Révolution ou Guerre n°13

(Semestriel - Octobre 2019)

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Retour sur le mouvement des "gilets jaunes" en France et les mouvements de révolte inter-classistes dans le monde (Robin Goodfellow)

Le mouvement des gilets jaunes a interpellé les révolutionnaires et nombre de prolétaires, au moins ceux conscients de la nécessité du combat pour la défense de leurs intérêts de classe, par rapport à leur expérience, leur vision, voire leur schéma, du développement de la lutte des classes. Il y eut ceux qui ont glorifié le mouvement pour son apparente radicalité, en particulier sa capacité et volonté de faire face à la répression policière étatique, ou encore pour son "auto-organisation" via les réseaux sociaux ou autre, jusqu’à défendre que « la révolution française a commencé le 17 novembre 2018 » [1] ; et ceux qui ont rejeté le mouvement du fait de son caractère "inter-classiste" – jusqu’à, pour l’indécrottable CCI de la théorie de la Décomposition, le dénoncer comme étant un piège tendu par la bourgeoisie  [2]. Pour notre part, nous n’avons pas été exempts de doutes et d’hésitations pour caractériser ce mouvement au point d’affirmer que « les ouvriers qui s’y retrouvent isolés et noyés en tant que prolétaires dans une masse aux intérêts hétérogènes et même souvent contradictoires, isolés et noyés dans le "peuple", ne gagneront rien » [3]. Une semaine plus tard, après les affrontements sur les Champs-Elysées et sous l’Arc de Triomphe, Macron reculait sur un certain nombre de revendications avancées par les "gilets jaunes", dont certaines à caractère indéniablement prolétarien. Même si limité et momentané, ce recul de la classe dominante était le premier depuis les grèves de 1995 et cela malgré diverses mobilisations en masse, des millions de grévistes et de manifestants, durant la décennie 2000, tout comme encore en 2013 contre une énième "réforme" des retraites et 2016 contre la "loi-travail". Toutes, sabotées par la tactique syndicale des journées d’action, s’étaient terminées par des défaites jusqu’à celle des cheminots, plus de trente journées de grève échelonnées au fil des mois derrière les syndicats, au printemps 2018.

Aujourd’hui, les gilets jaunes n’étant plus qu’une toute petite minorité au rituel hebdomadaire sans effet, il serait tentant pour les révolutionnaires, et tout spécialement pour les composantes de la Gauche communiste, de tourner la page, de revenir à leurs certitudes, de faire semblant de croire que la fin, ou morte lente, de ce mouvement a donné raison à ceux qui ont rejeté, voire dénoncé, cette révolte, sans revenir sur les questions auxquelles ils, et avec eux le prolétariat comme un tout, ont été confrontés en cette occasion. Circulez, il n’y a, il n’y aurait, rien à voir comme dit l’agent de police aux badauds sur les lieux d’un accident. Pourtant la révolte et les manifestations massives qui se déroulent à Hong Kong, au caractère elles-aussi clairement inter-classiste et dans lesquelles la composante prolétarienne comme telle semble en grande partie absente, contrairement à la France – aucune revendication ouvrière à notre connaissance –, nous montre que ce type de révoltes est sans doute appelé à se reproduire comme une expression de l’exacerbation en tout genre des antagonismes sociaux du fait de la crise capitaliste. De même que les printemps arabes de la fin des années 2000 avait vu se développer des mouvements et révoltes "populaires", inter-classistes, souvent pour des revendications essentiellement démocratiques, parfois entremêlés à des luttes clairement prolétariennes, voire directement animés et dirigés par celles-ci comme en Égypte et même, à un degré moindre en Tunisie.

Des luttes ouvrières totalement contrôlées par les syndicats, comme la grève à la General Motors (toujours en cours à l’heure où nous écrivons), celle du 24 septembre des métros et bus - 85% de grévistes - qui a bloqué la région parisienne, ou encore le lock-out - dix-huit mois ! - de l’usine d’aluminium ABI au Québec [4], ne sont pas en capacité d’offrir une perspective aux composantes prolétariennes d’un mouvement confus inter-classiste comme les gilets jaunes. Il en va différemment, par exemple, de la lutte, de classe, des employés publics de Chubut en Argentine qui, bien que "perdus" au fin fond de la Patagonie [5], ont cherché et, en partie, réussi à étendre leur combat en s’affrontant aux syndicats par des manifestations sauvages, des blocages, et la grève bien sûr. Seules la dynamique et les méthodes prolétariennes de la grève de masse peuvent répondre aux prolétaires s’engageant dans ce type de mouvement "inter-classistes". Hétérogènes et confus, ils vont se reproduire eux-aussi en masse, voire "accompagner" des luttes prolétariennes massives et les révolutionnaires, tout comme le prolétariat comme classe, devront se positionner au mieux face à ces mouvements.

Voilà pourquoi nous reproduisons ici la prise de position – sa plus grande partie – du groupe Robin Goodfellow sur Le mouvement des "gilets jaunes" (https://defensedumarxisme.wordpress.com/) afin d’animer la réflexion du plus grand nombre. Nous ne partageons pas les mêmes prémisses théoriques et programmatiques que lui. Il n’en reste pas moins qu’il fournit des références marxistes, théoriques et historiques, dont il convient de tenir compte pour traiter du problème posé par ces mouvements. Certes, du fait qu’il rejette la périodisation du capitalisme en deux phases, ascendance et déclin, il tend à considérer les mouvements inter-classistes ou populaires dans les mêmes termes qu’au 19e siècle. En conséquence, et contrairement à la plupart des autres composantes de la Gauche communiste, il considère encore aujourd’hui les revendications démocratiques que ce type de mouvements portent comme un objectif et une étape et non comme une impasse [6]. De même, il met en avant dans ce document des revendications qui, certes "justes" en soi, sont posées indépendamment du cours même et des objectifs immédiats de la lutte ouvrière. Il est possible – ce sera à clarifier – que cette approche sur les revendications soit liée au concept de révolution permanente tel qu’il est présenté dans ce document [7].

