trusts qui avait marqué l’avant-Première Guerre mondiale jusqu’à imposer aux différents secteurs et fractions des classes bourgeoises leur unité, de gré pour les bourgeoisies les plus puissantes et les plus expérimentées ou de force pour les plus faibles et inexpérimentées, autour de chaque État national. Le développement incessant et généralisé du phénomène du capitalisme d’État tout au long du 20e siècle, qui s’est particulièrement accéléré avant, et en vue de, la Deuxième Guerre mondiale, jusqu’à nos jours, correspond essentiellement à trois priorités pour chaque capital national : centraliser et unifier au maximum toutes les fractions du capital national en vue de la concurrence internationale économique et impérialiste ; mettre sur pied la puissance militaire nécessaire à la défense de ses intérêts face aux antagonismes et en vue de la guerre impérialiste ; et imposer la discipline sociale dirigée avant tout contre le prolétariat indispensable pour mener à bien les deux premières tâches tout comme pour maintenir le pouvoir de la bourgeoisie face à son ennemi mortel. L’appareil d’État exerce toujours plus, comme on peut le vérifier ces dernières décennies en particulier à travers les techniques modernes numériques, internet et réseaux sociaux, un contrôle chaque fois plus puissant, omniprésent et systématique sur tous les aspects de la vie sociale.
En ce sens, le parti doit être très clair sur le fait que le capitalisme d’État est avant tout une réponse politique contre le prolétariat et pour les besoins de la guerre impérialiste – elle-même seule réponse bourgeoise aux contradictions et à l’impasse économiques du capitalisme dans sa période de déclin historique.
11) Les conditions de la lutte prolétarienne face au capitalisme d’État
C’est fondamentalement cette concentration des forces du capital autour de l’État et contre le prolétariat, en particulier contre toute expression de lutte permanente telles ses organisations de masse, qui détermine depuis lors les conditions de la lutte prolétarienne. Avec le capitalisme d’État dominant, l’organisation de l’exploitation du prolétariat cesse d’être une affaire entre patrons d’entreprises ou de corporation et ouvriers pour devenir celle de l’État face au prolétariat. Dès le début du 20e siècle, l’État acquiert une dimension plus large en prenant en charge l’unité des différents secteurs du capital national face à la concurrence internationale d’une part et, d’autre part, de l’ensemble de la bourgeoisie contre toute lutte prolétarienne en développant un appareil chaque fois plus étendu et plus sophistiqué. Il en résulte que les luttes dans une usine ou une corporation telles qu’elles pouvaient se développer et réussir parfois à arracher des améliorations de la condition ouvrière dans la deuxième partie du 19e siècle, devinrent chaque fois plus impuissantes. Ce faisant les formes organisationnelles correspondant à ces conditions et méthodes de lutte, les syndicats préparant, organisant et même planifiant à l’avance des grèves longues par corporation, perdaient de leur raison d’être. Les besoins de la guerre généralisée et le développement du capitalisme d’État accélérèrent le processus déjà en cours et imposèrent l’étouffement définitif de toute vie prolétarienne permanente, telle qu’elle pouvait exister et se développer dans les organisations de masse, syndicats, bourses du travail et parti de masse. L’évolution totalitaire du capitalisme d’État, définitive, amplifiée et largement confirmée depuis la Deuxième Guerre mondiale, ne laisse plus de doute sur le fait que les conditions de la lutte des classes sont en grande partie définies, outre la répression massive, par un appareil politique sophistiqué, en particulier dans les pays dits démocratiques, et par l’omniprésence et le matraquage de l’idéologie dominante par les médias de masse, journaux, radios et télévisions – et depuis vingt ans maintenant Internet et les réseaux sociaux – imposant aux grandes masses du prolétariat une soumission idéologique et politique permanente et qui tend à se briser que lorsque celles-ci se révoltent et luttent en tant que classe contre le capital.
Face à l’unité de la bourgeoisie et l’intervention systématique de l’État visant à taire et étouffer toute vie prolétarienne, le prolétariat répondit – dès le début du 20e siècle – par l’arme de la grève de masse dont la dynamique même, l’extension et généralisation de la lutte au-delà du lieu de travail et de la corporation, porte en elle la confrontation de toute la classe à l’État capitaliste et est déterminée, in fine, par la perspective de l’insurrection prolétarienne et de la dictature du prolétariat. Le processus révolutionnaire russe de février 1917 jusqu’à l’insurrection ouvrière d’octobre 1917 est la plus haute manifestation de la réalité et de l’efficacité de la grève de masse et, en cette occasion, le parti bolchevique de Lénine démontra toute sa maîtrise du phénomène tout autant que le rôle indispensable de la direction politique du parti pour que la grève de masse aille jusqu’à son terme, l’insurrection et la dictature de classe. Grève de masse et parti, spontanéité et extension des luttes prolétariennes et conscience communiste matérialisée dans le parti, ne s’opposent pas. La spontanéité des masses prolétariennes tout comme l’extension et la généralisation de leurs luttes exigent au contraire l’intervention et l’action de la plus haute conscience communiste possible, et donc l’intervention active et décidée de l’avant-garde communiste.
Les formes organisationnelles unitaires, c’est-à-dire regroupant tous les prolétaires en lutte, syndiqués-non syndiqués, actifs-chômeurs-précaires-retraités, etc., qui correspondent à la dynamique et aux besoins de la grève de masse sont les assemblées générales, les comités de grève et les conseils – ou soviets – ouvriers accompagnant et organisant grèves et manifestations de rue. Si la dynamique de la grève de masse est déterminée par sa finalité, l’insurrection ouvrière, les formes d’organisation unitaire dont elle se dote, les conseils ouvriers, sont eux-mêmes déterminés par leur fonction d’organes de l’insurrection et de la dictature du prolétariat. Loin d’être des garanties en soi, les organisations unitaires – assemblées générales, comités de grève, conseils, etc... – dont se dote le prolétariat dans ses luttes sont de fait des organes dans lesquelles les forces bourgeoises en milieu ouvrier, syndicats, partis de gauche, gauchistes, interviennent aussi pour dévier et saboter les combats ouvriers. Ils sont donc des lieux de confrontation politique de classe que les prolétaires doivent assumer s’ils veulent développer leur propre combat et le rendre le plus efficace possible, tant du point de vue des revendications immédiates que du point de vue historique. Il appartient au parti de lutter en leur sein non seulement pour en assurer la direction politique tout au cours du développement de ses luttes mais aussi pour défendre cette organisation unitaire, le conseil ouvrier, en tant qu’organe de l’insurrection et de la dictature au risque, sinon, de voir les forces bourgeoises en milieu ouvrier les vider de leur contenu de classe et en faire des organes contraires aux intérêts du prolétariat.
