(Juin 2022) |
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Sur les différentes prises de position des groupes révolutionnaires depuis l’invasion de l’Ukraine : la question du danger de la guerre impérialiste généralisée
Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, il y a eu de nombreuses déclarations de groupes de la Gauche communiste qui sont restés fidèles à l’internationalisme prolétarien. Ce qui ressort des réactions de ces révolutionnaires, c’est que la principale ligne de confrontation, ou de bataille, au sein du camp prolétarien tourne autour de la reconnaissance ou de la négation que cette guerre impérialiste en Ukraine est à la fois une expression et un facteur de la dynamique et de la pression inéluctable du capitalisme vers une guerre impérialiste généralisée ; vers la Troisième Guerre mondiale. Selon le positionnement d’un côté ou l’autre de cette ligne, la revendication de l’internationalisme prolétarien prend un caractère concret et efficace pour la lutte du prolétariat, c’est-à-dire basé sur des faits historiques matériels, ou reste une revendication abstraite et intemporelle basée simplement sur les sentiments et la morale. Il est certain que la seconde approche ne peut qu’ouvrir la voie à une sorte de pacifisme moral puisqu’elle n’enracine pas l’internationalisme sur le terrain très matériel de la relation dialectique entre le processus même de la guerre impérialiste et celui de la lutte des classes, qui se synthétise dans l’alternative « révolution prolétarienne internationale ou de la guerre impérialiste généralisée », révolution ou guerre.
Nous laisserons de côté le cas honteux de trahison des principes internationalistes par le groupe Mouvement Communiste, qui a avancé la position absurde selon laquelle la résistance armée en Ukraine est une expression de l’auto-organisation populaire plutôt que l’initiative d’un État qui a réussi à coordonner le réapprovisionnement en armes de l’Occident et à militariser la société au nom d’une guerre défensive sacrée contre la Russie.
Ainsi, à l’exception de ce groupe et à notre connaissance, l’ensemble des composantes du camp révolutionnaire, de sa droite à sa gauche a adopté des déclarations internationalistes claires contre la guerre impérialiste en Ukraine, appelant les prolétaires à rejeter toute participation à l’un ou l’autre camp. En son sein, l’ensemble des groupes se réclamant de la Gauche communiste ont appelé les prolétaires à se situer, plus ou moins concrètement, sur le terrain de la lutte des classes comme seule réponse à développer face à la guerre impérialiste en Europe. Comme tous, les groupes dits bordiguistes – les différents Parti communiste international – ont appelé « les prolétaires [à] pas se laisser prendre au piège d’une prétendue ‘solidarité humanitaire’ qui ne sert que les visées impérialistes ; (...) à [ne pas] prendre partie pour l’un ou l’autre camp en conflit qui sont tous ses adversaires. » (Le prolétaire). Leur insistance portait sur les slogans « transformer la guerre impérialiste en révolution » (PCI-Il Partito Comunista) et « défaitisme révolutionnaire contre toutes les bourgeoisies et leurs Etats ! » (PCI – Il Programa comunista) [1]. Si nous pensons relativement générale pour l’instant l’orientation de transformer cette guerre impérialiste en révolution, nous partageons le rapport que ce dernier groupe établit entre la lutte des classes et l’affrontement à la guerre et les orientations mises en avant : « La seule voie pour éviter d’autres massacres passe par : 1) le refus des sacrifices économiques et sociaux au nom de ‘l’économie nationale’ ; 2) l’organisation de la lutte et de la défense des conditions de vie et de travail des prolétaires pour gêner sérieusement l’engagement guerrier de la bourgeoisie ; 3) la rupture ouverte de la paix sociale et le retour décisif aux méthodes et aux objectifs de la lutte de classe, la seule véritable solidarité internationaliste des prolétaires, tant dans les métropoles que dans les périphéries impérialistes ; 4) le refus de tout engagement partisan (nationaliste, religieux, patriotique, mercenaire, humanitaire, pacifiste) en faveur d’un quelconque front impérialiste ; 5) la grève générale contre tous les types de mobilisation guerrière. » [2]
Maintenant, au-delà de ces orientations et mots d’ordre corrects pour le prolétariat et à cause de leur position de base sur le parti et la négation de l’existence d’un camp prolétarien composé de différents groupes communistes, ils sont incapables de présenter une quelconque orientation pour rendre la voix internationaliste conséquente plus large et plus efficace et, surtout, faire de ce moment un moment de la lutte pour le parti en proposant une quelconque initiative au prolétariat dans laquelle les autres groupes révolutionnaires et communistes puissent rassembler leurs forces, ou se décanter, se sélectionner, précisément sur les bases de ces orientations et mots d’ordre.