Le texte est introduit par une citation de Lénine qui, au-delà du fait qu’elle se réfère aux luttes de "libération nationale", met en avant l’approche dynamique que les révolutionnaires doivent avoir sur les "luttes sociales de masse". Si nous ne sommes pas sûrs d’en avoir la même compréhension que Robin Goodfellow, il n’en reste pas moins que l’argumentation de Lénine est une référence indispensable pour comprendre ces phénomènes "interclassistes" et la dynamique même de la grève de masse prolétarienne. De même, sans doute sommes-nous d’accord avec les camarades, en soi, par principe, sur le fait qu’ « un parti communiste devrait intervenir dans ce mouvement et en contester la direction à la petite-bourgeoisie en faisant valoir ses revendications et mots d’ordre ». Mais sans doute aussi divergeons-nous sur ces derniers tels qu’ils les avancent. Jusqu’au recul, encore une fois limité, de Macron du 4 et surtout du 10 décembre, nous avions du mal à voir quelles orientations et quels mots d’ordre il convenait de mettre en avant. L’absence d’un véritable noyau de militants de notre propre groupe [8] en France permettant une intervention significative de notre part n’enlève rien à la nécessité de réfléchir et définir l’intervention d’un groupe communiste a minima conséquent. Selon nous, et contrairement à Robin Goodfellow, l’axe de l’intervention communiste aurait dû critiquer et dénoncer les revendications et illusions d’ordre démocratique de tout ordre, référendum, auto-organisation via les réseaux sociaux – de ce point de vue, la brutalité et la violence de la répression étatique fournissait un argument de poids pour dénoncer la démocratie bourgeoise, la "république française" et l’appartenance au "peuple" – et y opposer les revendications prolétariennes qui apparaissaient au fur et à mesure que le poids des individus ouvriers participant au mouvement des gilets jaunes se faisait sentir, augmentation du salaire minimum, des retraites, des allocations chômages, etc. ; et ainsi ouvrir sur les méthodes de lutte propre au prolétariat qui, seules, peuvent s’opposer avec "efficacité" à l’État capitaliste en présentant la perspective de sa destruction, de l’exercice de la dictature prolétarienne et d’une autre société sans classe, ni exploitation. En ce sens, notre intervention n’aurait pas tant cherché à renforcer "l’unité de ce mouvement" mais, en ne craignant pas de se situer à contre-courant au moins dans un premier temps, à polariser et faire émerger sa composante prolétarienne. C’est donc toute une réflexion face à un phénomène particulier et nouveaux, et une expression, de la nouvelle situation historique qui s’ouvre et que nous qualifions pour notre part de "confrontations massives entre les classes", à laquelle nous invitons l’ensemble des forces communistes, surtout celles qui combattent pour la constitution du futur parti mondial du prolétariat.

Limités par le nombre de pages de la revue, nous avons été contraints de couper deux parties de ce texte comportant de longues et nombreuses notes. Bien qu’intéressantes en soi, il nous semble que leur retrait n’enlève rien à la réflexion et au débat contradictoire sur la prise de position des camarades. Nous les en avons averti et leur avons soumis au préalable les parenthèses que nous avons introduites.

Révolution ou Guerre, septembre 2019.

La lutte des classes en France – 2018-2019 – Le mouvement des « Gilets jaunes » (Robin Goodfellow).

« Croire que la révolution sociale soit concevable sans insurrections des petites nations dans les colonies et en Europe, sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes politiquement inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, etc., c’est répudier la révolution sociale. C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira : ’Nous sommes pour le socialisme’, et qu’une autre, en un autre lieu, dira : ’Nous sommes pour l’impérialisme’, et que ce sera alors la révolution sociale ! C’est seulement en procédant de ce point de vue pédantesque et ridicule qu’on pouvait qualifier injurieusement de ’putsch’ l’insurrection irlandaise. Quiconque attend une révolution sociale ’pure’ ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution. La révolution russe de 1905 a été une révolution démocratique bourgeoise. Elle a consisté en une série de batailles livrées par toutes les classes, groupes et éléments mécontents de la population. Parmi eux, il y avait des masses aux préjugés les plus barbares, luttant pour les objectifs les plus vagues et les plus fantastiques, il y avait des groupuscules qui recevaient de l’argent japonais, il y avait des spéculateurs et des aventuriers, etc. Objectivement, le mouvement des masses ébranlait le tsarisme et frayait la voie à la démocratie, et c’est pourquoi les ouvriers conscients étaient à sa tête. La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement - sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucune révolution n’est possible – et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s’attaqueront au capital, et l’avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d’une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l’unir et l’orienter, conquérir le pouvoir, s’emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d’autres mesures dictatoriales dont l’ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne ’s’épurera’ pas d’emblée, tant s’en faut, des scories petites-bourgeoises. » (Lénine, Bilan d’une discussion sur le droit des nations, T.22, p.383- 84).

Le détonateur du mouvement des « gilets jaunes » a été l’augmentation de la taxe sur les carburants [9]. Depuis le mouvement a été bien au-delà de ce qui passait, au départ, comme une protestation d’automobilistes provinciaux. Il en est venu à poser plusieurs questions parmi lesquelles celle des impôts et de la réforme fiscale. Celle-ci figure parmi les revendications les plus partagées ce qui est en cohérence avec le fait que le mouvement s’est d’abord présenté comme une révolte fiscale.