12) Les syndicats organes de l’État capitaliste
Les conditions prévalant au 19e siècle firent que la classe ouvrière s’est dotée, souvent au prix de luttes acharnées et sanglantes des organisations permanentes et professionnelles, des organisations de lutte unitaires, c’est-à-dire regroupant tous les prolétaires en lutte, destinées à assurer la défense de ses intérêts économiques : les syndicats. Ces organes ont assumé un rôle fondamental dans la lutte pour les améliorations substantielles des conditions de vie des travailleurs dans la deuxième moitié du 19e siècle, essentiellement en Europe et en Amérique du nord. Ils ont également constitué des lieux de regroupement de la classe, de développement de sa solidarité et de sa conscience immédiate, dans lesquels le parti – alors de masse lui aussi – intervenait activement pour en faire des « écoles du communisme ». Donc, bien que l’existence de ces organes en tant qu’organes de la lutte prolétarienne ait été liée à une période particulière du capitalisme et que, dès cette période, ils se soient souvent déjà bureaucratisés de façon importante, ils n’en constituaient pas moins d’authentiques organes de la classe exprimant aussi le fait que le capital n’avait pas encore envahi toutes les dimensions de la vie sociale.
À partir du moment où la tendance au capitalisme d’État s’est affirmée et est devenue dominante, en particulier pour les besoins de la Première Guerre impérialiste mondiale, l’État capitaliste a entamé un processus de récupération et d’intégration de ces organisations prolétarienne de masse, en particulier les syndicats, à son appareil étatique. Ce processus fut favorisé par la pénétration des idéologies réformiste et syndicaliste et l’émergence d’une bureaucratie en leur sein. L’adhésion des directions des principaux syndicats d’alors à l’union nationale dès août 1914, et même si une grande partie des membres restaient fidèles à l’Internationalisme prolétarien, marqua le début de ce processus. Sa première manifestation en fut le fait que les appareils syndicaux participèrent activement à la mobilisation des ouvriers dans la première boucherie impérialiste. Sa seconde en fut leur opposition, leur sabotage et leur participation active à la répression sanglante des tentatives du prolétariat pour détruire le capitalisme dans la vague révolutionnaire qui suivit la guerre.
Une fois la guerre terminée et la vague révolutionnaire défaite, le processus de dévitalisation prolétarienne des syndicats se poursuivit inexorablement, en particulier dans les années 1930, encore une fois pour les besoins de la guerre à venir, par la dissolution des anciens syndicats et la création de nouveaux dans les pays fascistes et par la participation active – en échange de la reconnaissance du droit syndical – des syndicats américains à la mise en place du New Deal et européens aux Fronts Populaires en Europe occidentale. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, directement reconstitués par les États là où ils avaient disparu du fait de la guerre, complètement intégrés à l’effort de guerre pour les pays vainqueurs, principalement États-Unis, Grande-Bretagne et URSS, les syndicats comme un tout, leur appareil dans son ensemble, sont devenus dès lors définitivement d’authentiques défenseurs du capitalisme, des organes à part entière de l’État bourgeois en milieu ouvrier.
Depuis, ils ont été maintenus en vie, non par la classe ouvrière, mais par l’État capitaliste pour le compte duquel ils remplissent des fonctions très importantes :
participation active aux tentatives de l’État capitaliste de rationaliser l’économie, réglementation de la vente de la force de travail et intensification de l’exploitation ;
sabotage de la lutte de classe de l’intérieur, soit en détournant les grèves et les révoltes vers des impasses catégorielles, soit en affrontant les mouvements autonomes par la répression ouverte.
Du fait que les syndicats ont perdu leur caractère prolétarien, ils ne peuvent pas être reconquis par la classe ouvrière, ni leur appareil constituer un espace pour l’activité des minorités révolutionnaires.
Le caractère anti-prolétarien des syndicats aujourd’hui ne leur est pas conféré par leur mode d’organisation propre, par profession ou branche industrielle, ni par l’existence de la bureaucratie syndicale ou de mauvais dirigeants mais bien par l’impossibilité, du fait de l’extension généralisée, universelle et totalitaire du capitalisme d’État, de maintenir en vie des organes unitaires permanents de défense véritable des intérêts du prolétariat. Par conséquent, le caractère capitaliste de ces organes s’étend à toutes nouvelles organisations qui se donnent des fonctions similaires et ceci quels que soient leur modèle organisationnel et les intentions qu’elles proclament. Il en est ainsi des syndicats dits révolutionnaires ou de base comme de l’ensemble des organes (comités ou noyaux ouvriers, commissions ouvrières) qui peuvent subsister à l’issue d’une lutte, même opposée aux syndicats, et qui tentent de constituer une véritable organisation permanente de défense des intérêts immédiats des travailleurs. Sur cette base, ces organisations ne peuvent pas échapper à l’engrenage de l’intégration effective dans l’appareil d’État bourgeois, même à titre d’organes non officiels ou illégaux.
Toutes les politiques d’utilisation, de rénovation ou de reconquête d’organisations à caractère syndical, en ce qu’elles conduisent à revigorer des institutions capitalistes, sont foncièrement favorables à la survie du capitalisme. Après presque un siècle d’expérience jamais démentie du rôle anti-ouvrier de ces organisations, toute position défendant de telles stratégies est fondamentalement non-prolétarienne et contre-révolutionnaire.