Néanmoins, certaines initiatives et certains appels ont été lancés. Parmi eux, par la Tendance communiste internationaliste et le Courant communiste international. Tous deux sont restés fidèles aux principes prolétariens face à la tempête historique provoquée par l’invasion de la Russie. La différence fondamentale entre les deux démarches politique porte sur leur positionnement opposé, et en fait de principe, par rapport à la question centrale de notre époque : la perspective de la guerre impérialiste généralisée.
La prise de position conjointe de groupes de la Gauche communiste (CCI) [3]
L’initiative des groupes révolutionnaires que nous qualifierions d’opportunistes, à savoir le CCI et Internationalist Voice, que l’Institut Onorato Damen a rejoint, met en avant la permanence de la guerre impérialiste sous le capitalisme et nie la réalité en cours d’une consolidation des blocs impérialistes. Ce point sur la permanence de la guerre est un clin d’œil à peine voilé à la décomposition, le cheval de Troie du CCI par lequel il introduit l’idéalisme bourgeois dans la doctrine révolutionnaire du prolétariat. Après tout, si la guerre doit simplement être comprise comme une caractéristique permanente de la société capitaliste – ce que nous ne nions pas mais qui est une compréhension ahistorique et abstraite – alors nous sommes arrivés à une situation dans laquelle l’histoire est au point mort. Ce point de vue est cohérent avec la théorie du CCI selon laquelle il y aurait eu une impasse dans le rapport de forces entre la bourgeoisie et le prolétariat, qui aurait à son tour conduit à une nouvelle phase de décadence capitaliste qu’il appelle Décomposition, une phase d’ailleurs dans laquelle le facteur déterminant du développement historique n’est plus la lutte entre les classes en conflit dans la société mais plutôt l’effet de la Décomposition sur la société dans son ensemble. Avec une telle théorie, qui parvient à la fois à tout expliquer et à ne rien expliquer, on ne peut pas doter les masses prolétariennes de la doctrine nécessaire à leur émancipation car cette théorie ne permet pas de prendre en compte la réalité à laquelle le prolétariat est confronté, la perspective réelle et de plus en plus présente d’une guerre généralisée entre États dotés de l’arme nucléaire. Par conséquent, cette partie de la dénonciation formellement correcte de l’impérialisme et du soutien à l’internationalisme prolétarien du camp prolétarien est minée et rendue abstraite et inutile par le fait que le CCI est incapable de relier ces principes corrects aux enjeux concrets auxquels le prolétariat est confronté, ce qui rend impossible de fonder une politique d’avant-garde cohérente sur de telles théories.