Pour le marxisme, la revendication d’une baisse des impôts relève d’une lutte interclassiste qui intéresse surtout la bourgeoisie et encore plus la petite bourgeoisie sans apporter grand-chose au prolétariat [10]. Le prolétariat n’est pas pour autant indifférent à cette question et défend constamment sa politique fiscale [11].

Les revendications du mouvement, notamment en matière fiscale, montrent que le prolétariat, tout en jouant un rôle déterminant dans le mouvement des gilets jaunes puisqu’il y a apporté sa puissance sociale et ajouté des revendications qui lui sont propres, reste sous la direction politique et idéologique de la petite-bourgeoisie.

La lutte immédiate qui caractérise le prolétariat est clairement une lutte pour le salaire (y compris pensions et minimas sociaux) tout en sachant que l’objectif que poursuit le prolétariat révolutionnaire est l’abolition du salariat. Bien entendu, et du fait de son intervention massive dans ce mouvement des gilets jaunes, des revendications prolétaires portant sur les salaires et les pensions ont rapidement émergé. Cette irruption de la question du salaire a assez vite contraint Macron et son gouvernement de défense de l’ordre bourgeois à faire des concessions. Bien qu’il s’agisse de miettes, comme l’a très bien compris le mouvement [12], les concessions du 10 décembre représentent bien plus que n’en ont obtenu toutes les journées d’inaction syndicales qui n’avaient d’autre finalité que d’étouffer les luttes. Cela aussi le mouvement des gilets jaunes l’a bien compris. C’est d’ailleurs en tirant les leçons des pratiques des bureaucraties syndicales que le mouvement a abouti à la conclusion qu’il fallait les mettre à l’écart tandis que celles-ci n’ont pas cessé de le dénigrer en mettant en relief et en montant en épingle ses dimensions les plus réactionnaires.

Le mouvement a pris des formes inédites qui s’expliquent, pour une part, par les évolutions dans la composition des classes.

[Suit ici un passage fournissant des données sociologiques et économiques, très intéressantes, qui permettent de mieux comprendre la composition sociale diverse des gilets jaunes et ses caractéristiques, note du GIGC]

Une organisation horizontale reposant sur la démocratie directe

D’autre part, les réseaux sociaux ont permis de s’affranchir des représentations de « corps intermédiaires », comme les syndicats, et mis l’ensemble des partis à distance. Ce faisant, après l’occupation spontanée et locale des ronds-points et les premières manifestations du 17 novembre, s’est très rapidement ajouté l’appel récurrent à manifester chaque week-end, au cœur des grandes villes et surtout à proximité directe des lieux de pouvoir et des quartiers huppés. Cela aussi a un caractère inédit, qui contraste avec les journées d’action syndicales et leurs défilés normalisés, convoqués en semaine sur des parcours balisés et loin des lieux « sensibles », promenades depuis longtemps désertées pour leur totale impuissance. Au contraire, les manifestations du samedi ont peu à peu mobilisé de nouvelles vagues de prolétaires (avec ou sans le gilet), notamment issus des banlieues des grandes villes. Tous ces facteurs ont contribué à donner cette forme à un mouvement qui se confronte directement à la répression de l’Etat et qui touche toute la France et fait des émules dans le Monde.

Le mouvement communiste et les gilets jaunes

« Les élections à Paris  [13] sont moins le pressentiment que le véritable commencement d’une nouvelle révolution. Il est tout à fait conforme au passé historique de la France que Cavaignac fournisse nom et enseigne à l’opposition contre Bonaparte, de même qu’Odilon l’a personnifiée contre Louis Philippe. Cependant, pour le peuple, Odilon Barrot et Cavaignac ne sont que des prétextes, même s’ils sont des éléments sérieux pour la bourgeoisie. Le nom sous lequel une révolution s’introduit n’est jamais celui qu’elle portera sur ses bannières le jour de son triomphe. Pour s’assurer des chances de succès, les mouvements révolutionnaires sont forcés, dans la société moderne, d’emprunter leurs couleurs, dès l’abord, aux éléments du peuple, qui, tout en s’opposant au gouvernement en vigueur, vivent en totale harmonie avec la société existante. En un mot, les révolutions reçoivent leur billet d’entrée pour la scène officielle des mains des classes dominantes elles-mêmes » (Marx, « La Situation en Europe », New York Tribune, 27 juillet 1857, cité partiellement par R. Dangeville, dans l’introduction du livre sur le mouvement ouvrier français).

Des analyses de classe primaires.

Le mouvement communiste s’est divisé entre les tenants d’un aristocratisme indifférentiste [14] et les suiveurs d’un mouvement dont on édulcore les contradictions de classes [15].

A ceux qui dénigrent le mouvement parce qu’il ne marche pas derrière le « drapeau du prolétariat », il convient de rappeler qu’il a d’ores et déjà obtenu plus que toutes les mobilisations syndicales, soi-disant sous ce drapeau-là, et qui étaient autant de moyens pour étouffer les luttes prolétaires et les conduire à la défaite.

Pour dénigrer le mouvement, tous les arguments ont été employés et on n’a cessé de mettre en avant toute la panoplie du « politiquement correct » (sexisme, racisme, antisémitisme, discrimination envers les homosexuels, alcoolisme, fumeur, pollueur, …) [16] et, cerise sur le gâteau, l’assimilation de la violence avec ce qui vient d’être énuméré. Il suffit ensuite d’extrapoler de faits réels mis en exergue une signification et une tendance du mouvement qui justifient surtout de ne pas s’en mêler sinon de le combattre et de le réprimer. A l’instar des petits-bourgeois et bourgeois démocrates, nombre de sectes communistes n’ont fait que montrer tout le mépris de classe dont elles sont capables [17].

Manifestation des "gilets jaunes" du 26 janvier 2019 et affrontements avec la police (au fond sous la fumée des gaz lacrymogènes) Place de la Bastille à Paris. Cela n’empêche pas les manifestants au premier plan de continuer à marcher vers la place et vers les affrontements (photo et commentaire du GIGC).

