(Février 2015) |
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"Charlie Hebdo", la manifestation de Paris du 11 janvier et Syriza au pouvoir en Grèce...
Le capitalisme provoque le début de confrontations massives avec le prolétariat
La tuerie commise à Paris contre le journal Charlie hebdo et les réactions nationale et internationale qui l’ont suivi, marquent un tournant dans la situation historique. Un avant et un après. Peu importe qui sont les responsables directs – groupes terroristes islamistes – ou indirects – États et services secrets – de ces attentats et la dimension impérialiste qui se trouve derrière : ils sont toujours liés à des forces capitalistes et étatiques. C’est-à-dire à des forces anti-ouvrières. Cet événement dramatique signifie que la bourgeoisie a enclenché une offensive idéologique et politique frontale et massive contre le prolétariat international. Voilà ce qu’illustre la réussite – inédite – de l’organisation de la manifestation de millions de personnes derrière plus de 40 chefs d’État à Paris le 11 janvier [1]. Et voilà ce que vient confirmer l’émergence médiatique de gauches "radicales" européennes suite à la venue au pouvoir du parti d’extrême-gauche Syriza en Grèce.
Acculée par l’aggravation inexorable de sa crise économique et par l’exacerbation des rivalités impérialistes, la bourgeoisie n’a d’autre choix que d’engager des confrontations massives avec le prolétariat international pour aller vers une nouvelle guerre mondiale. Bien que les grandes masses de la classe exploitée et révolutionnaire à la fois restent encore sensibles à l’idéologie bourgeoise, elles n’adhèrent pas vraiment ni se rangent derrière aucune mystification ou mots d’ordre particulier, ni ne se regroupent derrière les États capitalistes [2]. L’adhésion et une unité nationale minimum du prolétariat derrière chaque bourgeoisie sont les conditions pour que le capital puisse s’engager dans une marche à la guerre impérialiste généralisée. Elles ne pourront être atteintes qu’après une défaite historique de la classe ouvrière. Une défaite historique ? Cela veut dire au prix d’une défaite idéologique, politique et "physique", c’est-à-dire sanglante. Comme dans les années 1920 et 1930 qui ont précipité le monde dans l’horreur et la barbarie de la 2e Guerre mondiale.
Nous n’en sommes pas là. La classe ouvrière continue à développer une dynamique de luttes contre les effets de la crise économique. À ce titre, elle représente un obstacle majeur pour la classe capitaliste. Beaucoup parmi les ouvriers combatifs et parmi les révolutionnaires en doutent. Le scepticisme des uns et des autres se trouve renforcé, et apparemment fondé, sur le peu de nouvelles des luttes ouvrières au niveau international. La censure des médias n’est pas un vain mot, une dénonciation de principe, sans conséquences pratiques. Elle participe directement du sentiment d’impuissance ou d’isolement que peuvent ressentir individuellement des millions d’ouvriers ; et en passant elle renforce les doutes des plus combatifs et des communistes sur la force réelle, pratique, en mouvement, du prolétariat.
Pourtant la réalité est bien différente du sentiment immédiat. Il suffit de ramasser les nouvelles internationales de ces derniers mois [3] pour constater que des millions et des millions de travailleurs ont participé à des degrés divers à des mobilisations et luttes sur tous les continents. Que ces mobilisations, grèves, manifestations, journées d’action appelées par les syndicats, etc. n’aient pas réussi à empêcher la bourgeoisie de poursuivre sa politique anti-ouvrière, ne serait-ce qu’au niveau de ses attaques économiques, nous n’en doutons pas. Par contre, ces mobilisations ont bien existé. Elles sont une réalité.
C’est bien à cette réalité-là que répond la mise au premier plan d’une gauche radicale européenne – Podemos en Espagne, Front de Gauche en France, Die Linke en Allemagne... – suite à la victoire électorale de Syriza en Grèce. Cette réponse politique bourgeoise à la combativité réelle de la classe ouvrière – en particulier en Grèce et en Espagne depuis la crise de 2008 – est le deuxième acte de l’offensive frontale que la bourgeoisie internationale [4] a décidé de lancer contre le prolétariat au niveau européen et international. Et cela 15 jours après la grande manifestation d’unité nationale de Paris. Le fait qu’elle soit obligée, pour mener cette offensive, de mettre au premier plan des partis "d’extrême gauche" illustre la réalité et les potentialités des luttes ouvrières d’aujourd’hui.
La bourgeoisie européenne sait bien que la dette grecque ne sera jamais remboursée. Elle peut donc se payer le "luxe" de laisser Syriza venir au pouvoir en Grèce, puissance capitaliste relativement périphérique et secondaire, si elle réussit à rendre crédible au niveau européen les autres partis "radicaux" de gauche. D’autant que Syriza n’aura d’autre choix que de mener la même politique anti-ouvrière que les gouvernements grecs précédents. Par contre, Syriza et la médiatisation internationale de Podemos permettent de faire miroiter une alternative politique "radicale" de gauche, mais non moins bourgeoise, derrière l’État démocratique capitaliste au niveau européen au moment même où les grandes masses de prolétaires votent de moins en moins, s’éloignent du terrain démocratique bourgeois, et luttent de plus en plus, s’ancrent sur leur terrain de classe.
Les confrontations sont engagées donc. Au prolétariat de hisser son combat au niveau politique contre l’État et son appareil, particulièrement politique (de gauche et gauchiste) et syndical. Pour cela, impulsé par ses minorités les plus combatives, il doit assumer l’organisation de l’extension et de l’unité de ses luttes contre les manœuvres syndicales et gauchistes. Pour cela, les minorités révolutionnaires organisées et, en première ligne, les groupes communistes doivent développer une intervention politique générale – contre toutes les manœuvres idéologiques et politiques des États capitalistes – et particulière dans les luttes ouvrières pour assumer et matérialiser la direction politique derrière laquelle le prolétariat dans son ensemble pourra se regrouper, s’opposer de toutes ses forces et finalement détruire le capitalisme.
Le GIGC, 28 janvier 2015
Notes:
[1] . cf. notre texte Une nouvelle période s’ouvre... .
[2] . La participation massive à la manifestation parisienne n’infirme en rien notre constat : la bourgeoisie française a réussi un coup politique immédiat en rassemblant des millions de citoyens, beaucoup sociologiquement ouvriers, mais sans adhésion et sans sentiment mystifié d’appartenance à la classe ouvrière contrairement aux fronts populaires dans les années 1930 par exemple.
[3] . cf. notre article Luttes ouvrières dans le monde.
[4] . C’est le cas, dans une moindre mesure, du parti Québec Solidaire dans la province de Québec du Canada.