Révolution ou Guerre n° 2

(Septembre 2014)

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Réunions Publiques de la TCI au Canada

Au mois de juin passé, la Tendance Communiste Internationaliste (TCI) est venue faire une tournée au Canada pour rencontrer des militants et des sympathisants dans trois importantes villes canadiennes : Montréal, Hamilton, et Toronto. Le sujet abordé à Montréal et à Toronto portait sur « la crise économique mondiale » tandis qu’à Hamilton, la TCI souhaitait aborder un sujet un peu plus délicat pour le camp prolétarien : « la vraie division » entre le Marxisme et l’Anarchisme.

Le GIGC s’était donc donné pour mandat d’intervenir dans ces trois réunions pour à la fois appuyer l’intervention de la TCI et permettre la clarification maximale du programme du prolétariat… Mais également pour aborder le sujet du regroupement des révolutionnaires dans le milieu politique prolétarien. Nous espérions en profiter pour lever le voile sur la relation difficile entre le Groupe Internationaliste Ouvrier (GIO) – affilié canadien de la TCI – et notre groupe.

Montréal

On peut dire que cette rencontre fut un succès puisque au plus fort de la réunion, une trentaine de personnes étaient présentes (ce qui, au Canada, est élevé pour ce genre de rencontre). C’était une analyse classique de la crise du Capital du point de vue de la TCI, c’est-à-dire que sa cause est la baisse tendancielle du taux de profit et que ses effets sont une tendance absolue vers l’impérialisme. Un point intéressant soulevé par la présentation, et qui est ignoré par beaucoup : l’accumulation de capital fictif, aussi monstrueuse soit-elle devenue, avait déjà été anticipée par Marx. Donc avec elle, la notion de bulles spéculatives qui éclatent avec de plus en plus de profondeur… Et avec une fréquence de plus en plus rapide (la dernière remontant à 2008).

Le niveau de conscience au sein des participants n’était, en général, pas très élevé mais quelques bonnes questions ont quand même été soulevées, notamment une critique sur le fait que le problème n’est pas un Capital qui n’arrive plus à s’accumuler mais bien un Capital qui rencontre de plus en plus de difficultés dans son processus de valorisation et d’extraction de la plus-value.

Puisque le GIGC s’est donné comme mandat d’appeler au regroupement des éléments révolutionnaires autour de la TCI, un de nos membres a donc posé la question suivante : quelle est la voie vers l’organisation en parti politique du prolétariat selon la TCI ? La réponse était conséquente avec ce qu’a toujours dit la TCI au temps où elle se nommait BIPR : la TCI n’est ni le noyau ni la préfiguration du futur parti de classe. Pour plus de précisions, celle-ci a donc été reformulée pour directement aborder la question du regroupement : selon l’éditorial du numéro 59 de Revolutionary Perspectives [1] (revue de la CWO, section britannique de la TCI), si la TCI ne se considère pas comme la préfiguration du futur parti, quelle est donc la voie du regroupement entre révolutionnaires selon elle ? Parce qu’il est insensé que, dans le contexte historique actuel, nos deux groupes ne puissent pas envisager un dialogue et une possibilité d’intervention conjointe en direction de la classe. La réponse fut malheureusement la suivante : la TCI n’a pas à discuter avec le GIGC tant que certains de ses membres (ex-sympathisants de la TCI au Canada) n’ont pas retiré leurs divergences (prétendument « calomniatrics ») vis-à-vis de celui qui a formé le GIO à Montréal. La réunion s’est pratiquement terminée sur cette question.

Toronto

Il y avait moins de personnes présentes mais le niveau de conscience politique était plus élevé qu’à Montréal. Plusieurs contacts intéressants ont été faits là-bas par un membre de notre groupe. Entre autres, le groupe anarchiste Common Cause est venu participer ainsi qu’un représentant de l’Ontario Coalition Against Poverty. Le même camarade de la TCI a abordé la question de la Valeur Travail, de la composition organique du Capital et de la nécessité inhérente au Capital, dans l’ère de l’impérialisme / décadence, de détruire le capital constant pour redémarrer plus vigoureusement son procès d’accumulation. Pour la TCI, la révolution technologique du microprocesseur a également permis de ralentir la baisse tendancielle du taux de profit en réduisant les coûts du capital constant. La financiarisation a aussi été abordée comme une réponse à la crise de la profitabilité qui débuta dans les années ’70.

