Révolution ou Guerre n° 1

(18 janvier 2014)

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Thèses sur la situation historique - juillet 2013

(adoptées à la Conférence de constitution du GIGC - novembre 2013)

Présentation des Thèses

Ces thèses ont été rédigées en vue d’ouvrir une discussion entre deux éléments appartenant à l’héritage programmatique de la Gauche Communiste et ultimement de participer à la fondation d’un nouveau groupe au sein de celui-ci. De fait, ce regroupement entre la FGCI et les CIK signifie la suppression des deux groupes en vue d’en constituer un qui s’inscrit immédiatement sur le terrain international, plutôt que sur le terrain local, et qui souhaite favoriser la discussion au sein des éléments de la Gauche Communiste ; et ce, afin de participer à l’élaboration du programme prolétarien. Car qui dit programme du prolétariat dit aussi nécessité du Parti de classe international et internationaliste : et il y a lieu de dire que celui-ci fait cruellement défaut à l’heure des grandes attaques de la classe capitaliste sur la classe ouvrière ; à l’heure des mesures d’austérité appliquées à l’échelle planétaire ; mais également à l’heure où le prolétariat s’oppose de plus en plus à ces mesures, partout sur le globe, empêchant la bourgeoisie d’imposer clairement ses velléités guerrières, alors qu’il est cependant incapable d’assumer lui-même sa responsabilité historique, la conscience de classe qui l’anime étant trop faible.

Or donc, pour participer au regroupement et à l’élaboration du programme prolétarien, il faut être en mesure de pouvoir mener, dans une première étape, un débat entre les éléments qui partagent les positions marxistes en vue de favoriser le regroupement autour de ces positions. C’est ce que la FGCI et les CIK se sont employés à faire au cours de la dernière année et qui s’est finalement conclu positivement par la création d’un nouveau groupe. Nous estimons que c’est une étape importante car il ne s’agit pas ici d’un groupe adhérant à un autre (par exemple, le GIS à la TCI) mais bien de deux groupes ayant décidé qu’il était préférable de se dissoudre afin de mettre en place un nouvel ’organe’. C’est donc dans la perspective d’un regroupement encore plus large - se réclamant du courant partidiste - que s’inscrit le GIGC.

Nous nous sommes ainsi dotés d’un document d’orientation - les Thèses sur la situation historique - autour duquel discuter. Celui-ci a permis d’échanger sérieusement et de se mettre d’accord sur les bases et la nécessité d’un nouveau groupe. L’actualité au coeur de ces thèses rédigées en juillet 2013 a peut-être évoluée mais l’essence reste la même : décadence du capitalisme, permanence de la guerre bourgeoise, et incapacité momentanée pour une classe ou l’autre d’imposer explicitement son programme à l’heure actuelle. Aujourd’hui, nous vivons la faillite irréversible et définitive du système capitaliste - le soubresaut ouvert avec la crise de 2008 n’en a été qu’une confirmation. La seule ’solution’ de la bourgeoisie mondiale est la guerre généralisée. Mais pour atteindre cet objectif, il lui est nécessaire (comme pour les deux premières guerres mondiales) non seulement de préparer la prochaine guerre mais surtout de battre le prolétariat. Et cela nécessite forcément une confrontation de classe majeure. C’est cela qui nous attend aujourd’hui.
Décembre 2013

Thèses sur la situation historique

1) ’L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes’ (Manifeste communiste, 1848). Ces dernières années et notamment la première partie de l’année 2013 sont venues vérifier ce principe premier du marxisme, la théorie révolutionnaire du prolétariat. 2013, à ce jour, a connu un aiguisement conséquent des mobilisations ouvrières et la chaîne des pays affectés s’allonge et se propage sur tous les continents, de l’Europe à l’Asie - Espagne, Grèce, Portugal, Turquie.., jusqu’à la Chine -, en Afrique - Égypte, Afrique du Sud -, Amérique - Brésil... Cette dynamique de luttes et de révoltes est la réponse de la classe prolétarienne aux attaques de plus en plus fortes que la bourgeoisie de tous les pays est contrainte de porter de manière redoublée et simultanée depuis les nouveaux soubresauts terribles de la crise ouverte du capitalisme en 2008, la crise dite des ’subprimes’, et qui depuis ne fait que s’élargir et s’approfondir sans fin. Il y a urgence pour le capitalisme à faire porter le fardeau de sa crise à la classe ouvrière tout comme il y a urgence pour chaque capital national de défendre ses intérêts contre les autres nations capitalistes dans une concurrence de plus en plus exacerbée, du fait même de l’évolution de la crise, et qui ne peut que déboucher sur des rivalités impérialistes encore plus brutales et barbares jusqu’à leur expression suprême : la guerre impérialiste mondiale. Le capitalisme ne peut offrir comme perspective à l’ensemble de l’humanité que le choix suivant : guerre impérialiste généralisée ou révolution communiste.

’La décadence du capitalisme est marquée par l’épanouissement des contradictions inhérentes à sa nature, par une crise permanente. La crise trouve deux forces sociales antagoniques en présence, la bourgeoisie, classe du capital, vivant de la plus-value, et le prolétariat dont les intérêts de classe exploitée, en le poussant à s’opposer à son exploitation, mènent à la seule possibilité historique de dépassement de l’exploitation, de la concurrence, de la production de marchandises : une société de producteurs librement associés. La crise agit sur ces deux forces historiquement antagoniques de façon différente : elle pousse la bourgeoisie vers la guerre et le prolétariat vers la lutte contre la dégradation de ses conditions d’existence.’(Revue internationale #15 du CCI, 1978, Le cours historique).

2013 : l’échéance se rapproche et l’alternative historique est en passe de devenir de plus en plus concrète et réelle pour des milliards d’être humains et pour les classes sociales en présence. Comme le poids de la préparation de la guerre généralisée est aussi porté par le prolétariat, les luttes de résistance de celui-ci contre les effets de la crise économique tendent en même temps à s’opposer à la logique guerrière. Voilà pourquoi le cours de la lutte des classes est à des confrontations massives entre celles-ci. Ces affrontements seront aussi décisifs car selon que la classe exploitée et à la fois classe révolutionnaire en sortira défaite ou non, la dynamique de la lutte des classes issue du nouveau rapport de forces s’orientera vers un terme ou l’autre de l’alternative historique. Le prolétariat, classe du devenir, détient les clés du dilemme historique.