Pour autant, les révolutionnaires ne doivent pas rester indifférents aux manœuvres et actions des syndicats dans l’attente d’hypothétiques mouvements prolétariens spontanément débarrassés de leur présence. Lorsque ceux-ci sont appelés, de fait contraints, de par leur fonction anti-prolétarienne en milieu ouvrier à occuper le terrain des luttes prolétariennes, à prendre des initiatives et à appeler les prolétaires à y participer, assemblées, grèves, manifestations, afin de garder un minimum de crédibilité à leurs yeux ou bien encore pour prévenir et anticiper sur toute dynamique réelle d’extension et d’unité dans la lutte, le parti et ses membres ne doivent pas déserter le terrain imposé, les assemblées, grèves, manifestations, etc. du fait qu’elles seraient appelées par les syndicats. Bien au contraire, ils doivent saisir ces occasions de regroupement ouvrier pour combattre les orientations, les sabotages, et les impasses syndicalistes en y opposant les mots d’ordre et revendications favorisant le développement du combat de classe et en cherchant à regrouper autour d’eux les prolétaires les plus combatifs. Le parti doit se porter au premier rang du combat politique quotidien que le prolétariat comme un tout doit prendre en charge dans ses luttes contre les forces bourgeoises, syndicalistes et de gauche principalement.
13) La nature contre-révolutionnaire des partis dits « ouvriers » ou de gauche
L’ensemble des partis ou organisations qui aujourd’hui défendent, même conditionnellement ou de façon critique, certains États ou certaines fractions de la bourgeoisie contre d’autres, que ce soit au nom du « socialisme », de la démocratie, de l’antifascisme, de l’indépendance nationale, du front unique, ou du moindre mal – que représenteraient les forces démocratiques et de gauche face à la droite ou l’extrême droite – qui fondent leur politique sur le jeu bourgeois des élections, dans l’activité anti-ouvrière du syndicalisme ou dans les mystifications autogestionnaires sont des organes de l’appareil politique bourgeois : il en est ainsi, en particulier, des partis « socialistes » et « communistes ».
Ces partis, en effet, après avoir constitué à un certain moment les véritables avant-gardes du prolétariat mondial ont connu par la suite tout un processus de dégénérescence qui les a conduits dans le camp du capital. Si les Internationales auxquelles ils appartenaient (2ème Internationale pour les partis socialistes, 3ème Internationale pour les partis communistes) sont mortes comme telles, malgré la survivance formelle de leur structure, dans un moment de défaite historique de la classe ouvrière, ils ont quant à eux survécu pour devenir progressivement, chacun pour sa part, des rouages souvent majeurs de l’appareil de l’État bourgeois de leurs pays respectifs.
Il en a été ainsi des partis socialistes lorsque, dans un processus de gangrène par le réformisme et l’opportunisme, la plupart d’entre eux ont été conduits lors de la Première Guerre mondiale (qui marque la mort de la 2ème Internationale) à s’engager, sous la conduite de leur droite social-chauvine, désormais passée à la bourgeoisie, dans la politique de défense nationale, puis à s’opposer ouvertement à la vague révolutionnaire d’après guerre jusqu’à jouer le rôle de bourreaux du prolétariat comme en Allemagne 1919.
L’intégration finale de chacun de ces partis dans leurs États nationaux respectifs prit place à différents moments de la période qui suivit l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Mais ce processus fut définitivement clos au début des années 20, quand les derniers courants prolétariens furent éliminés ou sortirent de leurs rangs en rejoignant l’Internationale Communiste.
De même, les partis communistes sont à leur tour passés dans le camp du capitalisme après un processus similaire de dégénérescence opportuniste. Ce processus, engagé dès le début des années 20 fut favorisé par les faiblesses tout aussi opportunistes qui prévalurent à leur constitution et à leur adhésion à l’Internationale communiste. Il s’est poursuivi après la mort de celle-ci (marquée par l’adoption de la théorie du socialisme en un seul pays en 1928), jusqu’à aboutir, malgré la lutte acharnée de leurs fractions de gauche et après l’élimination de celles-ci, à une complète intégration dans l’État capitaliste au cours des années 30 avec leur participation aux efforts d’armement de leurs bourgeoisies respectives en vue de la Seconde Guerre mondiale et leur entrée dans les fronts populaires. Leur participation active à la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale et à la reconstruction nationale après celle-ci les a confirmés comme de fidèles serviteurs du capital national et comme la plus pure incarnation de la contre-révolution. Depuis lors, leur appartenance à la gauche du capital ne s’est pas démentie à la fois par leur participation à divers gouvernements de gauche comme à leur défense systématique, une fois dans l’opposition, du capital national.
L’ensemble des courants, soi-disant révolutionnaires, tels que le maoïsme – qui est une simple variante des partis staliniens définitivement passés à la bourgeoisie –, le trotskisme – qui après avoir constitué une réaction prolétarienne contre la trahison des partis communistes, a été happé dans un processus similaire de dégénérescence jusqu’à participer à la Deuxième Guerre impérialiste – ou l’anarchisme – qui, après avoir lui aussi participé à la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, se situe aujourd’hui dans le cadre d’une même démarche politique en défendant un certain nombre de positions des partis socialistes et des partis communistes par exemple les alliances antifascistes –, appartiennent au même camp que celui du capital. Le fait qu’ils aient moins d’influence ou qu’ils utilisent un langage plus radical n’enlève rien au fond bourgeois de leur programme et de leur nature, mais en fait d’utiles rabatteurs ou suppléants de ces partis.
Le parti se doit de mener un combat incessant contre les campagnes et les manœuvres que ces organisations de la gauche du capital développent pour détourner le prolétariat de son terrain de classe et de son affrontement à l’État capitaliste. La dénonciation des prises de position de ces partis, y compris les plus radicaux ou gauchistes, est aussi un élément pour comprendre la dynamique de l’affrontement de classe en cours, les thèmes et les objectifs immédiats de la bourgeoisie, ses lignes de défense et d’attaque face au prolétariat, et pour déterminer tactiques et orientations immédiates.
14) Le frontisme, arme de la contre-révolution
À l’époque où l’alternative propre à la période de déclin historique du capitalisme, révolution prolétarienne internationale ou guerre impérialiste généralisée, est devenue la seule perspective que le capitalisme puisse présenter, il ne peut exister aucune tâche commune, même momentanée, entre la classe révolutionnaire et une quelconque fraction de la classe dominante, aussi progressiste, démocratique ou populaire puisse-t-elle se prétendre. Contrairement à la phase ascendante du capitalisme, sa période impérialiste ne permet effectivement à aucune fraction de la bourgeoisie de jouer un rôle historique progressiste. En particulier, la démocratie bourgeoise qui, contre les vestiges des structures héritées de la féodalité, constituait, au 19e siècle, une forme politique progressive, a perdu tout contenu politique réel. Elle ne subsiste que comme paravent trompeur au renforcement du totalitarisme étatique et les fractions de la bourgeoisie qui s’en réclament sont aussi réactionnaires que toutes les autres.
