Révolution ou guerre n°24

(Mai 2023)

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Rencontre publique à Montréal du comité « Pas de guerre, sauf la guerre de classe »

Suite à l’Appel internationaliste de la TCI [1], c’était la troisième rencontre du comité No War But the Class War (NWBCW) qui avait lieu à Montréal le 26 mars. Les camarades de Klasbatalo, section canadienne de la TCI, ont collé 500 affiches dans les rues de Montréal et, en travail commun avec le GIGC, ce sont des centaines d’invitations qui ont été distribuées dans la classe lors de différentes manifestations pour cette rencontre publique. Il a été convenu qu’un membre du GIGC présenterait le texte de Klasbatalo Les tranchées de la toundra [2] sur la militarisation de l’Arctique canadien. Avant de présenter le texte en question, le GIGC a affirmé son accord politique avec cet article. Nous avons aussi mentionné que le GIGC soutient activement cette initiative de la TCI et a participé à l’organisation de comités NWBCW à Paris et à Toronto.

Les camarades de Klasbatalo ont ensuite présenté un premier texte sur La mutinerie de Terrace en 1944 [3], relatant la lutte de soldats canadiens en Colombie-Britannique. L’autre présentation concernait La ‘‘Bonne Guerre’’ de 1939-1945 [4] et traitait des luttes ouvrières au Canada durant la guerre. Nous pouvons dire que la rencontre fut un succès avec la participation d’une vingtaine de personnes. Les interventions étaient soit en français ou en anglais et une traduction de l’anglais au français était possible au besoin. Un troisième point à l’ordre du jour a été ajouté sur la lutte contre le régime des retraites en France.

Une période de discussion a directement suivi les différentes présentations. Une première camarade est intervenue en soutenant que les syndicats sont des organismes dans lesquels les prolétaires devraient se rassembler pour se défendre et développer un rapport de force contre les patrons et l’État. Un camarade de Klasbatalo a répondu que comme les syndicats sont intégrés à l’État bourgeois, ils ne sont même plus en mesure d’assurer la simple défense au jour le jour des conditions de vie des travailleurs. Un membre du GIGC a donné l’exemple d’un lieu de travail – Bibliothèque et Archives nationales du Québec – où les prolétaires sont divisés en deux syndicats différents de la même centrale, la CSN, et où les syndicats empêchent de toute leur force l’extension de la lutte en organisant des grèvettes démoralisantes d’une demi-journée à des dates différentes.

Un camarade a mentionné qu’il existe déjà une multitude de groupes, associations et organisations contre la guerre. Qu’est-ce qui différencie alors NWBCW des autres comités contre la guerre ? Il lui a été répondu que tous les autres comités ont une orientation franchement pacifiste alors que NWBCW est pour le défaitisme révolutionnaire. En d’autres termes, toutes les organisations actuelles militant contre la guerre prônent la diplomatie et la négociation afin que, sans toucher à l’ordre social actuel, les différentes bourgeoisies en viennent à entendre raison et à arrêter la guerre. Notre perspective est que le capitalisme, c’est la guerre. Alors, la seule façon de stopper la guerre est de la transformer de guerre impérialiste en guerre civile, en révolution communiste.

Un participant a demandé ce que nous faisions réellement contre le massacre des ouvriers en Ukraine. Il ajoutait que c’était un privilège pour nous de s’assembler et discuter alors que les Ukrainiens subissent les bombardements et les violences quotidiennes. En fait, sous une phraséologie radicale, ce participant mettait de l’avant une orientation franchement défensiste qui ne peut qu’aboutir à la défense de la patrie démocratique ukrainienne contre l’envahisseur fasciste russe. Il lui a été répondu que c’est justement la mise en place des comités NWBCW dans plusieurs pays et villes qui est une façon de s’attaquer à nos propres bourgeoisies dans leur marche à la guerre mondiale. Un autre camarade lui a répondu – avec panache et aplomb : il faut d’ailleurs saluer la clarté politique de son intervention – que ce qu’il demandait au fond, c’est un droit d’intervention en Ukraine pour des raisons « humanitaires ». Le camarade a rappelé que l’intervention américaine pour se débarrasser de Saddam Hussein en Irak avait elle aussi un voile humanitaire et a pourtant causé la mort de 500 000 prolétaires irakiens. La solution pour les prolétaires ukrainiens n’est pas de combattre les prolétaires russes sous la direction de la bourgeoisie ukrainienne, mais de fraterniser avec les prolétaires russes contre leur propre bourgeoisie ukrainienne. Et les prolétaires russes doivent en faire de même en retournant leurs armes contre leur propre bourgeoisie. L’ennemi n’est pas dans le pays voisin, mais dans notre propre pays !