Pourquoi ce genre de déclaration d’internationalisme abstrait est-elle inutile et même dangereuse pour le prolétariat ? Pourquoi ouvre-t-elle la voie au pacifisme petit-bourgeois ? Parce que nier la dynamique et l’action active de la perspective de la troisième guerre mondiale généralisée rend impossible de répondre à la situation et aux politiques très concrètes que le facteur guerre impérialiste généralisée détermine ; en particulier la lutte de classe bourgeoise contre le prolétariat, son terrain, ses batailles et son timing. Le CCI a rejeté en 2007, lors de son 17e congrès, toute perspective de guerre impérialiste généralisée en raison de la théorie idéaliste et opportuniste de la décomposition - « le spectre de la guerre mondiale ne hante plus la planète » parce que « la nouvelle période ouvre la voie [à] la destruction de l’humanité non pas par une guerre apocalyptique, mais par une avancée progressive de la décomposition. » [4] Cette trahison ouverte d’une position fondamentale du marxisme et de la Gauche communiste le rend incapable de comprendre les enjeux de la guerre impérialiste actuelle en Ukraine, en particulier le fait qu’elle marque une étape dans la progression vers une troisième guerre mondiale. En effet, au nom du « chacun pour soi » (le chaos croissant provoqué par la décomposition), il exclut et même nie la réalité du (processus contradictoire) de la polarisation impérialiste. Ainsi, les tenants de ce déni sont incapables de comprendre et de dénoncer aux yeux du prolétariat les enjeux mêmes d’une telle polarisation sur les situations nationales. et en particulier sur les attaques spécifiques que les travailleurs subiront, subissent déjà. Par exemple, en fonction des contrastes et des alignements impérialistes, le choix des thèmes idéologiques que chaque classe dominante emploiera contre son propre prolétariat ne sera pas le même, ni ne sera décliné de la même manière. Déjà avant la guerre en Ukraine, mais renforcé avec elle, le thème idéologique démocratique pour l’enrôlement du prolétariat des puissances occidentales est très clair : contre l’illibéralisme et les pouvoirs autoritaires. Ainsi, la mystification démocratique pour l’enrôlement du prolétariat dans la guerre n’est pas déclinée de la même manière qu’elle pouvait encore l’être, il y a encore quelques mois, en Europe occidentale. Par exemple, l’antiaméricanisme et l’anti-Trumpisme traditionnels en France, mais très partagés ces derniers temps par l’Allemagne et d’autres pays lorsque ces puissances pouvaient « rêver » de prendre leur distance et de s’opposer aux avancées de l’impérialisme américain, se sont maintenant estompés. [5]
Il en va de même pour expliquer et comprendre le réarmement massif que la bourgeoisie allemande a décidé dans l’urgence. Le fait que ce virage à 180 degrés dans la politique impérialiste allemande depuis 1945 ait des difficultés à trouver le personnel politique ou la fraction bourgeoise pour le mettre pleinement en œuvre – nul doute qu’il finira par trouver le personnel politique adéquat – a, aura, des conséquences pour le prolétariat en Allemagne : il paiera non seulement pour la crise mais pour ce réarmement et la production militaire. Ainsi, le terrain et le moment des attaques bourgeoises contre le prolétariat changent de facto. C’est aux groupes communistes de répondre aux enjeux réels et de présenter des orientations et des slogans pour lutter contre les implications sur les conditions de vie et de lutte du prolétariat de ces dépenses militaires et de la croissance de l’industrie militaire. Quant au prolétariat en Suède et en Finlande, le terrain et le calendrier de la lutte de classe menée par leur propre classe dirigeante vont « changer » et être déterminés par l’adhésion nouvelle et inattendue de ces deux pays traditionnellement neutres à l’Otan. La politique traditionnelle de chacun de ses État, à base d’une idéologie neutraliste et de la mystification pacifiste portée contre le prolétariat depuis 1945 vient de connaître un virage à 180 degrés.
Ne serait-ce qu’avec cette question particulière de la polarisation impérialiste, nous pouvons voir comment la guerre impérialiste en Ukraine, non pas en soi, non pas parce que la guerre est permanente sous le capitalisme, mais précisément aujourd’hui, en 2022, est une expression de la poussée actuelle vers la guerre impérialiste généralisée, un produit et un facteur aggravant et accélérateur de celle-ci. C’est le cours ou le processus vers la guerre impérialiste généralisée, comme expression la plus élevée de la crise économique et de l’impasse du capitalisme, qui définit, délimite, donne le cadre concret des enjeux, du terrain et du moment de la lutte de classe, celle que les classes dirigeantes développent et mènent contre le prolétariat, dans chaque pays et conformément à leur histoire-tradition nationale et aux nouveaux besoins impérialistes actuels.