De fait, depuis la Première Guerre mondiale, la Démocratie s’est révélée comme un des pires poisons pour le prolétariat. C’est en son nom, qu’après cette guerre, a été écrasée la révolution dans plusieurs pays d’Europe ; c’est en son nom et contre le fascisme, qu’ont été mobilisés des dizaines de millions de prolétaires dans la Seconde Guerre impérialiste. C’est encore en son nom qu’aujourd’hui le capital tente de dévoyer les luttes prolétariennes dans les alliances anti-racistes, féministes, écologistes, identitaires, anti-fascistes, contre la répression ou contre le totalitarisme, etc.
Produit spécifique d’une période où le prolétariat a déjà été écrasé politiquement, physiquement et idéologiquement suite à des confrontations de classe massives, le fascisme n’est absolument pas à l’ordre du jour à l’heure actuelle et toute propagande sur le danger fasciste est parfaitement mystificatrice alors même que l’État démocratique est de plus en plus totalitaire. D’autre part, le fascisme ou les pouvoirs dits dictatoriaux, ou illibéraux, ne détiennent pas le monopole de la répression, et si les courants politiques démocratiques ou de gauche l’identifient avec celle-ci, c’est qu’ils tentent de masquer qu’ils sont eux-mêmes des utilisateurs décidés de cette même répression à tel point que c’est à eux que revient l’essentiel de l’écrasement des mouvements révolutionnaires de la classe ; par exemple, c’est bien la sociale-démocratie, et non pas le nazisme, qui a écrasé dans le sang la révolution prolétarienne en Allemagne après la Première Guerre mondiale.
Au même titre que les fronts populaires et antifascistes, les tactiques de front unique se sont révélées de redoutables moyens de détournement de la lutte prolétarienne. Ces tactiques, qui commandent aux organisations révolutionnaires de proposer des alliances aux partis dits ouvriers afin de les « mettre au pied du mur » et de les démasquer, ne reviennent en fin de compte qu’à maintenir des illusions sur la véritable nature bourgeoise de ces partis et à retarder la rupture des ouvriers avec eux.
Le parti se doit donc de lutter en permanence pour l’autonomie du prolétariat face à toutes les autres classes de la société. Elle est la condition première de l’épanouissement de sa lutte vers le but révolutionnaire. Le parti dénonce toutes les alliances avec des fractions de la bourgeoisie qui ne peuvent aboutir qu’au désarmement du prolétariat devant son ennemi en lui faisant abandonner le seul terrain où il puisse tremper ses forces : son terrain de classe. Tout courant politique qui tente de lui faire quitter ce terrain sert directement les intérêts de la bourgeoisie et le parti doit dénoncer clairement tout tactique frontiste avec des partis bourgeois comme contre-révolutionnaire.
15) La mystification parlementaire et électorale
Dans la période de développement effectif du système capitaliste, le parlement constituait la forme la plus appropriée de l’organisation de la vie politique de la bourgeoisie. Institution spécifiquement bourgeoise, il n’a donc jamais été un terrain de prédilection pour l’action de la classe ouvrière et le fait pour celle-ci de participer à ses activités ou aux campagnes électorales, recelait des dangers très importants que les révolutionnaires du 19e siècle n’ont jamais manqué de dénoncer. Cependant, dans une période où l’alternative révolution prolétarienne ou guerre impérialiste généralisée n’était pas encore à l’ordre du jour, où la mainmise totalitaire de l’État, le capitalisme d’État, ne s’imposait pas encore, où les organisations de masse, partis et syndicats, du prolétariat pouvaient exister et se développer, une telle participation lui permettait à la fois de faire pression en faveur d’améliorations substantielles des conditions de la classe ouvrière, d’utiliser les campagnes électorales comme moyen de propagande et d’agitation autour du programme prolétarien et d’employer le Parlement comme tribune de dénonciation de la politique bourgeoise. C’est pour cela que la lutte pour le suffrage universel a constitué, tout au long du 19ème siècle, dans un grand nombre de pays, une des occasions majeures de mobilisation du prolétariat.
Avec l’entrée du système dans sa phase de domination croissante du capitalisme d’État pour les besoins de la guerre impérialiste généralisée, le Parlement cesse d’être un organe au sein duquel les différentes fractions bourgeoises débattent et règlent leur différends ce qui pouvait y laisser une place et un espace aux autres classes. Avec la guerre impérialiste et face à la menace révolutionnaire du prolétariat, l’exécutif prend définitivement le pas sur le législatif, les gouvernements sur les parlements qui ne sont plus que des chambres d’enregistrement des décisions gouvernementales. Comme le dit l’Internationale Communiste (2ème congrès, 1920) « le centre de gravité de la vie politique est sorti complètement et définitivement du Parlement ». La seule fonction qu’il puisse assumer, et qui explique son maintien en vie, est une fonction de mystification démocratique contre le prolétariat. Dès lors, prend fin toute possibilité, pour le prolétariat, d’utiliser de quelque façon que ce soit un organe qui a perdu toute fonction politique effective, autre que mystificatrice. À l’époque où sa tâche fondamentale réside dans la destruction de l’ensemble des institutions étatiques bourgeoises et donc du Parlement, où il se doit d’établir sa propre dictature sur les ruines du suffrage universel et autres vestiges de la société bourgeoise, sa participation aux institutions parlementaires et électorales aboutit, quelles que soient les intentions affirmées par ceux qui la préconisent, à insuffler un semblant de vie à ces institutions moribondes.
La participation électorale et parlementaire ne comporte donc plus aucun des avantages qu’elle pouvait avoir au 19e siècle. Par contre, elle en cumule tous les inconvénients et dangers, et principalement celui de maintenir vivace les illusions sur la possibilité d’un passage pacifique ou progressif au socialisme à travers la conquête d’une majorité parlementaire par les partis dits ouvriers.
De plus, l’utilisation des élections et des parlements comme instruments d’agitation et de propagande tend à préserver les schémas politiques de la société bourgeoise et à encourager la passivité des travailleurs. Si un tel inconvénient était acceptable quand pouvait se développer en permanence une véritable vie prolétarienne dans des organisations de masse, il devient une entrave décisive à l’heure où la seule tâche qui soit historiquement à l’ordre du jour pour le prolétariat est justement celle du renversement du vieil ordre social et l’instauration de la société communiste qui exigent la participation active et consciente de l’ensemble de la classe, qui ne peut se matérialiser que dans le processus vivant de la grève de masse.
