(Septembre 2015) |
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Merkel, Hollande, Obama, Tsipras... Chacun utilise la démocratie bourgeoise, à sa manière, contre le prolétariat
Les 19 et 20 octobre 2011 à Athènes, la classe ouvrière était massivement mobilisée sur la place Syntagma contre les mesures d’austérité prises par le gouvernement socialiste et l’État grec. Il fallut l’intervention brutale de la milice du parti stalinien grec KKE pour empêcher les manifestants d’envahir le Parlement et de bloquer le vote des députés. Le 5 juillet 2015 suite au référendum, le “ peuple ” est venu manifester sur la place de Syntagma en soutien au gouvernement Tsipras pourtant porteur de mesures d’austérité encore plus lourdes que celles adoptées en 2011 et qui viennent d’être encore aggravées par le sommet de la zone euro du 12 juillet.
En 2011, le prolétariat grec montrait la voie à suivre à l’ensemble du prolétariat mondial après l’explosion de la crise ouverte de 2008. En 2015, l’unité nationale réalisée contre les diktats européens et grâce aux vertus démocratiques du référendum, la soi-disant expression souveraine du peuple, montre la voie que la bourgeoisie internationale veut emprunter pour imposer une défaite majeure, au niveau international, à la classe révolutionnaire.
L’utilisation de la mystification démocratique – qui amena à la fin des anciens dictateurs égyptien, tunisien, libyen, etc. – avait déjà réussi à éteindre les mouvements de révolte ouvrière lors du “ printemps arabe ”. Il en fut de même avec le mouvement des indignés – avec le slogan ¡ Democracia ya ! – en Espagne qui aujourd’hui s’est constitué en parti politique bourgeois de “ gauche radicale ” avec Podemos, allié de Syriza. L’impasse des journées d’action syndicale dans les principaux autres pays européens était venue compléter l’étouffement de ces premières luttes contre la crise capitaliste ouverte en 2008. Le prolétariat grec s’est retrouvé très rapidement isolé, sans relais suffisant de la part d’autres fractions du prolétariat international, sans perspective immédiate, pour pouvoir garder l’énergie qu’il avait manifestée de 2008 à 2011. Pour autant, il fallait encore à la bourgeoisie grecque et européenne enfoncer le clou et détourner au maximum les ouvriers de la défense de leurs conditions de vie, c’est-à-dire de leurs intérêts de classe, et pousser l’avantage en imposant une défaite politique et en gommant l’expérience des années précédentes. C’est la tâche particulière de Syriza en lien et collaboration objective avec le reste de la bourgeoisie européenne. Celle-ci se répartit les rôles entre “ bad cops ” – la Troika et les gouvernements européens – et “ good cops ”... le gouvernement Syriza – et ses mesures d’austérité pratiquement aussi lourdes et dramatiques que celles étant promues par l’Europe – appuyé par les gauches européennes dites radicales au premier rang desquelles on trouve Podemos bien sûr, mais aussi Die Linke (Allemagne), le Front de gauche (France), etc.
L’offensive politique ne s’adresse pas uniquement aux ouvriers grecs. Loin s’en faut. Elle s’adresse encore plus aux prolétaires du monde entier et surtout des pays centraux du capitalisme. La grande manifestation du 11 janvier 2015 à Paris après les attentats de Charlie hebdo, les manifestations de PEGIDA en Allemagne et surtout les contre-manifestations, étaient le signe que la classe capitaliste avait décidé d’entraîner et de mobiliser dans la rue autour de la défense de l’État, de la nation et de la démocratie. L’organisation de manifestations en soutien à Syriza dans les principales villes européennes aussi bien que sur les autres continents, en particulier en Amérique du Nord (autour de l’International Socialist Organisation aux États-Unis, de Québec Solidaire au Canada par exemple) est venu confirmer cette volonté en l’adaptant à la situation immédiate avec un faux jeu d’opposition gauche-droite, anti-austérité, voire anti-capitaliste, contre le soi-disant néo-libéralisme de droite.