Nous pourrions ajouter à notre argumentation les autres contradictions et conflits dramatiques que le pas vers la guerre impérialiste généralisée franchi en Ukraine provoque. Par exemple, la recherche de la sécurisation de l’accès aux matières premières, gaz, pétrole, mais aussi du lithium ou des terres rares, et même de l’agriculture comme les céréales, devient plus aiguë entre les puissances. En particulier, au-delà des pays d’Afrique et d’Amérique menacés par une famine de masse, elles deviennent un enjeu et une préoccupation cruciale pour les puissances européennes. Précisément parce qu’elles sont « piégées » avec la guerre en Ukraine. Contraintes de couper le commerce énergétique avec la Russie, elles sont incroyablement et dangereusement dépendantes des États-Unis tout comme la guerre en Ukraine les rend totalement dépendantes de l’Otan au niveau militaire, révélant ainsi l’énorme division de l’Union européenne sur son avenir impérialiste et de défense militaire. Ainsi, inéluctablement, tout cela a déjà – il suffit de voir l’inflation croissante – et aura des conséquences directes pour le prolétariat. Le même type de guerre aurait été – il pourrait l’être un jour mais il se déclenchera à la suite de la guerre actuelle en Ukraine – possible par l’invasion de Taipei par la Chine. Mais les implications directes et les conséquences de toutes sortes, en particulier sur la lutte des classes, auraient été différentes – même si pas moins dramatiques et graves. Ainsi, la question n’est pas de s’opposer à la guerre impérialiste en général, car elle serait permanente, mais au processus concret actuel de la guerre impérialiste généralisée se frayant un chemin.
S’il en était besoin, la guerre impérialiste en Ukraine, la guerre en Europe, vient confirmer que ce n’est pas seulement la crise économique en elle-même mais la réponse bourgeoise à celle-ci, la dynamique vers la guerre impérialiste généralisée, qui détermine, en dernière instance, non mécaniquement, les différents aspects de la situation. Cela rend ceux, comme le CCI, qui rejettent le principe marxiste et de la Gauche communiste sur la guerre impérialiste généralisée ainsi que l’actualité de l’alternative historique, « révolution prolétarienne internationale ou guerre impérialiste généralisée », inutiles pour le prolétariat parce qu’incapables de fournir des orientations et des slogans concrets et efficaces dans les situations mêmes ; et plus encore, cela les rend dangereux parce qu’ils seront de plus en plus, d’abord soumis, puis ensuite vecteur d’un pacifisme moderne dans les rangs du prolétariat. Un appel abstrait et atemporel à « la reconnaissance que seule la classe ouvrière et sa lutte révolutionnaire peuvent mettre fin au système qui est basé sur l’exploitation de la force de travail et qui génère en permanence la guerre impérialiste » (déclaration du CCI, soulignée par nous), parce que valable à tout moment, ouvre la porte à une sorte de pacifisme moderne, parce qu’il n’est pas enraciné dans la dynamique même du processus authentique de la lutte des classes dont le cours historique est déterminé par l’alternative révolution ou guerre et par la dynamique actuelle et les étapes vers une troisième guerre mondiale.
Ainsi, la référence et l’appel à des conférences du type Zimmerwald reste une pure phrase car les conditions pour un ensemble de conférences Zimmerwald-Khiental n’existent pas aujourd’hui comme l’ont défendu les camarades de la TCI. En particulier, et sans entrer dans la situation même du camp prolétarien aujourd’hui, sa conformation, ses dynamiques opposées – notamment sur la question centrale de la lutte pour le Parti –, ses forces et ses faiblesses, nous ne sommes pas dans une situation, comme en 1914, où les partis de masse du prolétariat avaient trahi du jour au lendemain l’internationalisme prolétarien et laissé les masses prolétariennes qui avaient confiance dans leur parti totalement perdues et désorientées. En passant, il est curieux, voire ironique, de voir le CCI qui rejette tout danger de guerre impérialiste généralisée, appeler à un nouveau Zimmerwald. Outre le fait que cela lui servirait pour tenter d’exclure les soi-disant parasites d’une telle initiative, en premier lieu notre groupe, accepter son terrain lui permettrait d’imposer son rejet de la perspective et du danger de guerre impérialiste au nom d’une unité artificielle de la conférence. N’est-ce pas précisément ce que l’Instituto O. Damen a dû accepter de fait ? Ainsi, dans une telle conférence aujourd’hui, le CCI jouerait le rôle que les centristes kautskistes ont joué au sein des conférences Zimmerwald-Khiental et bloquerait les internationalistes conséquents d’aujourd’hui, ceux qui placent leur action face à la dynamique et aux étapes vers la guerre impérialiste généralisée.
