Révolution ou Guerre n°13

(Semestriel - Octobre 2019)

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Sur la crise : Où va le monde ? (Nuevo Curso)

Manquant de place dans ce numéro, de temps et de forces aussi, nous ne sommes pas en capacité de présenter un état, ne serait-ce que sommaire, de l’aggravation de la crise économique du capital qui inquiète au plus haut point la bourgeoisie elle-même. Les mesures prises à partir de 2008 et la crise des "subprimes" n’ont pas réussi à "relancer la machine" comme lors des crises précédentes. Grossièrement, elles avaient consisté en la "nationalisation" de l’amas de dettes privées afin d’éviter l’effondrement brutal du système financier ; et en l’introduction massive de liquidités (en particulier au moyen du Quantative Easing) par les banques centrales pour pallier au manque de crédit (crédit crunch), les banques défiantes ne se prêtant plus. Et tout cela au prix de l’endettement exponentiel des États et de l’explosion des dettes dites "souveraines" et des déficit publics. Certes, ces mesures économiques propres au capitalisme d’État ont réussi alors à éviter le blocage brutal de l’économie capitaliste et son effondrement catastrophique. Mais elles n’ont pas permis de "dépasser" la crise de 2008 et de "relancer véritablement l’économie" au point que ces mesures exceptionnelles sont devenues permanentes ; au point que la Banque centrale européenne a décidé de relancer encore  [1] ces jours-ci l’usage du Quantitative Easing ; au point que la banque américaine, la FED, est contrainte de rebaisser ses taux qu’elles avaient pourtant essayé de remonter précédemment. Tout cela exprime que le capitalisme est devenu addict aux mesures qui ne devaient être qu’exceptionnelles. Et que l’endettement généralisé continue sa folle course... qu’il faudra bien payer un jour d’une manière ou d’une autre – le plus probable étant que ce soit par une guerre impérialiste généralisée.

Est-il besoin de souligner que le coût gigantesque de la faillite d’alors qu’il convient malgré tout de payer en attendant et ses multiples conséquences a reposé et repose toujours sur la population mondiale non capitaliste, principalement sur les épaules du prolétariat ? D’où la détérioration dramatique des conditions de vie et de travail depuis lors et la paupérisation accrue et généralisée. Les effets de 2008 se font donc toujours sentir et ses conséquences de tout ordre, y compris économiques et financières, n’ont pas été dépassées au moment même où l’activité économique s’approche "officiellement" de la récession comme en Allemagne ou bien encore ralentit "officiellement" de manière brutale en Chine ou encore aux États-Unis – pour ne citer que les principales puissances capitalistes mondiales et alors même que la situation des pays dits "émergents" se détériore, voire s’effondre comme en Argentine. Bref, les mesures étatiques "exceptionnelles" – tels les taux d’emprunt négatifs des États  [2] – pour faire face à la crise de 2008 et qui n’ont fait que maintenir à flot le capital, sont toujours en place aujourd’hui alors même que la crise ouverte réapparaît. Elles ne pourront être réutilisées avec la même "efficacité" en cas de crise soudaine et c’est une des préoccupations des classes dominantes – du moins de leurs spécialistes économiques et gouvernements les plus "éclairés". Du coup, outre les attaques sur le prolétariat, les rivalités impérialistes ne peuvent que s’aggraver encore plus. Contrairement à ce que les médias commencent à marteler en tentant de nous faire oublier l’évidence, les guerres commerciales, monétaires et tarifaires et les tensions impérialistes croissantes, en particulier les politiques économiques et impérialistes menées par Trump, ne sont pas la cause du ralentissement économique et de la crise ouverte qui vient mais sa conséquence et son expression. Nul doute que la crise ouverte qui vient, la récession en particulier, ne fera qu’exacerber les rivalités impérialistes et pousser à ce que les principales puissances impérialistes s’engagent chaque fois plus dans la marche à la guerre généralisée.

Il est plusieurs articles dans la presse de la Gauche communiste auxquels nous invitons nos lecteurs à se référer. En particulier, nous attirons leur attention sur deux articles de la TCI, Panomarica sulle condizioni in cui versa el capitalismo globale et “Dotte considerazioni” sul futuro del capitalismo “dopo” la fine dell’attuale crisi, seulement en italien à ce jour, qui fournissent une analyse marxiste générale de l’aggravation de la crise économique qui peuvent servir utilement de référence. À défaut, nous avons décidé de publier ce court article de Nuevo Curso, qui donne des éléments de propagande utile à toute position de classe immédiate face à la crise et aux discours de la bourgeoisie.

Révolution ou Guerre, 20 septembre 2019.

Où va le monde ? (en graphiques) - Nuevo Curso

En Argentine, en Espagne, en Italie, même en France, les médias nous adressent un message de plus en plus vide. Ils essaient de nous divertir en nous imposant des émotions électorales, des ouragans et des crimes violents, tout en nous parlant des ’difficultés’ comme s’il s’agissait de problèmes locaux qui, avec un petit sacrifice et un ’bon gouvernement’, pouvaient être résolus. En réalité, dans le capitalisme comme dans tout, c’est la totalité, l’état du système dans son ensemble, qui détermine l’avenir des parties. La réalité globale n’est pas la somme des ’réalités nationales’. Au contraire, aujourd’hui plus que jamais, c’est la situation globale d’un capitalisme mondial en crise qui détermine les perspectives dans chaque pays. Afin d’avoir une idée de ce qui arrive pour cette deuxième partie de l’année, nous allons la résumer avec 7 graphiques publiés cette semaine.