Si, à l’origine, les tactiques de parlementarisme révolutionnaire mises en avant par l’IC étaient, avant tout, la manifestation du poids du passé au sein de la classe et de ses organisations, elles se sont avérées, après une pratique aux résultats désastreux pour la classe, une politique foncièrement opportuniste. Aujourd’hui, toute participation électorale ou parlementaire se situe clairement sur le terrain bourgeois. Le parti se refuse à toute participation électorale et parlementaire. Il dénonce la mystification de la démocratie bourgeoise et y oppose l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes au moyen de leur exercice de la dictature du prolétariat.
16) L’autogestion, auto-exploitation du prolétariat
L’autogestion, c’est-à-dire la gestion des entreprises par les ouvriers au sein d’une société qui reste capitaliste, si elle était déjà une utopie petite bourgeoise au 19e siècle quand elle était préconisée par les courants proudhoniens, est aujourd’hui une pure mystification capitaliste :
arme économique du capital, elle a pour finalité de faire accepter par les travailleurs le poids des difficultés des entreprises frappées par la crise en leur faisant organiser les modalités de leur propre exploitation ;
arme politique de la contre-révolution, elle a pour fonction de diviser la classe ouvrière en l’enfermant et l’isolant usine par usine, quartier par quartier, secteur par secteur ; d’attacher les travailleurs aux préoccupations de l’économie capitaliste qu’ils ont au contraire pour tâche de détruire ; de détourner le prolétariat de la première tâche qui conditionne son émancipation : la destruction de l’appareil politique du capital et l’instauration de sa propre dictature au niveau mondial.
C’est effectivement à ce seul niveau que le prolétariat pourra prendre en charge la gestion de la production, mais alors, il ne le fera pas dans le cadre de chaque usine ou entreprise, mais au niveau international et de façon centralisée, ni dans le cadre des lois capitalistes mais en détruisant celles-ci. La gestion de la production par le prolétariat, y compris à un niveau territorial donné, ne peut s’accomplir qu’une fois l’insurrection prolétarienne accomplie et la dictature de classe exercée dans le territoire, ou pays, ou encore groupe de pays, donné.
L’expérience historique nous enseigne qu’à une large échelle, l’autogestion ouvrière fut un des moyens qui permit de détourner les prolétaires espagnols de l’insurrection et de la destruction de l’État bourgeois durant la Guerre d’Espagne en 1936. Face à la fuite des propriétaires de nombreuses entreprises, les travailleurs n’eurent d’autre recours que d’assurer la production eux-mêmes ; ou bien, plus souvent encore, furent encouragés à collectiviser leur entreprise par la CNT anarchiste. Loin d’avoir supprimé l’exploitation capitaliste, ces entreprises collectivisées et autogérées se mirent au service de l’effort de guerre du camp républicain anti-fasciste, tout aussi bourgeois que le camp franquiste, et redoublèrent l’exploitation du travail tout en enchaînant politiquement et idéologiquement les prolétaires derrière l’État bourgeois avant qu’ils ne soient finalement massacrés sur les fronts militaires impérialistes.
L’expérience nous enseigne aussi qu’il peut arriver, dans des circonstances exceptionnelles, faillite d’entreprise ou encore patrons disparaissant lors de périodes de confrontations de classe massives, que des ouvriers soient contraints de continuer la production afin de maintenir leur salaire. Dans ce cas particulier, tout en comprenant les prolétaires tentant d’établir une ligne de défense immédiate et limitée – il ne s’agit pas de les condamner de manière dogmatique –, le parti doit combattre toute illusion ou fétichisme sur l’autogestion ouvrière et avertir que l’exploitation capitaliste reste en vigueur.
Le parti dénonce comme contre-révolutionnaires toutes les positions politiques qui, même au nom de l’expérience prolétarienne ou de l’établissement de nouveaux rapports entre travailleurs, défendent l’autogestion. Elles participent, en fait, à la défense objective des rapports de production capitalistes. De même, durant la période de transition du capitalisme au communisme, le parti luttera contre toute autogestion locale ou d’entreprise et défendra la gestion planifiée, centralisée et internationale de la production sociale.
17 ) Le caractère capitaliste de l’ex-URSS, des pays dits socialistes et de la Chine
Aujourd’hui, l’URSS et ses satellites, les pays dits « socialistes », ont disparu avec la fin du bloc impérialiste de l’Est et le supposé socialisme de la Chine, de Cuba, voire du Venezuela de Chavez ne font plus guère illusion. Il n’en reste pas moins que l’assimilation du capitalisme d’État sous sa forme stalinienne à une forme ou une autre de socialisme est encore utilisée contre le prolétariat et sa théorie révolutionnaire, ne serait-ce qu’en entretenant le mythe des nationalisations et autres mesures dites sociales, ou encore d’un État providence. Le communisme n’est pas l’étatisation des moyens de production, ni même des services publics, telles l’éducation ou la santé, mais la suppression de l’exploitation et des classes. En faisant passer le capital aux mains de l’État, cette forme de capitalisme d’État crée l’illusion de la disparition de la propriété privée des moyens de production et de l’élimination de la classe bourgeoise. La théorie stalinienne de la possibilité du « socialisme en un seul pays » ainsi que le mensonge des pays dits « communistes », « socialistes », ou en voie de le devenir, trouvent leurs fondements dans cette apparence mystificatrice.
Les changements provoqués par la tendance au capitalisme d’État sous sa forme faussement dite socialiste ne se situent pas au niveau réel des rapports de production, mais au niveau juridique des formes de propriété. Ils n’éliminent pas le caractère réel de propriété privée des moyens de production, mais leur aspect juridique de propriété individuelle. Les travailleurs restent privés de toute emprise réelle sur leur utilisation, ils demeurent entièrement séparés d’eux. Dans les pays staliniens, les moyens de production ne furent collectivisés que pour la bureaucratie, forme particulière de la classe capitaliste dans ces pays, qui les possédait et qui les gérait collectivement.