Il est évident que le mouvement est interclassiste et que le prolétariat, tout en faisant valoir ses propres revendications, est à la remorque de la petite-bourgeoisie dont il constitue politiquement la gauche. Le prolétariat n’y existe pas en tant que parti politique indépendant mais la plupart des représentants du mouvement communiste semblent ignorer que cela fait plus de 90 ans que cette situation existe. C’est d’ailleurs pour cela que cette période est caractérisée de période de contre-révolution. On peut certes tenir le discours suivant : « Nous sommes toujours dans une période de contre-révolution. Nous ne pouvons que commenter ce mouvement et défendre la théorie révolutionnaire pour faciliter la reformation du parti communiste de demain ». En même temps, ce parti ne surgira pas ex nihilo mais il sera produit par la classe en lutte. Cette lutte elle-même s’inscrit dans un processus. Comme nous nous en sommes déjà expliqués, nous surveillons plus attentivement, sans nous départir de la plus grande prudence, l’évolution de la lutte des classes depuis quelques années, car il est possible que de nouvelles perspectives s’ouvrent au prolétariat. En tout état de cause, nous ne pouvons que blâmer l’attitude aristocratique qui consiste à regarder ce mouvement avec des gants blancs en se pinçant le nez. Et nous renvoyons à la citation de Lénine placée en exergue. Un parti communiste devrait intervenir dans ce mouvement et en contester la direction à la petite-bourgeoisie en faisant valoir ses revendications et mots d’ordre.

L’absence depuis plusieurs décennies du parti de classe n’a d’ailleurs pas empêché le prolétariat de mener une action politique, donc une lutte de classe, en faisant pression sur l’Etat et en arrachant depuis un siècle bien des avantages passés dans la loi (santé, scolarité, temps de travail, salaire, …) tout en laissant les classes dirigeantes en tirer le meilleur parti. Et cela n’a été obtenu qu’au prix de leur remise en cause permanente, qu’à la condition du renoncement du prolétariat à ses buts historiques, à son inexistence en tant que parti politique organisé, indépendant et opposé à tous les autres partis, ce qui est la condition indispensable pour faire triompher son programme historique : la société sans classes. Durant toute cette période, le prolétariat n’aura été que l’extrême gauche de la démocratie.

Si l’action du prolétariat ne dépend pas de l’existence d’un quelconque parti, celui-ci a pour fonction de généraliser et d’unifier le mouvement spontané du prolétariat. Ce n’est que dans le parti que science, conscience, volonté et instinct convergent pour transformer l’action du prolétariat en action de classe consciente de ses buts historiques. Mais ce parti est une création de la classe ; il resurgira à travers un long processus de luttes. Ce ne sera pas une création ex nihilo mais un produit de la classe en lutte, lutte qui elle-même s’inscrit dans un processus. Il est tout de même intéressant que ce mouvement des gilets jaunes tienne tous les partis bourgeois ou réformistes à l’écart, y compris ceux qui n’ont jamais gouverné. Cela mériterait d’être souligné mais pour le PCI, pour qui le fétichisme du parti est très prégnant, on entend que tout « parti » est mis de côté et aussitôt de condamner le mouvement parce qu’il agirait en dehors des partis hostiles au prolétariat mais aussi, ce qui est pire encore, en dehors du Parti Communiste International. A croire que le PCI ne prendrait en considération qu’un mouvement où les prolétaires, en mal de programme communiste, viendraient frapper à la porte du local du PCI pour se procurer les exemplaires invendus du « Prolétaire » entassés dans sa cave. Le mouvement d’ailleurs, bien que l’on puisse penser qu’il y est aussi encouragé par le pouvoir afin d’affaiblir l’extrême droite et dans une moindre mesure la France insoumise, tend à constituer des partis [18] (liste gilets jaunes pour les européennes) mais ils ne dépassent pas le cadre petit-bourgeois.

Il est toutefois fallacieux de présenter le mouvement comme celui de « petits patrons » (sous-entendu une petite bourgeoisie capitaliste), comme le fait le PCI ou le CCI ou encore, d’affirmer, comme « le fil rouge », qu’il s’agit d’un mouvement des classes moyennes traditionnelles ruinées par le développement de la production capitaliste, c’est-à-dire ce qui relève des anciennes classes moyennes (paysans, artisans, petits commerçants). Le marxisme les range également sous l’étiquette de petite bourgeoisie dans la mesure où elles aspirent à devenir capitalistes et également parce que les frontières sont poreuses entre la petite bourgeoisie capitaliste qui emploie peu ou par intermittence des salariés et cette petite bourgeoisie classe moyenne qui n’en emploie pas ou très occasionnellement. En même temps, ce qui leur donne un côté hybride et instable mais aussi une dimension potentiellement révolutionnaire s’ils adoptent le point de vue du prolétariat [19], ces classes moyennes anciennes sont régulièrement précipitées dans le prolétariat par la ruine de leur activité. Les témoignages d’une paysannerie, par exemple, accablée de dettes et soumise à la baisse des prix de production, vivant avec des revenus bien inférieurs au salaire minimum tout en travaillant le double du temps le montrent de manière éloquente.