La manifestation du 5 juillet dernier de Syntagma est la réponse bourgeoise à la manifestation ouvrière contre l’État et son parlement du 20 octobre 2011. Il en va de même avec les manifestations de rue aux États-Unis après les provocations policières racistes et meurtrières à succession de cette dernière année. Elles constituent une réaction bourgeoise, sous couvert d’appui au gouvernement fédéral d’Obama derrière le slogan d’une “ police non raciste et démocratique ”, pour répondre à la méfiance et à la colère qui grandissent contre les gouvernements et les États comme l’ont montré au Mexique, après le massacre des étudiants du Guerrero, les manifestations et révoltes populaires et ouvrières, massives et persistantes, contre la police, la justice, le gouvernement, les partis de gauche comme de droite, bref contre l’État. Ou encore comme les mobilisations massives et les grèves au Brésil avant et lors de la Coupe du monde de football.
La crise économique du capitalisme et les guerres impérialistes ne peuvent que s’aggraver encore plus. Nous n’en sommes qu’au début de cet affrontement politique et idéologique où la classe capitaliste, adaptant son offensive et ses mystifications aux situations nationales, cherche à détourner la colère croissante contre la misère, la répression et les guerres, c’est-à-dire contre le capitalisme, sur le terrain de la défense de la démocratie et de la nation. L’enjeu est considérable :
soit la classe ouvrière internationale affirmera de plus en plus la défense de ses intérêts de classe, défense de ses conditions d’existence, et s’opposera aux forces politiques du capital, droite et extrême-droite, gauche, gauche dite radicale et syndicats ;
soit elle se laissera entraîner sur le terrain de la démocratie et de la défense de l’État capitaliste et de la nation sous une forme ou une autre.
Dans le premier cas, elle réussira non seulement à se défendre de manière immédiate et à limiter la détérioration de ses conditions de vie mais surtout elle dégagera une autre perspective pour elle-même et l’ensemble de l’humanité, la perspective d’une société sans misère, ni guerre. Dans le deuxième cas, celui de la manifestation de Syntagma après le référendum, celui des manifestations de Baltimore et autres villes américaines, celui du 11 janvier à Paris, elle se laissera entraîner sur le terrain de son ennemi de classe pour finir par subir des défaites politiques et physiques sanglantes dans de fausses oppositions qui ne la concernent pas et sont des pièges. N’est-ce pas ce que nous enseigne la guerre d’Espagne de 1936 ? Derrière la défense de la démocratie bourgeoise, se cache la défaite ouvrière internationale et le déchaînement d’une 3ème Guerre impérialiste mondiale.
La première chose à faire est de rejeter de toutes ses forces la démocratie bourgeoise dans tous ses aspects. Pour les prolétaires, ne pas le faire c’est défendre les intérêts de la classe ennemie donc ceux du capitalisme.
À la défense des intérêts bourgeois, c’est-à-dire du capital, il faut opposer la défense des conditions de vie des prolétaires. À l’unité nationale, c’est-à-dire à la soumission à la classe capitaliste, il faut opposer l’unité internationale du prolétariat révolutionnaire. À la défense de la démocratie, c’est-à-dire à la dictature de classe capitaliste, il faut opposer l’organisation massive du prolétariat en assemblée générale, comité de grève et conseil ouvrier. À la défense de l’État capitaliste, c’est-à-dire de ses lois, de sa police et de ses forces politiques, il faut opposer l’extension géographique et l’unification des luttes ouvrières, pour finir par mettre à bas ce système qui ne nous promet que plus de misère et de mort.
GIGC, 13 juillet 2015
PS. Nous invitons nos lecteurs à lire aussi la prise de position (en anglais) de la Tendance Communiste internationaliste Greece - Solidarity with the Workers not the Capitalist Government ! dont nous partageons l’essentiel du positionnement et de l’orientation politiques : http://www.leftcom.org/en/articles/2015-07-10/greece-solidarity-with-the-workers-not-the-capitalist-government.
Athènes en 2011 : une manifestation massive sur la place Syntagma à Athènes, face au parlement, contre les mesures d’austérité. Il n’y a pas de drapeau grec et les manifestants tendent à s’opposer à l’État capitaliste.
Athènes le 5 juillet 2015 : le soir de la “ victoire ” du non au référendum du gouvernement Tsipras : le drapeau grec est partout et les manifestants soutiennent le gouvernement et l’État capitaliste.