L’appel de la TCI à des comités « NWBCW » [6]
Sur l’autre ligne politique opposée, celle reconnaissant la réalité de la perspective d’une guerre mondiale et de l’appréciation des enjeux qui en découle, nous avons l’Appel de la Tendance Communiste Internationaliste à mettre en place des comités de lutte. Il vise à regrouper les travailleurs sur la nécessité de faire avancer leurs propres intérêts de classe comme moyen de s’opposer à la marche vers la guerre. La raison pour laquelle nous soutenons cette initiative est le lien établi entre l’opposition à la guerre impérialiste et la lutte de la classe ouvrière. Marx a souligné que c’est ce que le prolétariat est, et non ce que tel ou tel prolétaire croit ou même ce que la majorité des prolétaires à un moment donné croit, qui détermine son caractère révolutionnaire. Cette intuition est parfaitement valable dans la situation actuelle d’aggravation des antagonismes impérialistes. Contrairement au CCI, la TCI est prête à faire face à la situation parce qu’elle reste sur une position de base et des principes clairs sur la question de la guerre impérialiste généralisée. Sa plateforme 2020 lui permet d’affronter correctement, en tant qu’authentique avant-garde politique du prolétariat, l’étape historique que représente la guerre impérialiste en Europe et sa relation, ses implications, pour la lutte des classes :
« Une fois encore, l’alternative entre guerre impérialiste et révolution prolétarienne est à l’ordre du jour de l’histoire et impose aux révolutionnaires partout dans le monde la nécessité de resserrer leurs rangs. À l’époque du capital monopoliste mondial, aucun pays ne peut échapper aux forces qui conduisent le capitalisme à la guerre. La tendance inéluctable du capitalisme à se diriger vers la guerre se matérialise aujourd’hui par l’attaque généralisée contre les conditions de vie et de travail du prolétariat. Les conditions matérielles de la lutte internationale du prolétariat contre ses exploiteurs sont donc réunies. »
Que les prolétaires participant aux grèves et aux luttes sur leur propre terrain en soient conscients ou non, leurs luttes s’opposent objectivement à la dynamique à la guerre et contiennent en elles-mêmes les germes de la lutte révolutionnaire nécessaire pour mettre un terme définitif à la fois aux guerres en cours qui ont été une caractéristique permanente du capitalisme depuis la Seconde Guerre mondiale et pour empêcher un glissement vers une Troisième Guerre mondiale catastrophique. Pour que cela se produise, l’opposition latente à la guerre présente objectivement dans chaque lutte prolétarienne doit être consciemment assumée à une échelle de masse par les participants aux luttes, ce qui nécessite l’intervention active et la direction de l’avant-garde prolétarienne. Selon nous, c’est l’intention qui sous-tend l’initiative visant à créer des comités No War But Class War (NWBCW) et nous la soutenons donc dans la mesure de nos possibilités.