2) A ce jour et depuis 2008, les luttes ouvrières manifestent une combativité importante et massive dans tous les pays. Pour autant, elles sont loin d’avoir réussi à imposer un rapport de forces suffisant pour contraindre la bourgeoisie et son État à reculer, ne serait-ce qu’un minimum, ne serait-ce que dans un seul pays, dans leurs attaques de plus en plus brutales contre les conditions de vie et de travail des prolétaires. A ce jour, les combats ouvriers restent marqués - aussi divers et variés aient-ils été - par leur faiblesse au niveau politique, c’est-à-dire essentiellement au niveau de la conscience de classe. En particulier, quand ces mouvements ne tombent pas pour les plus faibles d’entre eux directement sur un terrain bourgeois - par exemple celui de revendications démocratiques diverses comme les mouvements en Tunisie en 2011 et en Égypte ou encore comme le mouvement des ’indignés’ en Espagne -, ils restent incapables d’assumer le combat politique contre les forces de l’État, spécialement contre celles présentes et actives dans les rangs ouvriers comme les syndicats et les partis de gauche, afin de se prendre en main, de s’étendre, de s’unifier et de se généraliser.
C’est un des signes que la conscience de classe est peu étendue dans les grandes masses ouvrières. En particulier, le fait que l’espoir ou la ’vague idée’ d’une ’autre société’ possible, c’est-à-dire du communisme, ait été en grande partie gommé des consciences ouvrières, ne permet pas d’alimenter et de guider le combat politique de classe indispensable, y compris pour les luttes dites ’économiques’ immédiates et quotidiennes, contre les forces de l’État bourgeois. La perspective révolutionnaire du communisme parce qu’elle est la seule à porter en elle la destruction de l’ordre capitaliste, est indispensable pour que la classe ouvrière puisse réellement et durablement adopter et développer les seules méthodes de lutte véritablement efficaces pour l’affirmation et le ’succès’ des luttes quotidiennes et revendicatives du prolétariat. En effet, ces méthodes qui sont définies et déterminées par les mots d’ordre ’historiques’ d’insurrection ouvrière, de destruction de l’État capitaliste et de dictature du prolétariat, rompent justement avec l’ordre capitaliste en termes de contenu, de moyen, de forme, et d’objectif à chaque épisode ou moment, aussi minime soit-il, aussi limité soit-il, de la lutte prolétarienne.

3) La minorité communiste, par sa faiblesse numérique, son manque d’influence dans la classe et sa dispersion est un autre signe tangible de cette faiblesse. En effet, produits et facteurs historiques de la lutte de classe prolétarienne, les groupes et organisations communistes, tout comme le parti communiste lorsqu’il existe, sont les expressions les plus hautes de la conscience de classe et à ce titre l’avant-garde politique du prolétariat ; ’du point de vue théorique, ils ont sur le reste de la masse prolétarienne l’avantage de comprendre les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement ouvrier’ (Manifeste communiste). Porteurs conscients de la perspective communiste et organisés en conséquence, garants de la voie et des moyens menant à ce devenir révolutionnaire, la réalité de leur influence et de leur présence, et tout spécialement l’existence réelle du parti, dans la classe ouvrière est à son tour une expression de la réalité du rapport de forces entre les classes et du degré d’extension de la conscience de classe. Mais de reflet ou produit d’un rapport de force historique entre les classes, les expressions les plus hautes de la conscience de classe doivent devenir un facteur actif et premier de celle-ci et de l’évolution de ce rapport de forces en assumant et en luttant pour la direction politique de leur classe.

’La lutte de classe prolétarienne exige une agitation concentrée, éclairant les différentes étapes de la lutte d’un point de vue unique et attirant à chaque moment, toute l’attention du prolétariat sur les tâches qui l’intéressent dans son entier. Cela ne peut être réalisé sans un appareil politique centralisé, c’est-à-dire en dehors d’un Parti politique’ (Résolution sur le rôle du parti communiste dans la révolution prolétarienne, 2ème congrès de l’Internationale Communiste, 1920).

Voilà pourquoi, dès aujourd’hui, il est de la responsabilité particulière de cette minorité politique de tendre à unir ses forces, non seulement pour influer le plus possible sur les combats actuels du prolétariat, mais surtout pour participer à préparer la formation du futur parti de classe international et internationaliste.

La décadence du capitalisme : guerre impérialiste et crise permanente

4) L’éclatement de la 1ère Guerre mondiale en 1914 marque une rupture radicale dans la vie du capitalisme. ’Les contradictions du système mondial, auparavant cachées en son sein, se sont révélées avec une force inouïe en une formidable explosion : la grande guerre impérialiste mondiale (...). Une nouvelle époque est née. Époque de désagrégation du capitalisme, de son effondrement intérieur. Époque de la révolution communiste du prolétariat’ (Plate-forme de l’Internationale Communiste, 1919). Depuis maintenant presqu’un siècle, la 2ème guerre mondiale et la permanence des conflits impérialistes locaux tout au long du 20ème siècle tout comme la succession et la nature des crises économiques de plus en plus dévastatrices ont largement vérifié ce constat de la théorie marxiste selon lequel ’à un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’ils étaient ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale’(Préface à la Critique de l’économie politique, Karl Marx). Le capitalisme est alors entré dans sa phase de déclin historique, dans sa phase de décadence.