Contrairement à ce que dit le Fil rouge, à côté du déclin des anciennes classes moyennes traditionnelles, nous assistons à la résurgence d’une classe moyenne (travailleur indépendant) sous l’effet des contradictions du mode de production capitaliste dans les pays les plus développés et de la France en particulier [20]. Le développement de petites et de micro entreprises, et la reconnaissance du fait qu’elles contribuent à la création d’emplois, doit être vu comme une des modalités du déclin relatif du capitalisme français sur le marché mondial. Ces entreprises pour diverses raisons que nous n’allons pas développer ici, disposent de moins de valeur ajoutée par personne que dans les grandes entreprises. C’est à la fois le signe et la modalité d’un affaiblissement relatif des pays capitalistes les plus développés. Les statuts juridiques les plus précaires comme celui de micro-entrepreneur (auto-entrepreneur) permettent de contourner les lois sociales propres au salariat et rendent possible ce qui est le lot de nombre de paysans : travailler beaucoup pour gagner très peu. Déjà Kautsky, puis Lénine, qui le reprenait, avaient mis en évidence que nombre de professions indépendantes n’étaient qu’une tentative désespérée pour s’échapper de l’armée industrielle de réserve. Il en va de même aujourd’hui pour nombre d’acteurs qui ont des statuts sociaux qui ne sont que l’antichambre ou le sas de sortie de Pôle Emploi quand ils n’y sont pas contraints par certaines entreprises pour pourvoir travailler avec elles [21]. Les phénomènes dits d’ubérisation (mais comme le montre l’exemple de Telefonica que nous avons traité sur notre blog [22], il ne s’agit pas uniquement de cas liés aux nouvelles technologies de l’information [23]) et les luttes en retour qu’elles provoquent (par exemple les coursiers de Deliveroo, les protestations des taxis contre la concurrence déloyale, des chauffeurs d’Uber sur le prix des courses, etc.) relèvent de la modernisation de formes connues dans le passé comme les tacherons, le travail à domicile, le semi-prolétariat. Une bonne partie de ces classes moyennes par force ne rêve que d’une chose : devenir prolétaire ! Dans l’oscillation entre la bourgeoisie et le prolétariat, elles penchent facilement vers le prolétariat. En tout état de cause, le marxisme n’a jamais traité ces classes (y compris la petite-bourgeoisie capitaliste) comme si elles formaient une masse réactionnaire avec la bourgeoisie contre le prolétariat.

Que le mouvement soit interclassiste et sous l’emprise d’une idéologie bourgeoise ou des classes moyennes personne de la niera. Les idées dominantes sont les idées de la classe dominante. Mais non seulement quel grand mouvement mais même quelle révolution n’a pas été interclassiste ? La Commune de Paris n’était-elle pas traversée par le patriotisme et les réminiscences de la Révolution française ? Au sein du conseil de la Commune, les ouvriers proprement dits étaient minoritaires et les internationaux [24] côtoyaient les blanquistes et les jacobins. Cela a-t-il empêché Marx de dire qu’il s’agissait essentiellement d’un gouvernement ouvrier ? Engels n’y a-t-il pas vu une réalisation de la dictature du prolétariat ?

Dans la Russie révolutionnaire, le soviet de Petrograd accueillait, à l’initiative des bolchéviks, des représentants des soldats, c’est-à-dire, pour la très grande majorité, des paysans, c’est-à-dire des petits- bourgeois (classe moyenne ancienne). Le soviet de Petrograd, donnait de droit, des places au bureau à des représentants des divers partis (menchéviks, socialistes-révolutionnaires, bolchéviks, ...). Le gouvernement qui sort de la révolution d’Octobre est un gouvernement ouvrier et paysan. Bien plus, pour venir au pouvoir le parti bolchévik a repris le programme agraire de la petite-bourgeoisie ; celle-ci (les partis qui la représentaient [25]) se montrant incapable de se détacher de la bourgeoisie et d’appliquer leur programme. En même temps, Lénine ne cesse d’appeler à la différenciation des classes et à l’indépendance du prolétariat. Il encourage les ouvriers agricoles à former des syndicats, à constituer des soviets indépendants ou au moins au sein des soviets paysans des formes d’organisation qui leurs sont propres si la première solution n’est pas possible, idem pour les semi-prolétaires (paysans pauvres partiellement salariés) [26]. Il revendique des modifications dans la désignation des députés afin donner plus de poids aux représentants du prolétariat.

De l’arriération du mouvement

On ne peut nier qu’il y ait eu et qu’il y ait encore des expressions qui montrent l’arriération de certaines composantes du mouvement. Dans la mesure où elles traversent la société, elles traversent aussi les gilets jaunes, mais on peut observer des foules de cas inverses comme, par exemple, le rôle des femmes dans la direction et l’initiative du mouvement – c’est notamment une femme (noire qui plus est) qui a lancé la pétition contre la hausse des taxes sur les carburants.

[Suit ici un passage sur l’anti-sémitisme dont nous reproduisons le dernier passage en note [27]. Nous invitons les lecteurs qui le peuvent à lire ce passage, note du GIGC].

Enfin quel que soit le rôle de l’extrême droite et de l’ultra-droite, lui aussi mis en exergue pour discréditer le mouvement et pour polariser les élections à venir, y intervenir est une raison de plus pour ne pas le laisser sous son influence. Selon les observateurs, les abstentionnistes sont très présents et ils sont au-delà des partis que ce soit la France Insoumise ou le Rassemblement National qui tous ont mis la pédale douce pour calmer le mouvement en espérant capitaliser dans les urnes à l’occasion des élections européennes.

Bien entendu, personne ne verra dans la présence des drapeaux tricolores le signe d’une lutte exemplaire. Nationalisme des stades pour les uns, et surtout avec d’autres symboles, une référence à la Révolution française pour la plupart, il confine au mieux le mouvement dans le cadre du socialisme bourgeois [28] ou petit-bourgeois. Et, pour autant que le mouvement ait fait des émules dans le monde, il n’a jamais pris la peine d’esquisser une unité internationale [29]. Maintenant lui opposer, comme gage de « pureté », l’emblème du drapeau rouge, alors que tous les symboles comme le vocabulaire du mouvement communiste sont passés à la contre-révolution, est absurde. Quant à ceux qui prennent en considération le mouvement, ils se mettent à parler au nom du « peuple », tandis que d’autres rêvent de faire disparaître les classes ou à défaut nous disent qu’il faut apprendre à parler à plusieurs classes à la fois. Bref, on rechute rapidement dans le socialisme petit-bourgeois.