Lorsqu’une bureaucratie étatique assume la fonction économique spécifique d’extirpation du surtravail du prolétariat et d’accumulation du capital national, elle constitue une classe. Mais ce n’est pas une nouvelle classe. Par sa fonction, elle n’est autre que la vieille bourgeoisie dans sa forme étatique. Au niveau de ses privilèges, ce qui la distingue, ce n’est pas l’importance de ceux-ci, mais la façon dont elle les détient : au lieu de percevoir ses revenus sous forme de dividendes du fait de la possession individuelle de parts du capital, elle les perçoit du fait de la fonction de ses membres sous forme de frais de fonction, de primes et de rémunérations fixes sous la forme de salaire, dont le montant est souvent des dizaines ou des centaines de fois supérieur au revenu d’un ouvrier.
Sur le terrain économique, la Russie, même pendant le court laps de temps où le prolétariat y a détenu le pouvoir politique, n’a pu se dégager pleinement du capitalisme. Si la forme du capitalisme d’État y est apparue aussitôt d’une façon aussi développée, c’est que la désorganisation économique causée par la Première Guerre mondiale, puis par la guerre civile, y ont porté au plus haut degré les difficultés de survie d’un capital national dans le cadre de la période impérialiste et de ses nécessités particulières.
Le triomphe de la contre-révolution en Russie s’est fait sous le signe de la réorganisation de l’économie nationale avec les formes les plus achevées de capitalisme d’État, cyniquement présentées pour la circonstance, comme des prolongements de la Révolution d’Octobre et la construction du socialisme. L’exemple a été repris ailleurs : Chine, Pays de l’Est, Cuba, Corée du Nord, Indochine, etc. Il n’y eut cependant rien de prolétarien, encore moins de communiste, dans tous ces pays, où, sous le poids de ce qui restera comme un des plus grands mensonges de l’histoire, régna, sous ses formes les plus décadentes, la dictature du capital. Le parti dénonce toute défense, même critique ou conditionnelle de ces pays comme étant une activité absolument contre-révolutionnaire.
18) Le mythe contre-révolutionnaire des luttes de libération nationale
De nos jours, s’il n’est plus d’empire colonial tel qu’il pouvait en exister jusqu’aux années 1960, et si les luttes et mouvements dits anti-impérialistes, voire d’indépendance nationale, ont perdu de leur actualité, ils n’en restent pas moins encore une mystification idéologique et politique que le parti se doit de combattre. La réapparition de mouvements indépendantistes comme en Écosse et en Catalogne – en particulier le fiasco ridicule de la déclaration d’indépendance catalane d’octobre 2017 – est venue rappeler que cette mystification de la libération nationale peut encore être utilisée contre le prolétariat et son unité dans les luttes.
La libération nationale et la constitution de nouvelles nations n’ont jamais été une tâche propre du prolétariat. Si, au 19e siècle, les révolutionnaires ont été amenés à appuyer de telles politiques ce n’est donc pas avec des illusions sur leur caractère exclusivement bourgeois ni au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Un tel appui reposait sur le fait que, dans la phase ascendante du capitalisme, toute formation d’une nouvelle nation et d’un capitalisme national, en éliminant les vestiges contraignants des rapports sociaux pré-capitalistes, constituait un pas en avant dans le sens d’une croissance des forces productives et du capitalisme au niveau mondial et ainsi favorisait l’émergence d’un prolétariat, classe révolutionnaire, dans la nation concernée ; tout comme, indirectement, elle pouvait favoriser l’éveil et les luttes du prolétariat de la puissance colonialiste et impérialiste comme le soulignèrent Marx et Engels en leur temps, en particulier à propos de l’Irlande et de la Pologne vis-à-vis de l’Angleterre et la Russie tsariste. Dans un monde totalement conquis par le capitalisme dès les débuts du 20e siècle et où l’impérialisme s’imposait dorénavant à tout État, les luttes de libération nationale, perdant leur habit de mouvement progressif, ont commencé à se réduire pour l’essentiel à un moment de l’affrontement constant entre impérialismes rivaux dans lequel les prolétaires et paysans enrôlés, volontairement ou de force, ne participaient que comme chair à canon.
De telles luttes n’affaiblissaient plus l’impérialisme comme un tout. Si elles affaiblissaient un impérialisme, ou une alliance impérialiste, voire un bloc, c’était pour mieux en renforcer un autre et, la nation ainsi constituée devenait elle-même impérialiste puisqu’à l’heure de la décadence, du capitalisme d’État et de l’impérialisme généralisé, aucun pays grand ou petit, ne peut s’épargner une telle politique. Ce phénomène, les luttes de libération nationale inéluctablement entraînées derrière et au service d’un impérialisme contre l’autre, devint définitif au lendemain de la 2e Guerre mondiale et de la division en deux blocs impérialistes de la fin 1945 à la fin des années 1980. On peut affirmer que le cycle des luttes de libération nationale s’est définitivement clos avec la 2e Guerre impérialiste mondiale.
Dès lors, si une « libération nationale réussie » n’avait d’autre signification que le changement de puissance de tutelle pour le pays concerné, surtout au temps des blocs impérialistes américain et russe jusqu’à la disparition de l’URSS et des blocs impérialistes de l’Est et de l’Ouest, elle se traduisait la plupart du temps pour les travailleurs, en particulier dans les nouveaux pays soit-disant « socialistes », par une intensification, une systématisation, une militarisation de l’exploitation par le capital étatisé qui, manifestation de la barbarie actuelle du système, transformait la nation dite libérée en véritable camp de concentration. Loin d’être alors, comme le prétendaient certains, un tremplin pour la lutte de classe du prolétariat des pays qui étaient encore à la périphérie du capitalisme il y a quelques décennies, ces luttes, par les mystifications patriotiques qu’elles colportaient et l’embrigadement derrière le capital national qu’elles impliquaient, agissaient toujours comme frein et dévoiement de la lutte prolétarienne souvent acharnée dans ces pays. L’histoire a amplement montré, au moins depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et contrairement aux affirmations de l’Internationale Communiste, que les luttes de libération nationale n’ont pas impulsé plus le combat de classe des prolétaires des pays dits alors avancés, les bastions historiques du capitalisme, que celui des prolétaires des pays qui étaient encore à sa périphérie. Les uns comme les autres n’avaient rien à attendre, et n’ont toujours rien à attendre, de ces luttes ni aucun camp à choisir. Les dernières libérations nationales en date, principalement celles des ex-pays européens du bloc de l’Est explosant en une multitude de petites nations, ont largement confirmé à la fois leur alignement derrière telle ou telle puissance impérialiste dès leur constitution, malgré – et du fait – des velléités nationalistes apparentes exacerbées et causées par leur propre histoire de nation opprimée, et l’impasse nationaliste qu’elles représentaient pour le prolétariat directement concerné et la confusion pour le prolétariat international, particulièrement européen. Les exemples les plus clairs, et dramatiques pour les populations, sont les cas palestinien et kurde – peuples historiquement opprimés et abandonnés systématiquement après avoir servi tel ou tel impérialisme – qui, soutenus par le gauchisme international et au nom de la libération nationale, ne peuvent faire autrement, si tant est qu’ils en aient quelques velléités, que de se mettre au service de tel ou tel impérialisme. Comme la guérilla kurde l’a encore largement manifesté sous couvert de lutte contre le terrorisme islamiste de Daesh en devenant le bras armé de l’impérialisme américain en Syrie.