5) Depuis lors, aux crises cycliques que connaissait le capitalisme dans sa phase ascendante, chaque ’cycle divisé en une succession de périodes d’activité moyenne, de prospérité, de surproduction, de crise et de dépression’ (Crises et cycles dans le capitalisme agonisant, Bilan #10, Mitchell, 1934, organe de la Fraction de gauche du PC d’Italie), s’est imposée une crise permanente caractérisée par un cycle de crise-guerre-reconstruction-nouvelle crise. Chaque nouvelle ’rotation’ du cycle se manifeste par une nouvelle crise ’économique ouverte’ plus profonde et plus large que la précédente et par une nouvelle guerre impérialiste encore plus dévastatrice et plus barbare. Dans la période de déclin, ’le point de rupture du cycle [n’est plus] la crise, ’solution momentanée et violente des contradictions existantes, éruption violente qui rétablit pour un moment l’équilibre troublé’ (Marx)’ (idem) mais la guerre impérialiste généralisée. Le facteur déterminant de ce cycle infernal est le ’moment-guerre’ qui impose sa dynamique aux autres moments du cycle.

6) La guerre impérialiste détermine ainsi toutes les caractéristiques que le capitalisme en déclin a dû adopter. La première de ces caractéristiques qui est apparue avec force pour ne plus se démentir depuis, est la mainmise croissante de l’État sur l’ensemble de la société et en particulier sur le domaine économique. Les nécessités pour assumer l’effort de guerre lors du premier conflit mondial ont imposé au capital le développement et la domination du capitalisme d’État.

Le cycle propre à la période de décadence ne s’est pas démenti depuis lors - crise de 1929-2ème Guerre mondiale-reconstruction d’après-guerre-nouvelle crise depuis la fin des années 1960 - jusqu’à nos jours. L’ampleur des destructions de 1939-1945 explique en grande partie la longueur de la période de reconstruction - les soi-disant ’30 Glorieuses’. De même, le développement du capitalisme d’État explique en grande partie la ’lenteur’ du développement de la crise depuis la fin des années 1960. En effet, ce sont par des mesures ’étatiques’ permettant de tricher avec la loi de la valeur que les principales puissances impérialistes ont réussi à retarder et à repousser dans le temps - des années 1970 à aujourd’hui - et l’espace - du coeur historique du capitalisme sur tous les continents de la périphérie du capitalisme, les premières et les plus évidentes manifestations de la crise avant qu’elles ne reviennent aujourd’hui frapper tel un boomerang les principales puissances impérialistes.

7) Le capitalisme d’État n’est donc pas facteur de dépassement de l’impasse économique du capitalisme mais au contraire son expression et, in fine, un facteur aggravant de celle-ci. ’En réalité, l’intervention désordonnée de l’État ne serait faite que pour seconder l’activité pernicieuse des spéculateurs, pour achever d’introduire le désarroi le plus complet dans l’économie capitaliste, à l’heure où celui-ci se trouve dans sa période de décadence. Enlever aux trusts les moyens de production et de transport pour les transmette à la ’nation’, c’est-à-dire à l’État bourgeois, c’est-à-dire au plus puissant et au plus avide des trusts capitalistes, c’est non pas enrayer le mal, mais en faire une loi commune’.(Manifeste du 2è congrès de l’IC, 1920).

Le modèle le plus abouti de capitalisme d’État n’a pas été le russe de feu l’URSS, ni le chinois de Mao Tse-Tung, mais le modèle nord-américain. En réussissant à fusionner au mieux capital privé et capital étatique, les États-Unis sont devenus le capitalisme d’État le plus abouti. Et même les années Reagan (1980) - chantre du ’libéralisme économique’ - ont manifesté une mainmise croissante de l’État sur tous les rouages et tous les plans de la société, à commencer par la dimension économique - ne serait-ce qu’au moyen de la Federal Bank, du crédit, de l’endettement et de l’utilisation du dollar - et du développement incroyable du militarisme, en particulier de la production d’armement durant ces années, à sa demande et sous sa direction. Le capitalisme d’État est surtout l’expression de la seule perspective que le capital puisse offrir depuis le début du 20ème siècle du fait même de son incapacité à résoudre et dépasser son impasse économique : la guerre impérialiste et la destruction massive de forces productives. Et sur ce plan aussi, les États-Unis en sont l’expression la plus aboutie.

8) L’essence des mesures ’capitalistes d’État’ qui ont permis de repousser dans le temps et l’espace les conséquences de la crise, n’était pas d’ordre économique mais d’ordre politique même si elles visaient à répondre aussi aux conséquences économiques de la crise. La guerre, expression de l’impérialisme dominant et réponse politique par excellence, comme seule issue, est la manifestation de l’absence de solution quelconque à la crise du capital. C’est ainsi que les mesures adoptées depuis la fin des années 1960 et dont l’essentiel a consisté, outre des attaques massives contre la valeur force de travail, c’est-à-dire contre le prolétariat, en un développement généralisé et massif de l’endettement permettant de maintenir artificiellement l’économie capitaliste, sont revenues frapper avec violence en 2008 le coeur historique du capitalisme constitué des principales puissances impérialistes avec une montagne de dettes généralisées qui ne seront jamais remboursées. Ces mesures étatiques qui visaient à répondre à la contradiction entre forces productives et rapports de production capitaliste, n’ont fait que reporter dans le temps la contradiction et l’aggraver encore plus. Son éclatement ne peut déboucher que sur la destruction massive par la guerre impérialiste généralisée de l’excès de forces productives que ne peuvent contenir les rapports capitalistes.

9) La crise qui a éclaté depuis 2008 et les réponses fournies par le capital sont un condensé des politiques économiques menées par le capitalisme d’État depuis les années 1970. Le fait que les 5 dernières années résument les 40 ans qui précèdent, qu’elles aient connu le même parcours ou le même processus, manifeste l’ampleur et la gravité de la crise actuelle ; l’impasse dans lequel le capitalisme se trouve au plan économique devant les échéances : les tricheries avec la loi de la valeur n’ont qu’un temps et celles-ci sont de plus en plus dépassées.

L’éclatement de la crise de l’immobilier américain en 2008 - pour ne prendre que cet exemple particulier de la crise du capital - a été la conséquence de la création d’un marché artificiel afin de soutenir l’activité économique. Á l’endettement de particuliers qui, à terme, étaient incapables de rembourser leur prêt, est venu se rajouter, facteur aggravant et explosif, la spéculation financière sur les titres de ces dettes - y compris sur des titres pariant sur l’incapacité de remboursement des particuliers ! Tout ceci a créé une bulle financière qui a fini par exploser et qui a mis en péril, non pas les seules banques directement engagées, mais tout le système bancaire international puisque tout le système financier était engagé dans la spéculation.