De la révolution permanente

Il existe toujours un décalage entre la volonté (la dynamique du mouvement) et la conscience. Le mouvement est complexe, multiforme, interclassiste, parcouru de contradictions. Il a évolué, sous l’influence du prolétariat, vers des revendications liées au pouvoir d’achat (présentation qui laisse la possibilité d’une alliance interclassiste) et à travers des revendications de démocratie directe dont le Référendum d’initiative citoyenne ou populaire vise une action politique qui s’en prend à l’exécutif [30] et potentiellement peut aller bien au-delà. Pour les gilets jaunes, la démocratie représentative de la république bourgeoise est discréditée. A tel point qu’ils ne veulent pas eux-mêmes de représentants. Le mouvement réclame ainsi une démocratie directe susceptible de leur permettre de se saisir d’une question. Nous reviendrons sur ce sujet.

Pour le marxisme la révolution s’inscrit dans un processus nécessaire. Pour arriver à 1793, il faut en passer par 1789, pour arriver à Octobre, Février était nécessaire. Cette analyse, c’est-à-dire la stratégie de révolution permanente, ne concerne pas uniquement la révolution bourgeoise anti-féodale mais aussi la république démocratique. Il s’agit toujours de pousser la démocratie jusqu’au bout, de faire en sorte que les obstacles à l’affrontement entre le prolétariat et le capital soient le plus possible aplanis de manière à faire ressortir dans sa nudité le rapport d’exploitation, le rapport entre le capital et le travail. Pour que ce soit le tour du parti prolétaire, il faut que les autres partis se soient épuisés au pouvoir ou déconsidérés en se montrant incapables de traiter les questions posées par le processus révolutionnaire [31].

Axes d’intervention

Dans les axes de revendication et de propagande nous pouvons mettre en avant :

- le soutien aux victimes des violences policières ;

- l’amnistie pour les condamnés ;

- la revendication de l’abrogation des lois qui limitent la liberté d’expression et entravent la liberté de manifestation ;

- la suppression de tous les impôts indirects ; impôt proportionnel sur le revenu ; la suppression de l’héritage au-delà d’un certain seuil.

Et rappeler quelques points de toujours du programme communiste qui font écho au mouvement

immédiat :

- Réconciliation de la ville et de la campagne ; harmonisation de la population sur le

territoire ; suppression des grandes villes, etc. ;

- Approfondissement de la démocratie ;

- Nécessité de l’autonomie du prolétariat, du parti politique de classe, de la conquête du pouvoir politique et d’un gouvernement prolétarien, dictature révolutionnaire du prolétariat

Robin Goodfellow, 1er mars 2019

[Suit une annexe que nous ne reproduisons pas ici, note du GIGC]

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Notes:

[1. Matière et révolution, La révolution française a commencé…, 11 janvier 2018, https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5221.

[3. Notre 1er Communiqué sur la révolte sociale en France du 2 décembre 2018, http://igcl.org/Communique-du-GIGC-sur-la-revolte.

[4. cf. le site du PCI-Le Prolétaire : Aluminerie de Bécancour (ABI, Québec), Après 18 mois de lock-out, tirer les leçons d’une défaite. ((http://pcint.org/01_Positions/01_01_fr/190824_aluminerie-becancour.htm).

[6. cf. sa prise de position sur l’indépendance de la Catalogne : « À défaut, en en restant dans le strict cadre immédiat de la question catalane, le parti prolétarien devrait : dans le cadre de la reconnaissance du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, défendre le droit à une consultation libre des habitants de Catalogne » (https://defensedumarxisme.files.wordpress.com/2017/11/sur_la_catalogne1.pdf).

[7. Bien que très éloigné au plan programmatique et théorique, Nuevo Curso et "son" groupe politique Emancipación qui reprennent à leur compte le concept de Révolution permanente, mettent aussi en avant un "programme" de revendications indépendamment du cours et des nécessités immédiates des luttes (cf. Révolution ou Guerre#12 : http://igcl.org/Lettre-du-GIGC-a-Emancipacion-sur).

[8. À partir de cette date, nous avons recherché l’apparition de comité ouvrier ou de lutte qui aurait pu aussi défendre et diffuser massivement une orientation de classe en cette occasion. À notre connaissance, seul le groupe Matière et révolution est intervenu, certes en surestimant grandement ce mouvement, en appelant à des comités de travailleurs partout et en diffusant des tracts. Malheureusement, il eut été difficile pour nous d’y participer activement dans la mesure où si nous pouvions être d’accord pour « développer l’organisation autonome des travailleurs [et] construire partout des comités dans les entreprises et les quartiers », par contre l’orientation politique qui leur était donné en tant que « moyen de lancer une telle insurrection prolétarienne contre les attaques des capitalistes et de leur État », nous semblait au mieux irréaliste, au pire – si tant est que des "masses" aient suivi ce mot d’ordre – complètement aventuriste et… gauchiste. Voir Gilets jaunes : des comités de travailleurs partout ! (https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5148).

[9On doit ajouter, sans doute, le passage aux 80km/h sur les routes et les amendes qu’il occasionnera.

[10« Les impôts » ! Ils intéressent beaucoup la bourgeoisie, très peu les travailleurs : ce qu’ils paient comme impôts s’incorpore à la longue aux frais de production de la force de travail et doit par conséquent être compensé par les capitalistes. Tous ces points qui nous sont présentés ici comme des questions d’une haute importance pour la classe ouvrière n’intéressent essentiellement que les bourgeois et surtout les petits bourgeois, et, malgré Proudhon, nous soutenons que les travailleurs n’ont pas pour mission de veiller aux intérêts de ces classes. » (Engels, La question du logement, Editions sociales, p.49)

[11Pour plus de détail, voir notre texte sur la politique fiscale du prolétariat.