Dans ces situations, ou encore affrontements, le seul mot d’ordre du parti ne peut être, contre la version moderne de la défense nationale, que celui qui fut déjà adopté par les révolutionnaires dans la Première Guerre mondiale : défaitisme révolutionnaire, transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. Toute position de soutien inconditionnel ou critique à ces luttes est similaire, de façon consciente ou inconsciente à celle des « social-chauvins » de la Première Guerre mondiale et donc parfaitement incompatible avec une activité communiste cohérente. Tout soutien à des luttes de libération nationale, même au nom d’une nation opprimée, est aujourd’hui contre-révolutionnaire.
19) Les luttes « parcellaires », piège idéologique et politique bourgeois
Le capitalisme, tout comme les sociétés de classe qui l’ont précédé, porte en lui les divisions et discriminations de tout ordre, en particulier le racisme, la domination de la femme, l’homophobie, etc. Le capitalisme utilise ces formes particulières de discriminations et d’oppressions à la fois pour diviser le prolétariat et le détourner de sa lutte et pour renforcer et étendre l’exploitation de la force de travail sous couvert d’égalitarisme, d’humanisme et de démocratie. Historiquement, la fin de l’esclavage des noirs américains libéra ceux-ci de leurs maîtres pour qu’ils puissent vendre leur force de travail contre un salaire de misère dans les usines et les champs de coton. Le féminisme fut utilisé par le capitalisme comme justification idéologique pour la généralisation du travail salarié, et donc de l’exploitation, aux femmes comme aux hommes. En ce sens, tout comme la fin de l’esclavage, la libération de la femme des restes de patriarcat, prônée par les différents mouvements féministes en particulier depuis les années 1960-1970, a servi, et continue à servir, de justification pour que les femmes prolétaires puissent aussi vendre leur force de travail au capitalisme. Ce fut précisément pour les besoins de la Première Guerre mondiale que l’exploitation capitaliste du travail des femmes prolétaires, les hommes étant mobilisés, se généralisa pour la première fois sous sa forme moderne. Depuis lors, la généralisation du travail salarié des femmes s’est traduite par la baisse de moitié la valeur de la force de travail et donc une plus grande exploitation du prolétariat comme un tout : alors que jusqu’aux années 1960, dans les pays centraux du capitalisme, un salaire ouvrier faisait vivre une famille ouvrière entière, aujourd’hui il faut au moins deux salaires, celui de la femme et de l’homme, pour faire vivre de plus en plus misérablement une famille entière sur tous les continents.
S’il est vrai que la révolution prolétarienne engendrera de nouveaux rapports dans tous les domaines de la vie sociale, il est erroné de croire que l’on peut y contribuer en organisant des luttes spécifiques sur des problèmes parcellaires tels le racisme, la condition féminine, la pollution, la sexualité et autres aspects de la vie quotidienne. Par leur contenu même, les luttes parcellaires, loin de renforcer la nécessaire autonomie de la classe ouvrière, tendent au contraire à la diluer dans la confusion de catégories particulières (races, sexes, jeunes, etc.) totalement impuissantes devant l’histoire. C’est pourquoi les gouvernements et les partis politiques bourgeois, surtout de la gauche et du gauchisme, ont appris à les récupérer et à les utiliser efficacement dans la préservation de l’ordre social. C’est dans la lutte prolétarienne, dans son extension, dans sa généralisation, c’est-à-dire dans le combat pour son unité afin de la rendre la plus efficace possible, que le prolétariat en lutte dépasse, et de fait tend à abolir, toutes les divisions qu’elles soient de couleur de peau, de genre, de préférence sexuelle, etc. C’est dans la suppression de l’exploitation de l’être humain par l’être humain, par l’abolition du capitalisme et des rapports marchands, par l’abolition de la division du travail et la disparition des classes, réalisable uniquement par l’exercice de la dictature du prolétariat, point le plus haut de sa lutte de classe révolutionnaire, que les divisions et discriminations de tout ordre, en particulier de couleur de peau et de sexe, prendront définitivement fin.
En luttant toujours et partout pour l’unité du prolétariat et de ses revendications, le parti affiche et défend l’unité et universalité du prolétariat. Ainsi, il combat de fait toutes les divisions imposées par le capitalisme. Ce faisant, le parti dénonce toutes les mystifications d’ordre idéologique avancées par la gauche du capital, particulièrement par les gauchistes, sur les questions et les théories d’intersectionnalité, d’identitarisme, etc., d’écologie, qui visent, in fine, à attacher les prolétaires à la défense de l’État et à la démocratie bourgeoise.
20) Le terrorisme au service de l’État capitaliste
L’arme de la grève de masse et l’insurrection ouvrière, réponses du prolétariat aux conditions imposées par le développement du capitalisme d’État et les besoins de la guerre généralisée, sont la réalisation concrète du principe selon lequel « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Le prolétariat étant contraint de répondre à la violence capitaliste, principalement étatique, par sa propre violence de classe, cette dernière n’est pas une activité séparée du mouvement général prolétarien et de ses luttes. La violence du prolétariat, quelle soit défensive face à la répression capitaliste menée par l’État et ses polices, voire par des milices patronales privées qui ne sont toujours que des excroissances de la violence anti-prolétarienne de l’appareil d’État bourgeois, ou bien offensive comme lors de l’insurrection prolétarienne, ne peut qu’être l’œuvre des prolétaires eux-mêmes, c’est-à-dire une violence de masse.