Le fait que les capitaux tendent de plus en plus à s’orienter non pas dans la sphère de la production mais dans la sphère financière et en grande partie spéculative est une expression particulière d’une des contradictions fondamentales et insolubles du capitalisme et que le marxisme a mis en lumière : ce phénomène signifie que le taux général de profit qui ne peut que tendre à baisser - baisse qui a été accélérée considérablement ces deux dernières décennies par le développement de l’informatique et d’Internet - et qui est aggravé par l’exacerbation de la concurrence sur les marchés, est largement insuffisant pour assurer l’indispensable procès d’accumulation du capital. Et cela, malgré le fait - c’en est même, en dernière instance, un facteur - que le prolétariat ait vu son exploitation exploser tout comme la plus-value qui lui est extorquée par le capital. L’augmentation générale et énorme de la productivité du travail qui est un des moyens que chaque capitaliste utilise pour faire face à la baisse de ses profits, ne fait en dernière instance qu’aggraver et accélérer la baisse tendancielle du taux de profit général et exacerber ainsi la contradiction.

10) La réponse que le capital a apporté à la crise de 2008 et au risque d’explosion du système bancaire et financier mondial qui aurait paralysé brutalement toute l’économie capitaliste a été une réponse ’politique’ - trichant une fois de plus avec la loi de la valeur : les États ont décidé de renflouer les banques, parfois même de les nationaliser, afin d’éviter la catastrophe immédiate. Une réponse ’économique’ - respectant la loi de la valeur - aurait été de laisser les principales banques mondiales chuter dans une cascade de faillites. Seule l’action des États pouvait permettre d’adopter ces mesures qui ne respectent pas les lois économiques du capitalisme lui-même.

Mais cette réponse, à son tour, n’a fait qu’aggraver le mal en le repoussant à un niveau supérieur et élargi - et sans même résoudre la fragilité de fond des banques qui restent pour nombre d’entre elles sous la menace de banqueroute et de disparition. Elle a eu pour conséquence un endettement démultiplié des États, de tous les États sur tous les continents, qui étaient déjà fortement endettés du fait des politiques menées depuis les années 1970. La spéculation s’est alors adjointe à ce qui était déjà en soi un problème pour, à son tour, participer à son aggravation et à son accélération en ’pariant’ sur les dettes des États. Le même processus qui avait amené à la crise des ’subprimes’ a amené à la ’crise des dettes souveraines’, c’est-à-dire des États.

11) Aujourd’hui, courant 2013, la récession initiée en 2008 se généralise en partant des pays du coeur du capitalisme jusqu’aux pays de la périphérie. Les soi-disant pays ’émergents’ voient leur économie ’se ralentir’. Alors que la Chine était présentée comme le nouvel eldorado qui allait entraîner le monde vers une nouvelle ère de prospérité, aujourd’hui la seule question qui préoccupe sérieusement les économistes et autres idéologues bourgeois est de savoir si son économie va atterrir ’brutalement ou en douceur’. L’Europe est en récession et la crise des dettes souveraines de l’Union Européenne a été surtout l’occasion pour la puissance allemande d’imposer durablement et sans partage son leadership politique - c’est-à-dire impérialiste - sur l’Europe continentale. Les États-Unis sont engagés dans une fuite en avant dans l’endettement généralisé et l’émission de papier-monnaie - sous une forme ou une autre -qui manifeste à la fois leur affaiblissement particulier vis-à-vis des principaux rivaux impérialistes et l’impasse du capital comme un tout. Loin de se résoudre, voire de s’atténuer, la crise ouverte et brutale du capital s’affirme chaque fois plus et s’étend au monde entier inéluctablement.

12) Seuls les communistes sont en capacité de dénoncer cette impasse et les politiques - et la propagande - qui vont avec. Car seule la théorie du prolétariat révolutionnaire est en capacité de mettre en évidence les contradictions insurmontables du capitalisme et son impasse historique.

’Les conditions bourgeoises de production et d’échange, le régime bourgeois de la propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemblent au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées. (...) Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société, - l’épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. (...) Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein. Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises ? D’un côté, en détruisant par la violence une masse de forces productives ; de l’autre, en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus à fond les anciens. A quoi cela aboutit-il ? A préparer des crises plus générales et plus formidables et à diminuer les moyens de les prévenir. Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre la bourgeoisie elle-même.’ (Manifeste communiste).

Seule cette théorie, le marxisme, peut dévoiler les mensonges de la bourgeoisie sur l’état de son économie, sur sa faillite historique et sur la réalité de ses politiques pour y faire face car armée et expression de la conscience de classe sur l’opposition irréconciliable entre capital et travail, entre bourgeoisie et prolétariat.

Permanence de la guerre impérialiste généralisée

13) Plus la crise s’approfondit, plus les rivalités impérialistes s’exacerbent et plus des axes impérialistes, des lignes de fractures impérialistes, tendent à se dégager et à se polariser. Cette polarisation est déterminée par la nécessité de conformation de blocs impérialistes pour la guerre généralisée. Cette dynamique de polarisation impérialiste s’était affirmée tout au long des années 1930 autour de l’Allemagne nazi d’un côté et de l’autre des vieilles puissances coloniales - Grande-Bretagne, France, regroupées autour des États-Unis. Mais la configuration - générale - des blocs impérialistes ne s’était fixée qu’au déclenchement même de la guerre en 1939 - l’URSS, par exemple, signant le pacte germano-soviétique - un changement d’alliance à 180 degré - à peine quelques jours avant l’invasion allemande de la Pologne. Que les blocs impérialistes ne soient pas constitués aujourd’hui, en 2013, ne signifie donc pas que la guerre impérialiste généralisée ne soit plus un des deux termes de l’alternative historique, ni qu’elle ne soit pas d’actualité pour le capitalisme, et encore moins un enjeu pour le prolétariat.