[12Par exemple, si nous prenons une revendication qui intéresse la classe prolétaire : « l’augmentation du SMIC de 100 euros ». Elle ne fait qu’anticiper et accélérer une promesse de campagne qui devait revaloriser le SMIC d’ici la fin du quinquennat ; elle comprend la revalorisation automatique du SMIC prévue en janvier 2019 ; et pour le reste, elle consiste en une augmentation de la « prime d’activité », qui ne coûtera rien au patronat (donc elle sera payée par l’impôt). Et cette prime ne compte pas dans le calcul des droits à la retraite. Pour les retraites, idem. La baisse de la CSG pour les plus petites retraites laisse intacte la décision de ne plus les indexer sur la hausse des prix, etc.

[13En référence aux élections législatives de l’été 1857.

[16A commencer par les réponses dédaigneusement apportées par le pouvoir aux premières revendications des gilets jaunes. Ainsi, le député Ruffin, reprenant un sentiment populaire, pouvait railler : « Macron, c’est Marie-Antoinette : vous n’arrivez pas à faire votre plein ? Achetez une nouvelle voiture. Vous ne pouvez plus acheter du fioul ? Changez votre chaudière ! »

[17Une mention particulière pour le CCI qui en bon philistin moralisateur condamne notamment : a) la « souillure morale » et les « effluves nauséabondes » du mouvement (https://fr.internationalism.org/ content /9836/mouvement- des-gilets-jaunes-lapolitisme-danger-proletariat) ; b) les pratiques « de guérilla urbaine », en professant doctement que certaines formes de violence « sont totalement inefficaces et ne peuvent que contribuer à l’escalade de la violence, au chaos social (sic !) et au renforcement de l’État policier (sic !) » (https://fr. Internationalism. org/files/fr/suppl_ri_473.pdf) ; c) « l’occupation de « la plus belle avenue du monde »  », laquelle serait notamment l’expression méprisable d’une petite bourgeoisie qui « rêve de s’élever vers les couches supérieures de la bourgeoisie » et envie « la vitrine du luxe capitaliste » ; d) la revendication de la démission de Macron, « symbolisant l’envie d’être Calife à la place du Calife » (https://fr.internationalism.org/content/9799/mouvement-des-gilets-jaunes-contre-attaques-bourgeoisie-proletariat-doit-riposter-facon)

[18A un autre niveau, Jacline Mouraud, une des figures des gilets jaunes, a annoncé la création d’un parti.

[19« S’il leur arrive d’être révolutionnaires, c’est qu’ils se voient exposés à tomber dans la condition des prolétaires, c’est qu’ils défendent non pas leurs intérêts futurs, c’est qu’ils abandonnent la position de leur classe pour adopter celle du prolétariat. » (Marx, Engels, Manifeste du parti communiste, Pléiade, T.1, p.171-172)

[20Dans sa dernière livraison, l’Insee distingue au sein des travailleurs non-salariés (3,2 millions de personnes) les professions non agricoles (2,8 millions). Les micro-entrepreneurs représentent 31% de ces dernières. Les 1,9 millions de non-salariés classiques se répartissent en 43% de gérants majoritaires de sociétés et 57% d’entrepreneurs individuels. La globale croissance des effectifs est due aux micro-entrepreneurs dont le revenu moyen mensuel est de 450 €.

[21« De plus en plus d’organismes de formation demandent aux prestataires d’être autoentrepreneurs » (Témoin cité par Le Monde du 31/1/2019) « De plus en plus de travaux de sous-traitance sont délégués des autoentrepreneurs qui se retrouvent en fin de chaîne et gagnent moins. C’est tout l’artisanat qui se paupérise » (Alain Griset, Président de L’union des entreprises de proximité, cité par Le Monde du 31/1/2019)

[22https://defensedumarxisme.wordpress.com /2015/09/11/telefonica-un-bilan-de-la-greve/

[23Au Royaume-Uni, depuis la crise de 2008, le nombre d’autoentrepreneurs est passé de 3,5 à 4,8 millions de personnes. Près de la moitié des travailleurs du BTP ont ce statut. A cela s’ajoute, un million de contrat zéro heures et de 800 000 intérimaires. (Le Monde, 31/01/2019)

[24La section française de l’AIT, elle-même était composée de nombreux courants où prédominaient les tendances petites-bourgeoises.

[25Seule l’aile gauche des socialistes-révolutionnaires, le parti petit-bourgeois, se détachera et partagera le pouvoir avec les bolchéviks, marquant on ne peut plus clairement que le gouvernement était bien ouvrier et paysan.