Lors de la période de discussion, notre membre est intervenu en réaffirmant que le GIGC et la TCI défendent les positions de la Gauche Communiste (GC), que les deux considèrent que la crise du Capital est inéluctable, et que le GIGC estime que la TCI est le seul pôle de regroupement de la GC. À la suite, la question fut posée à savoir si la TCI voyait dans la résistance de la classe – face aux mesures d’austérité – le commencement d’une consolidation des forces révolutionnaires. La réponse fut qu’il n’y a pas assez de forces révolutionnaires pour consolider quoi que ce soit parce qu’il y a... un manque de politisation.

Hamilton

Sur le site de la TCI, cette rencontre a été présentée de la sorte : “la vraie division aujourd’hui ne se situe pas entre anarchisme et marxisme. Elle est entre, d’un côté, ces “marxistes” qui veulent réformer le capitalisme et ces anarchistes qui pensent pouvoir trouver un mode de vie à l’intérieur du système, et de l’autre côté, ceux parmi les deux tendances qui veulent ’abolir le capitalisme et son État”.

Pour nous, d’entrée de jeu, cette question est problématique [2]. En effet, l’anarchisme, de par son rejet historique du Parti de classe prolétarien et de la dictature du prolétariat, se situe sur le terrain de la gauche du Capital et n’est en rien une voie révolutionnaire. Son principal programme d’autogestion n’est nullement la destruction du Capital mais plutôt son aménagement idéaliste. C’est aux marxistes de savoir arracher les anarchistes de ce terrain, à force d’argument, pour les amener au marxisme et à la Révolution ; mais alors, ils ne sont plus anarchistes. C’est donc avec circonspection que nous attendions cette réunion.

Le membre de la TCI aborda la réunion en mentionnant cette divergence importante entre les révolutionnaires communistes et les “révolutionnaires” anarchistes sur la notion de l’État que ce soit pour Marx et Engels, notamment après la Commune de Paris, que pour les bolcheviks lors des premières années de la Révolution Russe. Cependant et à juste titre, la TCI affirme que ces derniers auraient dû permettre que l’exécutif soit élu par les Soviets eux-mêmes plutôt que d’imposer leurs commissaires du peuple, de même, c’est plus discutable selon nous, qu’ils ont remplacé les milices ouvrières par l’Armée Rouge. Ces erreurs, que les bolcheviks partageaient avec la plupart des communistes du monde entier, sont, pour la TCI, à mettre au même niveau que les ’trahisons’ petites-bourgeoises des anarchistes qui s’affirment anti-capitalistes. Pour la TCI donc, les trahisons de l’anarchisme sont de même nature que ’celles’ des communistes et se résument... à une mauvaise compréhension de la lutte de classe et de la nature de classe de l’État.

En guise de conclusion

À travers la TCI, la Gauche Communiste a pu s’exprimer et discuter avec certains de ses sympathisants dans une région du monde où elle est peu présente et mal connue. C’est ainsi que la TCI a défendu les positions de classe que nous partageons aussi et ce, même si certaines clarifications doivent être faites entre nous, notamment en ce qui concerne l’anarchisme, de certaines visions de la période de la décadence et de l’analyse économique des crises.

Il est important de noter que certaines de ces questions, comme celle de l’analyse économique, ne sont même pas encore tranchées parmi le GIGC et ne nous empêche aucunement d’intervenir en défendant ’sa’ position et de militer au sein du même groupe.

Notre groupe a donc rempli son mandat en participant à ces réunions, en invitant des sympathisants autour de nous à y participer également, et surtout en appuyant l’intervention de la TCI par notre seule présence et par notre participation active.

Par ailleurs, celle-ci semble avoir eu du mal à se situer en tant qu’organisation, les réunions étant présentées comme celle d’un conférencier plutôt que celles du groupe politique le plus important de la GC actuelle. Elle n’a pas su, non plus, mettre de l’avant l’unité de la Gauche Communiste, en rejetant une intervention conjointe avec notre groupe, et en ne reconnaissant pas l’existence du GIGC après presqu’une année d’existence. Ce sectarisme est fort malheureux dans le contexte actuel, alors que nos deux groupes expriment – sur les points les plus importants – un accord manifeste.

Malgré nos quelques critiques et divergences, malgré aussi certaines faiblesses exprimées par la TCI, nous estimons que le bilan de ces rencontres est fort positif. Nous espérons, pour le moins, le moment de pouvoir participer à d’autres réunions de la part de celle-ci, si ce n’est de travailler ensemble pour notre classe.

Sol/Stavros, juin 2014.

(Publieé sur http://igcl.org: 9 septembre 2014)

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Notes:

[1. cf. La voie difficile de la reprise de la lutte de la classe ouvrière, Bilan et Perspectives #12, decembre 2011 (The Difficult Path to the Revival of Working Class Struggle, Revolutionary Perspectives #59, 2011).

[2. cf. notre introduction à l’article de la FGCI sur marxisme et anarchisme dans ce numéro.