Révolution ou Guerre n° 1

(18 janvier 2014)

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Fondation du Groupe International de la Gauche Communiste

Voici le premier numéro de Révolution ou Guerre. Le lecteur y lira les principaux documents que la conférence de constitution du Groupe International de la Gauche Communiste a adoptés pour se faire une idée de nos positions et de nos orientations politiques. Nous prétendons nous inscrire dans la tradition et la continuité de la Gauche communiste internationale au sein de laquelle nous considérons comme centraux les apports théoriques, politiques et organisationnels de la Gauche dite "italienne". De même, nos positions politiques de principe – notre plate-forme politique – reproduites sur la dernière page de couverture, se situent sur les positions historiques de la TCI et du CCI [1]. L’ambition première et l’orientation d’intervention centrale de notre groupe et de notre revue sont de participer au maximum au regroupement des forces révolutionnaires en vue de la constitution à terme du parti communiste de demain.

Quel sens concret peuvent avoir ces mots à l’heure où la bourgeoisie attaque de toutes parts et partout la classe ouvrière et réussit à lui imposer des sacrifices de plus en plus lourds ? A l’heure où les médias taisent, cachent et quand ils ne le peuvent plus, déforment et participent de dévoyer les réactions ouvrières contre la crise ? Un parti révolutionnaire à l’heure où la classe ouvrière nous est systématiquement présentée comme incapable d’affirmer son être révolutionnaire ? A l’heure où les générations actuelles d’ouvriers, de salariés, souvent et régulièrement au chômage, dans une misère croissante et sans espoir, semblent surtout se méfier de tout de ce qui leur apparaît comme "politique", y compris lorsqu’il s’agit de luttes politiques entre les classes ? Lutter pour le parti communiste ? A l’heure où la plus grande part de l’ancienne génération de militants communistes, issue des années 1970-1980, succombe devant le poids de l’opportunisme politique au sein de la Gauche communiste et renonce justement, quelle que soit les intentions faussement affichées mais tous fuyant l’organisation politique et son fonctionnement organisé, collectif et centralisé, au combat de classe et à celui, particulier mais fondamental, pour le parti... A l’heure où, une des principales organisations de la Gauche communiste, le Courant Communiste International, se délite sous nos yeux tant au plan théorique, politique qu’organisationnel, liquidant sa presse régulière, abandonnant ses réunions publiques, après avoir abandonné la plus grande partie de ses principes... A l’heure où seule la Tendance Communiste Internationaliste semble résister à cette entreprise de liquidation de l’héritage de la Gauche Communiste et reste ainsi le seul groupe international pouvant servir de référence politique et organisationnel au milieu de ce qui peut apparaître comme une débandade générale dans le camp communiste.
Tous ces faits semblent indiquer que la lutte est vaine ; ou bien qu’il convient d’adopter de supposées "nouvelles formes" de lutte de masse, du genre des "indignés" en Espagne, ou de supposés nouveaux engagements individuels "pro-révolutionnaires", basés sur l’informalisme et le démocratisme que l’on peut, par exemple, retrouver aussi dans certaines mystifications avancées dans l’utilisation des “réseaux sociaux" et Internet. In fine, ces recettes "innovantes" ne sont que la négation de l’action collective de classe contre l’État bourgeois et l’apologie de l’individualisme et du "citoyen". Et pourtant ! Tous ces faits et supposées "nouveautés" viennent au contraire rendre encore plus essentiels, cruciaux, les luttes de la classe ouvrière et le combat spécifique pour le parti révolutionnaire dans la tradition et la continuité de la Gauche communiste.

Et pourtant ! Jamais dans l’histoire du capitalisme, celui-ci ne s’est retrouvé dans une situation "historiquement", "objectivement", aussi difficile, aussi affaiblie, face au prolétariat : du fait même que la crise et la perspective de la guerre généralisée se posent en même temps, il lui sera difficile comme jamais auparavant de faire accepter par les grandes masses ouvrières et exploitées les mystifications idéologiques sur une quelconque prospérité à venir ou sur la paix, les deux s’éloignant chaque jour plus. Et alors même que, malgré le "black-out", la censure, sur les luttes et les mobilisations ouvrières, la combativité ouvrière ne se dément pas, ne se calme pas, ne disparaît pas. Combien de manifestations massives contre les mesures de misère adoptées dans tous les pays tues et ignorées par les médias ? Combien de luttes isolées contre les licenciements ou bien contre la baisse des salaires passées sous silence ? Illusions de notre part ? Délires ? Quelle censure serait possible à l’heure d’Internet et des médias omniprésents et "où tout se sait de suite" ne cesse-t-on de nous asséner ? Et pourtant ! Juste un exemple, le dernier en date pour faire court, significatif : en-dehors de l’Espagne, qui a su que « des marées de citoyens ont manifesté contre la politique de Rajoy » (titre d’El País, 24/11/2013), le premier ministre du gouvernement, les 23 et 24 novembre derniers dans 50 villes espagnoles ? Il en a été de même lors des journées de manifestations massives au Portugal, en Grèce, en Italie, etc...

La combativité et la colère continuent à s’exprimer dans tous les pays, sur tous les continents. Mais, pour autant, elles ne réussissent pas à faire reculer les attaques. Parce que la classe ouvrière reste, en général, derrière les mots d’ordre et revendications syndicales et de gauche, c’est-à-dire des mots d’ordre et des revendications contraignant et limitant la lutte au cadre étatique et à l’idéologie capitaliste. Parce qu’elle n’assume pas, à ce jour, le combat contre les sabotages et le dévoiement de ses luttes et contre ces forces qui les mettent en place. Parce qu’elle n’arrive pas à se hisser au niveau du combat politique conscient, c’est-à-dire jusqu’à l’affrontement politique contre toutes les forces de l’appareil d’État bourgeois, particulièrement contre celles qui se "situent sur le terrain ouvrier", syndicats, officiels ou "radicaux de base", aux forces politiques de gauche et gauchistes ; y compris ceux qui se cachent derrière l’apolitisme et les mystifications démocratiques diverses et variées.