[26« Il faut rattacher la revendication de prendre la terre immédiatement à la propagande en faveur de la création de Soviets de députés de salariés agricoles. La révolution démocratique bourgeoise est achevée. Le programme agraire doit être appliqué d’une façon nouvelle. » (p.137) « La tâche des marxistes est d’expliquer aux paysans le programme agraire dont il faut reporter le centre de gravité sur les Soviets de députés des salariés agricoles. Mais tenons-nous prêts à voir la paysannerie faire bloc, le cas échéant, avec la bourgeoisie à l’instar du Soviet des députés ouvriers et soldats. » (Lénine, La conférence de Petrograd-ville du POSDR (b), Avril 1917, Œuvres, Editions sociales, T.24, p.137-138) « Sans chercher à opérer immédiatement et obligatoirement le scission dans les Soviets des députés paysans, le parti de prolétariat doit s’attacher à démontrer la nécessité de soviets distincts de députés de salariés agricoles, ainsi que des soviets distincts de députés de paysans pauvres (semi-prolétaires), ou à tout le moins de conférences permanentes groupant les députés de ces catégories sociales, sous forme de fractions ou de partis distincts au sein des Soviets communs de députés paysans. » (Lénine, Les tâches du prolétariat dans notre révolution, Avril 1917, Œuvres, Editions sociales, T.24, p.64-65) « Pour que les paysans riches - qui sont eux aussi des capitalistes – ne puissent léser et tromper les salariés agricoles et les paysans pauvres, ceux-ci doivent s’unir, se grouper à part, ou bien former leurs propres Soviets de députés des salariés agricoles. » (Lénine, Discours aux soldats du régiment Izmailovski, Avril 1917, Œuvres, Editions sociales, T.24, p.102) « Les ouvriers agricoles et les paysans pauvres, c’est-à-dire ceux qui , ne possédant pas assez de terre, de bétail ou de matériel, tirent partiellement leur moyen de subsistance d’un travail salarié, doivent bander toutes leurs forces pour s’organiser en Soviets indépendants ou en groupe distincts au sein des Soviets communs de paysans, afin de défendre leurs intérêts contre les paysans riches, qui ont forcément tendance à s’unir aux capitalistes et aux grands propriétaires fonciers. » (Lénine, Projet de résolution sur la question agraire ; Premier congrès des députés paysans de Russie, Mai 1917, Œuvres, Editions sociales, T.24, p.498)

[27« L’assimilation du communisme et du juif, développée par les russes blancs, sera également reprise par l’idéologie nazie en même temps qu’elle poussera l’aile la plus perspicace de la bourgeoisie internationale (y compris, à leur manière, les nazis) à favoriser le sionisme afin de donner une base nationale et nationaliste aux aspirations du prolétariat juif. La victoire du sionisme et la perte conséquente de forces juives pour le mouvement communiste sont un des aspects de la contre-révolution » (note du GIGC, extrait de la partie ’coupée’ de l’article de Robin Goodfellow).

[28« D’un autre côté, on voit bien aussi la puérilité des socialistes (notamment les socialistes français, qui veulent prouver que le socialisme est la réalisation des idées de la société bourgeoise exprimées par la Révolution Française), qui démontrent que l’échange et la valeur d’échange sont originellement (dans le temps) ou selon leur concept (dans leur forme adéquate) un système de liberté et d’égalité pour tous, mais qu’ils ont été faussés par l’argent, le capital, etc. Ou encore que l’histoire a fait jusqu’à présent des tentatives manquées pour les accomplir de la façon qui correspond à leur vérité, et qu’ils ont maintenant, par exemple Proudhon, trouvé le vrai Jacob qui fournira l’histoire véritable de ces rapports en remplacement de la fausse. » (Marx, Manuscrits de 1857-1858, Grundrisse, Editions sociales, T.1, p.188)

[29Spontanément on a cependant vu des manifestants étrangers (belges par exemple), venir manifester en France.

[30Très tôt le mouvement a eu comme mot d’ordre : « Macron démission ». La demande de référendum doit se comprendre comme une étape dans le processus de sa révocation.

[31. « Si les travailleurs allemands ne peuvent accéder au pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans traverser un long processus de développement révolutionnaire, du moins ont-ils cette fois la certitude que le premier acte de ce drame révolutionnaire en perspective coïncidera avec la victoire de leur classe en France et s’en trouvera considérablement accéléré. Mais ils doivent faire eux-mêmes le maximum pour leur victoire finale en s’éclairant sur leurs intérêts de classe, en assumant aussitôt que possible leur position de parti indépendant et en refusant de se laisser égarer fût-ce un instant par la phraséologie hypocrite de fraternisation des petits-bourgeois démocratiques tendant à les détourner de l’organisation du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être : « La révolution en permanence ! » (Marx, Adresse au comité central de la ligue des communistes, mars 1850, Pléiade, Politique, p.558-559)

« Lors du dernier débat sur « la position du prolétariat allemand dans la prochaine révolution », des membres de la minorité au sein du comité central ont exprimé des points de vue qui heurtent directement ceux de la dernière circulaire et même du Manifeste. A la vision internationale du Manifeste on a substitué le point de vue national des artisans allemands. Le point de vue matérialiste du Manifeste a cédé le pas à l’idéalisme. Au lieu de rapports réels, la minorité préfère la seule volonté comme force motrice de la révolution.

Alors que nous disons aux ouvriers : il vous faudra peut-être encore passer 15, 20, 50 ans de guerre civile, non seulement pour changer les rapports existants mais aussi pour vous changer vous-mêmes et vous former à la domination politique, vous, au contraire, vous leur dites : nous devons prendre maintenant le pouvoir ou aller nous coucher. Tout comme les démocrates ont abusé du mot ’peuple’, vous utilisez le mot ’prolétariat’ comme une simple phrase. Pour que cette phrase ait un sens, il serait nécessaire de transformer tous les petits bourgeois en prolétaires et, par conséquent, de représenter concrètement les petits bourgeois et non les prolétaires. A l’instar des démocrates, vous avez remplacé le développement révolutionnaire par des phrases sur la révolution. » (Marx, intervention de Marx à une réunion de la ligue des communistes, 15 septembre 1850, MEGA2, I.10, p.578 ou Collected Works, t.10, p.626)

« Une révolution est un processus de longue haleine : cf. 1642-1646, et 1789-1793 - et pour que les conditions soient mûres pour nous comme pour eux, il faut encore que tous les partis intermédiaires arrivent les uns après les autres au pouvoir, et s’y ruinent. Et c’est alors que ce sera notre tour - et même alors il se peut que nous soyions momentanément battus une fois de plus. » (Engels, Lettre à Bernstein, 12-13 juin 1883, in La social-démocratie allemande, p.176-177)