1 - Le premier élément de la situation mondiale est l’augmentation des tensions impérialistes. La guerre commerciale, avec son chapelet de pressions militaires, de guerres et de frictions politiques. D’Ormuz à Hong Kong, en passant par Brexit, l’Algérie, la Syrie, Chypre... et maintenant jusqu’en Amazonie.

Indice d’incertitude géopolitique mondiale

Source : base de données des économistes lacovello et Caldara à partir des pourcentages d’articles sur les incertitudes géopolitiques dans les principaux médias internationaux.

2 - Le cycle d’accumulation est presque épuisé dans les pays centraux. Les taux de profit sont très bas – c’est pourquoi la valeur de la production augmente à peine – et même en dopant le système par les banques centrales de manière de plus en plus désespérée, on n’arrive pas à "ressusciter" les attentes et, surtout, l’activité économique.

PIB mondial (variation annuelle %)

3 - La stagnation du PIB s’accompagne d’une baisse de l’activité économique, en particulier de l’activité industrielle – la production de biens réels – qui entraîne et accélère des baisses d’activité encore plus importantes. En d’autres termes : les capacités productives sont détruites dans le monde entier parce que le système ne sait pas comment les utiliser pour générer des profits.

Indicateurs PMI d’activité global

« L’indice PMI, pour “Purchasing Manager’s Index” (indice des directeurs des achats), est un indicateur permettant de connaître l’état économique d’un secteur » (ig.com, IG Bank).
Indice IFO* des activités des entreprises allemandes

« L’Indice Ifo du Climat des Affaires allemand évalue le climat des affaires en Allemagne à un moment précis et mesure les attentes établies pour les 6 prochains mois » (investing.com).

La situation est si grave que la fuite vers la spéculation se concentre principalement dans les pays dits cyniquement "émergents". Mais il ne s’agit plus de spéculations à la hausse, d’attentes exagérées sur des valeurs et des capacités futures, mais de paris sur les chutes et les effondrements qui l’instabilité multiplie, comme nous le voyons en Argentine.

Pays émergents : indicateur synthétique d’activité

4 - Ce n’est pas simplement que "les affaires vont mal" pour la bourgeoisie. C’est que la seule chose qu’elle puisse faire pour maintenir ses profits… est au dépend de nos conditions de vie. D’une part en réduisant le coût pour le capital national du maintien des conditions de fonctionnement (santé, services de base, etc.), d’autre part en sauvant les banques en s’appropriant directement de l’épargne sous forme de pensions, en augmentant le temps de travail réel, la précarité, etc. De Bolsonaro à Macron, de Macri à Poutine, en passant par Sánchez et Costa, tous défendent des "réformes" similaires avec des objectifs similaires et des discours différents. Même aux Etats-Unis, pour le moment ’gagnant’ théorique de la guerre commerciale, la paupérisation des travailleurs est une tendance constante qui se manifeste dans la stagnation de leur capacité de consommation. En d’autres termes : même dans le pays avec les meilleures données sur l’emploi de l’année, le système ne parvient pas à améliorer la vie matérielle des travailleurs, même pas selon ses propres termes... ce qui nourrit à son tour les mauvaises attentes de production : pourquoi produire plus si elles ne peuvent pas acheter ?

États-Unis : Indice de dépenses de consommation des ménages

Que faire ?

Que tu sois en Argentine, au Mexique, en Espagne ou en Australie... la tâche principale aujourd’hui est la même parce que la situation mondiale qui pousse les attaques contre tes conditions de vie et les tiens est la même que celle qui pousse à l’appauvrissement de tous partout dans le monde. La logique du capital n’est pas sans appel. Ou plutôt, elle ne l’est qu’à ses propres conditions. Si nous acceptons que les profits de l’entreprise ou la rentabilité du capital national doivent être réalisés pour que nos besoins puissent être satisfaits, ceux-ci seront de plus en plus attaqués. Et il n’y a pas de sacrifice qui paie. Parce que ce qui fait que le système aille si mal est structurel. Il ne s’agit pas d’un problème spécifique qui pourrait être résolu par des élections, des ’réformes’ et des accords commerciaux. La machine ne peut continuer à fonctionner qu’en dévorant les ouvriers. Il est donc temps de faire passer nos besoins en premier.

Nuevo Curso, 8 septembre 2019 (https://nuevocurso.org/)

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Notes:

[1. « Pour sa dernière décision avant de quitter son poste à la Banque centrale européenne (BCE), Super Mario [Draghi] a dévoilé un grand plan de relance monétaire afin de soutenir l’activité économique en berne dans la zone euro. Il a abaissé le taux de dépôt à -0,5% et a annoncé la mise en place d’un nouveau plan de rachats d’actifs (ou QE pour quantitative easing en anglais) » (La Tribune, 13 septembre 2019).

[2. Le créancier qui "prête son argent aux États n’est pas rémunéré mais au contraire paie un intérêt pour son dépôt ! C’est-à-dire qu’il préfère placer son argent à perte dans les caisses des banques centrales plutôt que de l’investir dans l’économie et la production car il est convaincu… que son capital initial y perdra moins. À elle seule, cette aberration du point de vue capitaliste illustre l’impasse et les contradictions immédiates auxquels le capitalisme se trouve confronté aujourd’hui. Bien évidemment, cet amas de capital qui ne se ne dirige pas vers la production contribue aussi au gonflement vertigineux de bulles spéculatives dans tous les domaines, jusqu’au football par exemple où les budgets de clubs professionnel et les salaires des joueurs explosent...