Voilà pourquoi les luttes ouvrières ont besoin de l’intervention et de la présence des révolutionnaires. Non que ces derniers soient les seuls à pouvoir porter et assumer la dimension politique du combat de classe. Bien évidemment, c’est l’ensemble de la classe ouvrière qui doit tendre à mener le combat sur ce terrain et à s’opposer au capitalisme comme un tout et à l’État bourgeois. Et bien évidemment aussi, ce sont ses minorités les plus combatives, les plus déterminées et les plus conscientes des contradictions de classe et du devenir du prolétariat qui sont appelées à en être les foyers et les facteurs actifs. Mais parmi ses minorités ouvrières plus ou moins "larges" qui apparaissent et disparaissent selon les flux et reflux des luttes, les minorités organisées, c’est-à-dire les groupes politiques qui perdurent et systématisent leurs activités, réflexion et intervention, qui s’inscrivent dans l’histoire du mouvement ouvrier et reprennent et défendent ses leçons politiques et théoriques les plus fondamentales, sont les plus en capacité d’être au premier rang de ce combat politique. Et c’est leur responsabilité historique et, à la fois, pour eux, le seul moyen de résister à la pression du combat idéologique que mène la bourgeoisie contre la classe ouvrière dans son ensemble et contre les minorités révolutionnaires en particulier. Intervenir ? Être au premier rang du combat de leur classe ? Il en va aussi de leur survie et de leur développement !

Alors quand, en plus, ces groupes politiques sont armés des mots d’ordre d’insurrection prolétarienne, de destruction de l’État capitaliste, de dictature du prolétariat, d’abolition du capitalisme et du salariat, quand ils sont armés de la perspective d’une société sans classe, sans exploitation et sans État, c’est-à-dire quand ils sont armés du Programme communiste et de la théorie marxiste, alors leur rôle est essentiel et indispensable pour le combat de classe tant au niveau historique, pour le succès des confrontations massives entre les classes qui arrivent et l’ouverture d’une perspective révolutionnaire, qu’au niveau immédiat pour mener les combats quotidiens afin de limiter les attaques du capital et favoriser au mieux les combats à venir. Et, a contrario, leur absence serait catastrophique du fait même qu’ils expriment et matérialisent les expressions les plus hautes – même si pas uniques – de la conscience de classe du prolétariat, du programme communiste !
Voilà pourquoi nous nous sommes regroupés et voilà pourquoi nous entendons faire tout notre possible pour aider et même être un facteur actif du combat et du processus pour le regroupement des forces communistes. Voilà pourquoi, loin de représenter un énième groupe en rivalité ou en concurrence avec d’autres déjà existants, nous entendons venir en appui au seul groupe international en capacité de servir de pôle de référence et de regroupement que constitue la Tendance Communiste Internationale. Voilà pourquoi nous entendons combattre toutes les expressions d’opportunisme politique au sein de la Gauche communiste et du camp prolétarien dont le dénominateur commun est aujourd’hui l’opposition à ce procès vers le parti et son sabotage [2]. Voilà pourquoi nous inscrivons notre combat central pour le regroupement dans la perspective de l’indispensable combat pour la constitution du parti communiste de demain. Tout comme les luttes ouvrières d’aujourd’hui déterminent déjà, en partie du moins, l’issue des confrontations massives de demain, la lutte d’aujourd’hui pour le regroupement en général, et autour de la TCI en particulier pour la période actuelle, détermine déjà, en plus grande partie encore, l’issue du combat pour le parti de demain.

RL, 3 décembre 2013.

(Publieé sur http://igcl.org: 18 janvier 2014)

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Notes:

[1Parmi les nombreuses réactions à la publication de notre communiqué sur la constitution du groupe – en général, elles sont positives, enthousiastes et encourageantes –, certaines s’interrogent sur le fait que nous constituions un "nouveau" groupe alors que nous aurions dû demander notre adhésion à la TCI ou au CCI. Dans l’absolu, nous sommes d’accord avec ces camarades. Le fait que des deux noyaux constituant l’origine du groupe, le noyau français ait été exclu du CCI suite à la constitution de la Fraction interne du CCI, et que le noyau canadien, à ce jour et en tant que CI-Klasbatalo, n’ait pu développer des relations plus étroites et fraternelles avec le GIO, le groupe canadien de la TCI, n’est pas de notre responsabilité et nous l’avons toujours, politiquement, regretté et combattu. Nous renvoyons le lecteur à la rubrique "archives" de notre site pour nos histoires et combats respectifs tout au long des années 2000. Et de manière plus immédiate à la correspondance publiée dans ce numéro avec un camarade du Canada qui nous interroge sur nos relations avec la TCI et son groupe adhérant dans ce pays. Comme on peut le lire à la lecture des documents adoptés à notre conférence,, le GIGC entend développer au maximum ses relations fraternelles avec la TCI en général, et donc avec le GIO.

[2Et dont l’autre composante importante de la Gauche Communiste, le Courant Communiste International, est devenue un des vecteurs principaux, sinon le vecteur principal, depuis l’ouverture de son processus de dégénérescence opportuniste engagé, car dominant dans cette organisation, depuis 2001.