Entre ces deux positions du camp prolétarien sur la question de la guerre, il en existe une troisième, qui est signée « Fredo Corvo-Anibal et Materia » et publiée sur le blog Left Wing Communism [7]. Malgré le fait qu’elle soit malheureusement signée par des individus (et non des groupes politiques), même s’il s’agit de militants connus, il nous semble important de la mentionner comme une expression authentique au sein du camp révolutionnaire, tant dans son approche que dans son contenu politique. Dans sa contribution de présentation, Corvo émet diverses critiques à l’égard des deux initiatives décrites ci-dessus, la déclaration commune menée par le CCI et l’appel lancé par la TCI pour la création de comités de NWBCW. Certaines des critiques de Fredo Corvo sont fondées, d’autres semblent manquer la cible. Un exemple en est l’affirmation selon laquelle la TCI considère la dévaluation généralisée du capital constant résultant de la guerre mondiale comme une politique consciente menée par les capitalistes/impérialistes conduisant à un nouveau cycle d’accumulation, plutôt que comme une conséquence du conflit impérialiste dans lequel chaque partie cherche à obtenir un avantage concurrentiel en détruisant l’infrastructure économique de ses rivaux, avec pour résultat final la ruine généralisée. Fredo reproche également à l’initiative de la TCI d’exclure les autres groupes de la Gauche communiste et d’être un « programme soft » de la TCI. Nous pensons que toute initiative de création de comités de lutte par un groupe révolutionnaire reflétera nécessairement dans une certaine mesure le programme de ce groupe. En ce qui concerne l’exclusion de l’appel, nous nous référons à la dernière ligne de l’appel : « Si ces points convergent pour l’essentiel avec votre propre position, nous aimerions connaître votre opinion. » Cela ne suggère pas qu’un accord sans réserve avec chaque ligne de l’appel à l’action soit une condition nécessaire à la participation. L’appel est plus qu’un point de départ adéquat. Les critiques de FC passent à côté du point central, à savoir que l’axe de polarisation qui émerge dans le camp prolétarien est la question de la guerre impérialiste généralisée. Le CCI (représentant la droite opportuniste) rejette cette possibilité. Le TCI (la gauche) le voit et essaie d’agir en conséquence. Ceci étant dit, nous pouvons certainement être d’accord avec FC lorsqu’il critique les réflexes sectaires répandus et nous exhorte à nous référer aux déclarations du camp prolétarien sur la question de la guerre en Ukraine. C’est précisément ce que nous tentons de faire ici. Enfin, nous pensons qu’il est utile de s’adresser aux groupes qui ont une appréciation correcte du lien entre la guerre impérialiste et la lutte de la classe ouvrière, mais qui annoncent prématurément la mort et la non-pertinence des groupes historiques de la Gauche communiste ou qui nient l’existence d’un camp prolétarien. Il y a plusieurs années, lorsque le groupe Emancipation s’appelait encore Nuevo Curso, nous avons soutenu et fait nôtre leur position sur le Parti en devenir. Nous avons repris cette formulation car elle évoque le regroupement en tant que processus impliquant une dynamique entre les différentes composantes du camp prolétarien en relation avec les luttes en cours des masses prolétariennes. Si l’on veut être cohérent avec ce point de vue, on ne peut pas déclarer prématurément la mort de la Gauche communiste et décider à la place de « construire sa propre chapelle ». Nous avons déjà critiqué cette approche adoptée précédemment par Controverses. C’est là que Fredo Corvo a tout à fait raison. Les groupes révolutionnaires doivent répondre de manière critique aux initiatives des autres groupes et soutenir ces initiatives lorsqu’elles sont correctes. C’est pourquoi nous appelons les autres groupes du camp révolutionnaire à soutenir l’initiative de création de comités NWBCW ou à expliquer pourquoi ils ne soutiennent pas cette initiative. C’est la façon de travailler à la future Internationale.
Notes:
[1] . In order their respective websites : http://www.pcint.org/ ; https://www.international-communist-party.org and https://www.internationalcommunistparty.org.
[2] . Tract daté du 21 février 2022 de ce PCI dont la publication en français est Cahiers internationalistes
[3] . https://en.internationalism.org/content/17159/joint-statement-groups-international-communist-left-about-war-ukraine
[4] . Résolutions sur la situation internationale respectivement des 17e (2007) et 15e (2005) congrès du CCI. Voir les commentaires d’alors de la Fraction interne du CCI dans Bulletin communiste 21 et 41 (http://fractioncommuniste.org/ficci_fra/b21/b21-2.php et http://fractioncommuniste.org/ficci_fra/b41/b41_5.php)
[5] . Nous ne sommes pas en mesure ici d’étudier comment la brutale invasion russe de l’Ukraine peut modifier le thème idéologique que la bourgeoisie chinoise utilise pour tenter d’enrôler son propre prolétariat : par exemple, il pourrait être plus difficile de présenter les États-Unis comme le seul pays belliciste.
[6] . No War But Class War committees : https://www.leftcom.org/en/articles/2022-04-06/no-war-but-the-class-war-a-call-for-action