14) La question de la guerre impérialiste affecte directement le développement en extension de la conscience de classe dans les grandes masses ouvrières. ’La préparation de la guerre impérialiste suppose pour le capitalisme le développement d’une économie de guerre dont le prolétariat, évidemment, supporte le plus lourd du fardeau. Ainsi, c’est déjà en luttant contre l’austérité qu’il entrave ces préparatifs et qu’il fait la démonstration qu’il n’est pas prêt à supporter les sacrifices encore plus terribles que lui demanderait la bourgeoisie lors d’une guerre impérialiste. Pratiquement, la lutte de classe, même pour des objectifs limités, représente, pour le prolétariat, une rupture de la solidarité avec ’son’ capital national, solidarité qu’on lui demande justement de manifester dans la guerre. Elle exprime également une tendance à la rupture avec les idéaux bourgeois comme la ’démocratie’, la ’légalité’, la ’patrie’, le faux ’socialisme’, pour la défense desquels on appellera les ouvriers à se faire massacrer et à massacrer leurs frères de classe. Elle permet enfin que se développe son unité, condition indispensable de sa capacité à s’opposer, à l’échelle internationale, aux règlements de comptes entre brigands impérialistes.’ (Revue internationale 18, 1979, 3ème congrès du CCI : le cours historique).

15) L’idéologie capitaliste nous assène aujourd’hui que les vraies lignes de fracture impérialiste se déplacent vers l’Asie et la Chine, en opposition aux États-Unis et aux pays occidentaux. Il n’en est rien. Depuis la Seconde guerre mondiale, la Chine a toujours joué - même au temps où elle était considérée comme un pays du tiers-monde - comme une puissance impérialiste régionale. Et sa participation à la Seconde guerre mondiale, puis à tous les conflits impérialistes qui ont suivi, ne s’est jamais aventurée au-delà de l’Asie. Il en va de même pour une puissance comme la Russie. On peut affirmer aujourd’hui que ni l’une ni l’autre ne pourront se porter candidates pour assumer un rôle de véritable tête de bloc - leur opposition, par exemple, contre l’intervention américaine en Irak en 2003 les a obligé à se positionner du côté européen et manifestait leur incapacité à avoir une position et une politique autonome alternative lors ce conflit majeur des années 2000.

16) Depuis la guerre en Irak, les oppositions et les contrastes impérialistes majeurs apparaissent chaque fois plus lors des conflits et enjeux principaux avec d’un côté les principaux pays européens tendant à se réunir autour de l’Allemagne - même si ce procès ne va pas sans contradictions et oppositions internes dans tel ou tel pays, même si ce procès est avant tout le résultat de l’évolution d’un rapport de forces interne - et d’autre part les États-Unis assurés du soutien des principaux pays anglo-saxons - surtout ’l’île européenne britannique’.

Le reste du monde, c’est-à-dire les autres pays capitalistes, puissants ou non, mais tous menant une politique impérialiste quelle que soit leur taille et leurs prétentions sont de plus en plus contraints, surtout dans les conflits majeurs, de se prononcer pour ou contre l’un des deux pôles - encore une fois l’exemple de la guerre en Irak vient l’illustrer. Cette obligation est le seul moyen pour eux d’envisager pouvoir défendre un minimum leurs propres intérêts impérialistes en évitant de se laisser prendre en étau entre les deux grands ensembles rivaux. Le ’chacun pour soi’ n’est pas contradictoire à la tendance à la polarisation et à la formation de blocs impérialistes - c’est-à-dire la tendance à un nouvel ordre impérialiste. Il est au contraire un des moments de ce processus vers la guerre généralisée tout comme la paix n’est qu’un des moments de la guerre impérialiste pour le capitalisme.

17) Du point de vue de la dynamique vers la constitution de blocs impérialistes, la permanence de deux grands blocs établis avec une configuration pour l’essentiel figée des années 1950 à la fin des années 1980, l’URSS d’un côté et les États-Unis de l’autre comme têtes de bloc, représente une sorte d’anomalie historique. Du fait de son histoire spécifique depuis 1917, la Russie devenue stalinienne s’était retrouvée à une place qu’elle n’aurait jamais dû ou pu occuper. Et, autre anomalie historique qui en a découlé, l’Allemagne avait été maintenue divisée en deux durant toute cette période l’empêchant ainsi de retrouver toute sa place dans le jeu impérialiste. La dégénérescence stalinienne de la révolution prolétarienne d’octobre 1917 a eu ainsi comme conséquence indirecte le bousculement de l’ordre ’naturel’ - c’est-à-dire historique - des rivalités impérialistes.

Depuis la disparition de l’URSS et la fin des blocs issus de la 2è Guerre mondiale, les lignes de fracture impérialiste historique, ou ’classique’, sont revenues s’affirmer. Face aux États-Unis, première puissance impérialiste, peu de puissances impérialistes peuvent prétendre disputer à la bourgeoisie américaine sa suprématie mondiale. Depuis 1989, seule l’Allemagne émerge comme puissance impérialiste en capacité de s’imposer comme une tête de bloc impérialiste à venir. Éternelle puissance impérialiste contestant l’ordre et la suprématie établie du fait de son histoire propre, la bourgeoisie allemande est en train de réaliser son vieux rêve : établir son leadership sur l’ensemble des, ou pour le moins les principaux, pays du continent européen. Et ainsi à la tête d’un bloc européen, pouvoir disputer la suprématie impérialiste mondial.

18) L’affirmation du pôle impérialiste ’europeo-allemand’ est donc en cours. Mais il est loin de pouvoir rivaliser avec l’autre pôle américain sur le plan qui, pour l’instant, fait la différence : le plan militaire. Bien que particulières, la situation du capital allemand et les difficultés-contradictions de la bourgeoise allemande résument la situation et les difficultés-contradictions devant lesquelles le monde capitaliste et la classe bourgeoise comme un tout se retrouvent confrontés : d’un côté, et malgré une économie de guerre qui ne s’est pas démentie depuis les années 1930 - autre particularité du capitalisme d’État et de la décadence capitaliste -, la bourgeoisie doit aggraver encore plus son économie de guerre et ses dépenses militaires. Ceci ne peut se faire qu’au prix d’une exploitation de plus en plus croissante du capital vivant, de la force de travail, bref de la classe ouvrière (et, bien sûr, une volonté de l’enchaîner idéologiquement derrière l’État bourgeois) alors même que celle-ci n’a cessé de voir ses conditions de travail et d’existence - la valeur de sa force de travail - être attaquées et diminuées du fait de la crise ; de l’autre, le capitalisme se trouve confronté à un prolétariat international qui tend aujourd’hui à résister aux attaques économiques massives et idéologiques qu’il subit de plus en plus et qui, de ce fait, tend à se dresser contre le développement accru des économies de guerre ; et objectivement à s’y opposer.