De manière générale, le parti communiste combat toute conception volontariste et, en particulier, toute conception selon laquelle de petits groupes d’individus, y compris le parti, pourraient se substituer à l’action même de la classe. En ce sens, il rejette toute forme de vision putschiste – une minorité décidée s’emparant du pouvoir au nom du prolétariat, qui fut la vision de Blanqui et qui fut aussi très répandu dans le KPD et le KAPD allemands au début des années 1920 comme l’illustra malheureusement l’insurrection d’Hambourg en 1923 – ou encore de terrorisme ou d’utilisation de la violence par des groupes minoritaires visant à se substituer à la classe dans son ensemble, car jugée passive et qu’il faudrait réveiller par l’exemple.
Expression des couches sociales sans avenir historique et de la décomposition de la petite-bourgeoisie, quand il n’est pas directement l’émanation de la guerre que se livrent en permanence les États, le terrorisme constitue toujours un terrain privilégié pour les manipulations et les provocations d’ordre policier de la bourgeoisie. Prônant l’action secrète de petites minorités, il se situe en complète opposition à la violence de classe qui relève de l’action de masse consciente et organisée du prolétariat.
21) Le GIGC et les conditions pour la formation du parti
Le GIGC défend et combat pour que le futur parti se constitue sur la base programmatique des principes et positions qui précèdent. Si le parti n’existe pas aujourd’hui, il n’en reste pas moins que le GIGC défend et lutte au sein du camp prolétarien, en particulier vis-à-vis des autres groupes pro-parti se revendiquant de la Gauche communiste, pour que ses composantes adoptent et développent sans attendre, méthode, esprit, intervention et fonctionnement de parti dès aujourd’hui. En effet, le combat pour celui-ci est permanent que les conditions pour sa formation formelle existent ou non.
Il serait erroné et dangereux de considérer de manière fataliste ou mécanique que le parti ne puisse se constituer qu’au cours même de la révolution, voire sous la poussée pré-révolutionnaire ; c’est-à-dire comme produit immédiat de la lutte. En particulier, réduire l’action du parti ou des groupes communistes à l’attente passive que les grandes masses du prolétariat le reconnaissent spontanément est une désertion du combat quotidien et permanent, y compris dans la classe elle-même, pour la formation du parti. De même est erronée et dangereuse la conception qui défend que la constitution du parti est simplement affaire de volonté et qu’elle puisse se décréter en tout temps de manière volontariste. En particulier, toute conception qui réduit la formation du parti à un simple niveau d’influence dans les masses ouvrières des courants et groupes communistes et au nombre d’adhésion dans leurs rangs, ou encore toute conception ouvriériste, voire sociologique, du parti, et qui tend à reprendre et adopter un point de vue démocratique – l’adhésion ou le soutien majoritaire des prolétaires au parti comme condition de l’action – est à combattre et à rejeter. Prenant le résultat – l’influence et la direction politique – pour la cause, ce type de conception ouvre la porte à des projets artificiels de parti et de sa formation au détriment de la réalité dialectique de la lutte des classes et du rapport parti-classe.
L’exacerbation des contradictions du capitalisme et l’affirmation et développement de la lutte prolétarienne provoquent inévitablement exacerbations des divergences et décantations politiques au sein du camp prolétarien. Loin d’attendre passivement que ces dernières se réalisent, il appartient à ses composantes pro-parti, en particulier celles se réclamant de la Gauche communiste, d’assumer et d’accélérer la confrontation et la clarification de ces divergences, de les pousser jusqu’à la décantation et la sélection des groupes qui seront appelés à constituer le parti. Il y a de fait une interaction historique, un lien dialectique, entre le développement de la lutte révolutionnaire du prolétariat et la lutte pour la clarification des positions programmatiques, de la plateforme politique, devant servir de base à la fondation et l’unité politiques effectives du parti. L’histoire nous enseigne que le parti politique du prolétariat se forme autour de courants, fractions ou partis qui, suite à une décantation et sélection politiques en relation au développement de la lutte des classes, se sont dégagés comme pôle principal de regroupement et autour desquels le parti se constitue. En général, cela est dû à leur histoire propre, en particulier leurs liens avec le parti, ou Internationale, du passé ; à leur capacité à défendre les principes prolétariens ; et à faire de leurs orientations et mots d’ordre politiques des éléments et des facteurs réels de la lutte entre les classes. Ils deviennent alors, et doivent lutter pour devenir, le pôle autour duquel les autres composantes révolutionnaires, anciennes restées elles-aussi fidèles aux principes, ou nouvelles et émergeant rejoignant les positions programmatiques de la fraction communiste, se regroupent et forment le parti.
L’histoire nous enseigne aussi que la formation du parti réel, toujours résultat d’un combat politique face aux hésitations, réserves, doutes, réticences, voire oppositions, s’impose au plus tard dès lors que l’intervention, les orientations et les mots d’ordre des groupes ou fractions communistes deviennent un élément et un facteur permanent concret de la situation, du rapport de force entre les classes même lorsqu’ils sont encore minoritaires, même si les masses ne s’en emparent pas encore, ne les réalisent pas encore. Devenus une référence et une orientation de combat permanentes à la fois par le développement de lutte des classes et par l’intervention décidée et volontaire des fractions et groupes communistes, leurs orientations et mots d’ordre sont objet et enjeux immédiats du devenir de la lutte et de la confrontation avec les forces bourgeoises en milieu ouvrier. Ainsi, et même si toujours minoritaires et non repris par l’ensemble de la classe révolutionnaire, orientations et mots d’ordre communistes deviennent forces matérielles et facteurs directs de la confrontation entre les classes. Alors, la constitution formelle du parti prend une véritable signification historique concrète, est un enjeu réel de la situation immédiate et devient une urgence. Alors, le combat résolu pour celle-ci est la priorité absolue des groupes communistes les plus conséquents, comme nous l’enseignent les expériences de la fraction bolchevique en 1917 et de la Fraction Abstentionniste en 1920-1921 en Italie.
S’il existe encore et qu’il a réussi à remplir la tâche qu’il se donne dans cette plateforme, le combat permanent pour le parti, le GIGC disparaîtra alors, se dissoudra, et ses membres adhéreront au parti communiste international et mondial du prolétariat.
jeudi 16 septembre 2021