Une camarade a suggéré un boycott de certains produits, en particulier ceux basés sur le lithium, en tant que moyen pour affaiblir les industries militaires. Un camarade lui a répondu qu’il était plus efficace du point de vue politique de favoriser la lutte collective et le regroupement de tous les prolétaires derrière des orientations politiques communes – c’est exactement ce que vise les comités NWBCW – au détriment de perspectives individuelles qui sont au final stériles et ont pour résultat direct la démobilisation des luttes collectives. Un autre camarade a ajouté que la bourgeoisie et ses gouvernements se servent de cet argument individualiste pour tenter de rejeter le blâme de changements climatiques sur la tête de chaque individu. Dès lors, la bourgeoisie et ses industries ultrapolluantes peuvent se déresponsabiliser et dire à chaque petit prolétaire avec un salaire de crève-faim : « les changements climatiques, c’est ta faute. Tu consommes trop ! »

Un camarade a demandé une clarification quant à la position de la Gauche Communiste envers l’URSS. Un camarade de Klasbatalo lui a répondu que la GC n’avait soutenu aucun impérialisme durant la Seconde Guerre mondiale. Les camarades de la gauche communiste en Italie ou en exil ont rejeté de manière intransigeante la défense de l’URSS.

Enfin, un camarade du GIGC a fait une courte présentation sur la lutte des prolétaires en France contre la réforme des retraites. La lutte est étroitement contrôlée par la bourgeoisie, par sa police, ses partis de gauche et les syndicats. Elle n’a rien de radical. Tout a été fait pour empêcher une grève de masse et même seulement d’en débattre l’idée. Les syndicats appuyés par les partis de gauche ont mis de l’avant des petites grèves d’un jour échelonnées sur plusieurs semaines pour épuiser les travailleurs. La gagnante de cette lutte est la démocratie avec le débat sur l’article 49-3 de la Constitution [5] et la revitalisation du cirque parlementaire. Un autre camarade a fait remarquer que tout n’était pas que négatif et que la classe ouvrière garderait en mémoire cette lutte et que ça lui servirait pour les prochaines luttes.


R./N., avril 2023

Réunion publique du comité de Toronto

Le comité NWBCW de Toronto a organisé une réunion publique le 22 avril dernier. Seulement trois éléments ne faisant pas partie du comité lui-même assistèrent à la réunion. La discussion se focalisa essentiellement sur la confrontation politique avec l’un d’entre eux, ex-membre du groupe trotskiste International Bolshevik Tendency – un groupe provenant de l’International Spartacist Tendency. Pour les lecteurs non anglophones, ce groupe a pour caractéristique, entre autres, d’avoir soutenu l’invasion de l’Afghanistan par « l’armée rouge » de l’URSS en 1979. Cet élément très politisé amena la discussion sur diverses questions, n’ayant pas trait directement à la fonction du comité, telle la question syndicale. Pour lui, ceux-ci ont un « double caractère : celui de protéger les droits des travailleurs et en même temps la bureaucratie sabote les luttes ouvrières. »

Mais c’est surtout sur la question de l’internationalisme que se porta la confrontation de classe entre les positions trotskistes traditionnelles et les positions de classe prolétarienne. L’ex-membre de l’International Bolshevik Tendency critiqua le mot d’ordre Non à la guerre, sauf la guerre de classe, « au nom de la distinction à faire entre l’appui militaire et l’appui politique à l’État bourgeois. » Il défendit que « les révolutionnaires devraient apporter leur appui militaire à l’État syrien dans le contexte de l’opposition à l’impérialisme américain. » Un des autres participants non membre du comité, apparemment un ancien militant du Communist Party of Canada stalinien, appuya les interventions du militant trotskiste, y compris sur cette dernière position ouvertement non internationaliste. Il en résulte que ces éléments ne s’inscrivent pas du tout sur le terrain internationaliste qui est le critère principal pour la participation au comité NWBCW.

Même si pour l’heure, le bilan de cette réunion n’est pas aussi positif que celui de la réunion de Montréal, il n’en reste pas moins que le comité de Toronto compte bien continuer ses interventions, en particulier lors des grèves et aux piquets de grève tout comme lors des manifestations de rue, et tenir d’autres réunions publiques. Le fait que de nouveaux comités surgissent en Amérique du nord, à Chicago, en Floride, montre que la période est à la constitution de tels comités que, pour rappel, nous considérons pour notre part comme des comités de lutte dont le critère pour y adhérer est la défense conséquente de l’internationalisme prolétarien.

S./J.

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Notes:

[2Nous republions d’ailleurs ce texte dans le présent numéro de Révolution ou Guerre.

[5C’est un article de la constitution française qui permet le passage d’une loi sans passer par le parlement.