19) ’Les contradictions du système mondial, auparavant cachées en son sein, se sont révélées avec une force inouïe en une formidable explosion : la grande guerre impérialiste mondiale. (...) Mais dans la mesure même où, dans les États pris séparément, les procédés anarchiques de la production capitaliste étaient remplacés par l’organisation capitaliste, les contradictions, la concurrence, l’anarchie, atteignaient dans l’économie mondiale une plus grande acuité. La lutte entre les plus grands États conquérants conduisait, avec une inflexible nécessité, à la monstrueuse guerre impérialiste’ (Plate-forme de l’Internationale Communiste, 1919).

Seuls les groupes communistes, armés de la théorie marxiste, et encore plus le parti communiste lorsqu’il est constitué, sont en capacité de dévoiler le caractère inéluctable des rivalités impérialistes et de leur issue dans la guerre généralisée comme seule réponse capitaliste à la crise. Seuls, ils sont capables de dévoiler les mystifications et les mensonges, voire les manipulations et provocations, utilisés dans le jeu impérialiste. Seuls, ils sont capables de reconnaître les pièges idéologiques et politiques - les thèmes démocratiques, antiterroristes, voire antifascistes, etc. - qui visent à enchaîner les prolétaires à la défense de l’État national quel que soit sa couverture, démocratique ou ’socialiste’.

Le cours historique est aux confrontations massives entre les classes

20) Aujourd’hui, en 2013, guerre impérialiste généralisée ou révolution prolétarienne restent les deux seules options historiques. Si depuis presque 70 ans ces deux options ne se sont jamais posées de manière immédiate - surtout l’option prolétarienne car la ’guerre froide’ et ses crises majeures furent bien une réalité -, l’accélération brutale de la crise économique depuis 2008 vient rapprocher à grande vitesse l’actualité immédiate et concrète de ce dilemme historique.

21) Depuis 1968 - fin de la reconstruction d’après-guerre et resurgissement des luttes prolétariennes - la dynamique de la lutte des classes a connu différentes phases en fonction de l’évolution du rapport de forces entre classes :
- le prolétariat international bien que restant dans ses grandes masses soumis à l’idéologie bourgeoise, a cessé néanmoins d’adhérer aux grands thèmes de celle-ci et a mené de nombreux combats contre les effets de la crise (fin des années 1960 et début 1970, fin des années 1970 et début 1980 en particulier, de 1984 à 1988) qu’il n’a pas réussi néanmoins à élever jusqu’à faire reculer de manière significative la bourgeoisie dans ses attaques et encore moins jusqu’à dégager sa perspective révolutionnaire ;
- la bourgeoisie n’a pas réussi pour sa part, et malgré le succès de ses attaques principalement au plan économique contre le prolétariat, à défaire complètement celui-ci comme dans les années 1930 par exemple et à faire adhérer ses grandes masses aux thèmes idéologiques démocratiques et nationalistes de différents types qui préparent la guerre impérialiste généralisée.

22) La plus grosse victoire du capital sur le prolétariat durant cette période a été le résultat de l’offensive idéologique et politique que la bourgeoisie a déclenché suite à la disparition du bloc impérialiste de l’Est et de l’effondrement de l’URSS stalinienne. Ces deux événements, qui n’en font qu’un en fait eurent deux conséquences :
- la disparition du bloc impérialiste rival, c’est-à-dire du bloc de l’Ouest sous le leadership américain ;
- une rupture dans la dynamique de la lutte des classes ouverte en 1968.

La disparition de l’URSS et la fin définitive du mythe du socialisme stalinien - même s’il s’était déjà fortement affaibli depuis 1968 - ont été mises à profit par la bourgeoisie internationale pour lancer des campagnes idéologiques massives sur la faillite du communisme, sur la victoire de la démocratie et du capitalisme, même sur l’ouverture d’une ère de paix et prospérité (G. Bush père) et la ’fin de l’histoire’. Ces campagnes qui ont perduré tout au long des années 1990 et même 2000, ont provoqué une forte baisse de la combativité ouvrière, principalement dans les années 1990, et surtout un déboussolement profond dans le prolétariat. Avec la disparition du stalinisme, la bourgeoisie a réussi à gommer momentanément des consciences ouvrières la perspective ’d’une autre société’, d’une alternative possible au capitalisme.
Cette ’disparition’ - ou affaiblissement considérable - de la perspective du communisme, quelle qu’en aient été les compréhensions et les espoirs plus ou moins confus ou mystifiés, a affecté la classe ouvrière au point où ses luttes ont fortement baissé en intensité et en contenu de classe. Ce dernier a été marqué par un retour en force de l’idéologie et de la pratique syndicales en particulier qui étaient sorties des décennies précédentes particulièrement discréditées.

23) 2001, outre un début de polarisation impérialiste que provoque les États-Unis par leur politique guerrière suite aux attentats qu’ils ’subirent’ cette année-là, marque un infléchissement dans la dynamique de la lutte des classes. Le prolétariat en Argentine réagit massivement lors de l’hiver 2001-2002 face à la misère que provoque la faillite du capital national. A sa suite, les années 2000 ont connu une lente tendance à la reprise des luttes à l’échelle internationale, tendance qui s’est accélérée brutalement à partir de la crise économique de 2008 et les attaques encore plus massives et brutales que le capital est obligé de porter à la classe exploitée.

24) Néanmoins, la dynamique des luttes ouvrières reste freinée tout au long des années 2000 par les effets négatifs des campagnes anti-communistes en terme de conscience dans la classe ouvrière. De ce fait, les luttes immédiates et les mobilisations massives - y compris celles qui se sont développées après 2008 - n’ont pas réussi à se dégager vraiment des horizons idéologiques et politiques du capitalisme.
De plus, dans les quelques occasions où le prolétariat a commencé à s’affronter plus directement à l’État et à ses forces politiques - comme en Grèce par exemple - afin de paralyser le fonctionnement de l’État et l’adoption des mesures anti-ouvrières, aucune force politique prolétarienne, c’est-à-dire aucune organisation ou groupe communiste, n’a été en capacité de cristalliser cette dynamique, de la défendre ; et encore moins d’en assumer la direction politique par la mise en avant d’orientations et de mots d’ordre permettant à cette dynamique de se développer et de s’imposer contre les syndicats et les partis de gauche. Ni au plan immédiat et local. Ni au plan général et international.

25) Il s’avère que les campagnes anti-communistes de l’après 1989 ont aussi gravement affecté les faibles - mais néanmoins réelles - forces communistes qui avaient réussi à se développer depuis la fin des années 1960. D’abord, elles furent affaiblies en terme de conviction militante dans la mesure où nombreux furent les militants dont la conviction et l’engagement militants s’affaiblirent du fait du recul des luttes ouvrières et surtout de leur perte de confiance dans les capacités du prolétariat à lutter pour le communisme. Ensuite, les campagnes contre le communisme favorisèrent la pénétration de l’idéologie bourgeoise dans les rangs de ces minorités sous la forme d’un opportunisme politique particulièrement agressif et dévastateur.

Le matérialisme historique fut dangereusement affaibli par l’introduction de théories idéalistes et a-historiques, jusqu’à la substitution de valeur et de référence ’humaine’ générale aux critères de classe et jusqu’à la remise en cause de la lutte des classes comme ’moteur de l’histoire’. Les principes marxistes, tel la grève comme arme de lutte du prolétariat, furent remis en question. Les positions communistes furent soit révisées, soit abandonnées, tel l’alternative historique guerre impérialiste ou révolution prolétarienne, tel la dénonciation de l’anarchisme comme courant politique bourgeois. Enfin, les campagnes anti-communistes favorisèrent le renouveau et le développement des idéologies démocratiques - fétichisation de l’assembléisme, de ’l’auto-organisation’ et de la démocratie sous différentes variantes tel celle des ’indignés’ - et a-politiques d’ordre anarchistes et conseilliste - avec des positions et des politiques anti-parti, anti-organisation, anti-dictature du prolétariat, y compris au sein même du camp des forces et groupes communistes issus de la Gauche communiste.

Tout ceci, outre le délitement théorique et politique, a favorisé l’éclatement et la dispersion des groupes communistes qui étaient déjà affectés par la rupture organique avec les organisations communistes du passé - et particulièrement avec l’Internationale Communiste et une grande partie des fractions de gauche qui s’opposèrent à sa dégénérescence - et par le sectarisme. Aujourd’hui, les forces de la Gauche communiste qui sont censées exprimer la conscience de classe de la manière la plus conséquente sont très faibles tant en ’nombre’ et influence directe qu’en tant que ’qualité’ et unité. Or l’indispensable parti communiste devra se construire avec ces forces, en tout cas les plus dynamiques d’entre elles, sous leur impulsion et leur initiative, agissant comme facteur actif et si possible central. Dans le cas contraire, en leur absence, il risque de se fonder sur des bases théoriques, programmatiques et politiques insuffisantes pour pouvoir affronter les vents et les raz de marée provoqués par la violente tempête historique qui se présente.

Une situation historique et une dynamique favorable au prolétariat

26) Aujourd’hui, la dynamique historique joue pourtant en faveur du prolétariat malgré ses faiblesses importantes - la principale résidant dans l’état de ses minorités politiques d’avant-garde, c’est-à-dire au niveau de sa conscience de classe, et plus généralement au niveau de la perspective historique du communisme. La bourgeoisie contrainte par l’urgence de sa crise économique se retrouve confrontée presque de manière simultanée à la marche à la guerre et à la lutte des classes qu’elle ne peut repousser, ni l’une, ni l’autre. Elle se retrouve dans une situation historique fragile car jamais dans l’histoire, la question de la guerre et de la crise, comme expressions de la faillite historique du capitalisme et comme expressions de la nécessité de sa destruction, ne se sont posées en même temps aux yeux du prolétariat mondial. Elle ne peut donc jouer ni sur la paix, ni sur une prospérité à venir, pour mystifier et affaiblir le prolétariat. La crise et la guerre - pour le moins la préparation de cette dernière -impose à la bourgeoisie de redoubler ses attaques, tant économiques qu’idéologiques et répressives, contre le prolétariat mondial. Cela ne peut qu’éclairer ce dernier sur la faillite du capital et sa perspective de guerre, sur la nécessité de s’y opposer et, à terme, de le détruire.
C’est dans ce sens que nous affirmons que le cours de la lutte des classes, sa dynamique, se dirige vers des confrontations massives et décisives du point de vue de l’alternative historique entre la bourgeoisie et le prolétariat.

27) Le prolétariat international est amené à reprendre les armes classiques qu’il a su développer tout au long de son histoire ; et cela malgré les tentatives des forces de la bourgeoisie pour s’y opposer. C’est à partir de sa situation comme classe exploitée, à partir des lieux de travail et de production, que le prolétariat trouve sa force et son énergie pour mener ses luttes. De ce point de vue et malgré les énormes changements dans l’exploitation capitaliste de ces deux dernières décennies - en particulier par l’existence d’un chômage massif permanent et par la dispersion d’une grande partie des forces productives liée aux progrès techniques et informatiques - la lutte ouvrière reste fondamentalement la même et conserve les mêmes formes ; ou plus exactement la même dynamique : celle que Rosa Luxemburg avait appelée la Grève de masses (1906) et que Trostky avait aussi décrite dans son livre sur 1905 et qui correspond aux conditions de vie et de lutte du prolétariat dans la période de décadence et en particulier au développement du totalitarisme de l’État bourgeois.

’La grève est le moyen d’action le plus habituel au mouvement révolutionnaire. Ce qui la cause le plus souvent, irrésistiblement, c’est la hausse des prix sur les denrées de première nécessité. La grève surgit souvent de conflits régionaux. Elle est le cri de protestation des masses impatientées par le tripotage parlementaire des socialistes. Elle exprime la solidarité entre les exploités d’un même pays ou de pays différents. Ses devises sont de nature à la fois économique et politique. (...) Elle se calme, semble vouloir finir, puis reprend de plus belle, ébranlant la production, menaçant l’appareil gouvernemental. (...) Cette grève désordonnée n’est autre chose en effet qu’une revue des forces révolutionnaires, un appel aux armes du prolétariat révolutionnaire’ (Manifeste du 2ème congrès de l’IC).

28) A l’heure où nous rédigeons ce document - juillet 2013 -, les derniers développements de luttes ouvrières confirment l’existence d’une dynamique de grève de masse menant à des confrontations massives. Depuis le début de l’année, nous assistons à une accélération de la dynamique de grève de masse qui s’est développée depuis 2008 : Égypte, Turquie, Brésil, Espagne, Portugal, Grèce sont les pays qui ont connu les plus grosses mobilisations ouvrières ces derniers mois et dernières semaines. Depuis cette date, outre le surgissement de luttes sur tous les continents, tous les pays d’Europe et surtout tous les pays du pourtour méditerranéen - y compris des rives africaine et asiatique - ont connu des luttes massives sous une forme ou une autre, plus ou moins affirmées, plus ou moins déterminées en terme politique, plus ou moins sur le terrain de la classe ouvrière à l’opposé avec les pièges démocratiques mis en avant - Afrique du Nord, Espagne avec les Indignés... -mais qui toutes ont vu les prolétaires occuper les rues, manifester en masse, parfois faire grève, et même occuper leur usine ou lieux de travail, partout chercher la solidarité et l’unification de leur mouvement, passer de revendications économiques à des revendications politiques, refuser la répression et affronter la violence de l’État.

29) Les dernières manifestations ouvrières, en particulier celles au Brésil, semblent marquer une étape dans le processus de prise de conscience, notamment dans le dégagement par rapport à l’idéologie dominante (le nationalisme, le football...), dans l’affrontement politique à l’État bourgeois et à ses forces politiques et syndicales. Les manifestations ouvrières du Brésil ont surgi spontanément et les partis de gauche et les syndicats ont dû essayer de courir derrière ces mobilisations qu’ils ne contrôlaient pas. Mieux même, nombre de manifestants s’opposaient à la participation et à la présence des partis de gauche et des syndicats. Mieux encore, la journée d’action organisée par les syndicats ce 11 juillet a été un échec du point de vue de l’adhésion des grandes masses ouvrières. Loin de signifier un a-politisme à l’instar du mouvement des indignés en Espagne qui reprenait la mystification démocratique, cette méfiance à l’égard des partis de gauche et des syndicats - alors même que les revendications sont ouvertement sur le terrain de la classe ouvrière, économiques et politiques - semble manifester la volonté d’assumer le combat politique contre les forces bourgeoises présentes et agissantes au sein du prolétariat.

La dynamique de la lutte des classes, le cours de celle-ci vers des affrontements massifs entre les classes, ne peut que confirmer et pousser cette tendance à l’affirmation autonome, de classe, du prolétariat comme sujet révolutionnaire et à élever les luttes prolétariennes sur le terrain politique et de l’affrontement à l’État.

30) Parce qu’ils sont les porteurs les plus conséquents, aux plans théorique, politique et même organisationnel, de la perspective du communisme, les groupes communistes sont les seuls à pouvoir accélérer et cristalliser ce processus historique - leur état actuel de faiblesse et de dispersion ne change rien à l’affaire. Ils sont les seuls à pouvoir présenter l’alternative historique ’guerre ou révolution’ et ainsi dénoncer le capitalisme et sa perspective de la guerre impérialiste. Parce qu’ils portent et mettent en avant la perspective de l’insurrection ouvrière contre l’État bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat, ils sont les seuls à pouvoir mettre en avant les moyens adaptés à chaque moment pour dégager et parcourir la voie vers le communisme.

Ils sont aussi les plus en capacité pour pouvoir défendre et lutter pour l’affirmation du caractère de classe et potentiellement révolutionnaire des luttes actuelles au moyen de la propagande et de la participation active et de l’agitation dans les combats ouvriers. Leurs mots d’ordre, slogans et orientations de combat - parce qu’armés de la théorie marxiste sur la crise économique capitaliste, sur l’État bourgeois et sur la perspective du communisme - doivent devenir des moments de l’armement théorique et politique du prolétariat comme un tout dans son affrontement et son assaut politiques contre l’État capitaliste et les forces politiques qui le défendent.

’Il ne s’agit pas seulement d’édifier les masses, et moins encore d’exhiber un Parti intrinsèquement pur et parfait, mais bel et bien d’obtenir le meilleur rendement dans le processus réel. Comme on le verra mieux plus loin, il s’agit, par un travail systématique de propagande et de prosélytisme et surtout par une participation active aux luttes sociales, d’obtenir qu’un nombre toujours croissant de travailleurs passe du terrain des luttes partielles pour des intérêts immédiats au terrain de la lutte organique et unitaire pour la révolution communiste. Or c’est uniquement lorsqu’une semblable continuité de programme et de direction existe dans le Parti qu’il lui est possible non seulement de vaincre la méfiance et les réticences du prolétariat à son égard, mais de canaliser et d’encadrer rapidement et efficacement les nouvelles énergies conquises dans la pensée et l’action communes, pour atteindre à cette unité de mouvement qui est une condition indispensable de la révolution’ (Thèses sur la tactique du Parti communiste d’Italie - dites ’Thèses de Rome’ -, 1922).

Juillet 2013

GIGC, 7 novembre 2013.

(Publieé sur http://igcl.org: 18 janvier 2014)

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