Révolution ou Guerre n°15

(16 mai 2020)

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Communiqué du 15 mars 2020

Non à l’union nationale face à la pandémie provoquée par le capitalisme !
Non aux sacrifices pour la sauvegarde du capital !
Ce n’est pas aux prolétaires de payer pour le coronavirus et la crise !
(GIGC, 15 mars 2020)

Outre notre prise de position, nous invitons les lecteurs à prendre connaissance des communiqués publiés le 11 mars par le PCI-Le Prolétaire (pcint.org) et le 14 par le groupe Émancipation (Nuevo Curso) et de l’article de la Tendance Communiste Internationaliste, Italie : lutte de classe au temps du coronavirus [en anglais et italien pour l’heure], sur lesquelles nous nous appuyons en grande partie et que nous citons tous ci-après. Toutes ces prises de position vont dans le même sens pour dénoncer la pandémie comme produit du capitalisme et les appels à l’union nationale et pour soutenir les quelques réactions prolétariennes qui se sont exprimées – particulièrement en Italie. Elles appellent l’ensemble du prolétariat international à suivre cet exemple. Que, malgré leurs divergences, parfois profondes, différents groupes communistes parmi les plus actifs du camp ’partidiste’, qu’ils se revendiquent directement de la Gauche communiste ou non, puissent intervenir du même côté de la barricade de classe est important à souligner et saluer.

Face à la pandémie de coronavirus, les discours de Trump, Macron, Trudeau, Merkel, Poutine, Xi Jinping et autres dirigeants impérialistes se ressemblent tous. Ce sont des appels à la solidarité nationale [1] tout en renforçant le contrôle policier des populations au nom des mesures d’isolement et de quarantaine. Enlevez le mot coronavirus et épidémie et mettez-y appel à la défense guerrière de la nation et c’est la réalité qui s’en vient. De fait, un véritable couvre-feu a été instauré dans des pays comme la Chine, l’Italie, l’Espagne, voire la France visant avant tout à contrôler la population...

Le coronavirus fait éclater la crise économique capitaliste

Les attaques économiques et politiques contre le prolétariat ne peuvent que redoubler du fait de l’éclatement de la crise économique, récession et crise financière, dont le coronavirus n’est que le facteur exogène, un accident, crise qui non seulement était prévu pour 2020-2021 selon bien des économistes bourgeois mais dès le début janvier 2020 selon les indices économiques qui indiquaient un ralentissement. Lors des crises économiques précédentes, l’or était un refuge pour des spéculateurs, ce n’est même plus le cas. La BCE [2] dit qu’elle ne peut utiliser tous les moyens comme lors de la crise de 2008 – la politique des taux négatifs et le Quantitave Easing ont leurs limites – mais seulement quelque uns.

Dans l’immédiat, la guerre commerciale continue toujours, par exemple Trudeau va fournir un montant de 275 millions de dollars aux chercheurs canadiens pour trouver un vaccin. Chaque puissance impérialiste cherche à le trouver en premier. Entendu à la télé française le 14 mars : « la recherche sur le vaccin ne sera rentable que si l’épidémie se poursuit ». Comme l’écrivait Engels dans son introduction à Dialectique de la nature « la division du travail, qui en limitant plus ou moins chacun à sa propre spécialité [nous pourrions ajouter à son propre pays], privait la plupart des chercheurs de la faculté de les voir ensemble. »

Le coronavirus révèle la perspective capitaliste de guerre impérialiste généralisée

« La fermeture des frontières entre les nations est la démonstration supplémentaire que les bourgeoisies des différents pays raisonnent de la même manière : elles pensent avant tout à défendre leurs économies, leurs affaires, accusant les autres pays d’être les porteurs de maladies, les traitant comme des ’agresseurs’ contre lesquels il faut se défendre comme en temps de guerre : l’agresseur, c’est toujours l’autre » (Communiqué du PCI-Le Prolétaire, 11 mars 2020, pcint.org).

La pandémie permet des appels à des retours à des économies nationales "moins mondialisées". Par exemple Trump qui ferme la frontière américaine aux européens à l’exception du Royaume-Uni dans un premier temps (on le sait bien le coronavirus n’infecte pas les britanniques). C’est encore un pas vers la polarisation impérialiste. Quant à Macron, il veut renforcer le poids de l’impérialisme français en Europe en critiquant le nationalisme d’autres pays européens et en prônant, une nouvelle fois, un renforcement de l’Union européenne, du moins de son noyau dur, aujourd’hui au nom de la recherche scientifique européenne. Dans la même lignée, l’ancien Premier ministre italien, Mateo Renzi, pour qui « le coronavirus sera un changement d’époque pour l’Europe », appelle à la « recentralisation des services de santé (…) et aux investissements d’infrastructures que l’Europe nécessite » (interview sur la radio française RTL, le 12 mars). L’abandon du sacro-saint dogme allemand de déficits budgétaires à zéro (officialisé par Merkel), les déclarations sur la nécessité de "relocaliser" des secteurs clés des productions nationales, les mesures de protectionnisme, l’explosion des déficits et des dettes d’État comme jamais, que les États sont en train de prendre dans l’urgence, etc., reviennent à concentrer et orienter les appareils de production autour des États et de la défense économique et impérialiste de chaque capital national en opposition aux autres, quitte à se regrouper dans des alliances étroites, autre caractéristique de la polarisation impérialiste, comme dans le cas des principales puissances du continent européen. Car la pandémie de coronavirus et la crise qu’elle fait éclater sont aussi l’occasion, pour la première, et un moment, pour la seconde, d’un renforcement des tensions impérialistes et de la marche vers la guerre généralisée.

Le capitalisme incapable de contrôler et enrayer le coronavirus

Il faut se demander pourquoi cette panique chez tous les gouvernements. Il y a eu tellement de coupures dans les services de santé et d’éducation que la situation sanitaire était particulièrement catastrophique avant la pandémie. Rappelons qu’en France, des médecins et infirmières épuisés demandaient l’augmentation des budgets de santé. Et cet automne, Macron loin de les soutenir comme il le fait hypocritement actuellement leur a envoyé les CRS pour les gazer. À l’heure même où nous écrivons, plus de deux mois avant le début de la pandémie, le capitalisme n’est toujours pas capable de fournir suffisamment de masques de protection aux populations les plus en danger ! Alors n’évoquons même pas la carence de respirateurs pour les malades atteints de pneumonie aiguë. Tout comme ce fut déjà le cas en Chine et en Italie, les spécialistes de la santé évoquent le risque de devoir choisir entre les malades, y compris dans les pays centraux du capitalisme, entre ceux pouvant bénéficier des soins d’urgence et ceux que l’on renverra mourir chez eux ou dans la rue ! Alors que la bourgeoisie est capable de mobiliser des milliards pour sauver les banques ou envoyer une armada bombarder des pays entiers.

Une fois la pandémie terminée, l’hypocrisie et les louanges des politiciens cesseront et les attaques contre les travailleurs de la santé reprendront de plus belle. Autre exemple depuis des années : il faut attendre plusieurs heures dans une salle d’urgence avant de voir un médecin au Québec. Les employés des services de santé dans la majorité des pays sont épuisés ou en congé maladie avec les coupures de budget. Une augmentation des cas graves d’infection comme c’est le cas en Italie a entraîné l’effondrement du système de santé en l’absence de moyens, lits d’hôpital, respirateurs et de personnel.

Le seul remède du capital : relancer les attaques contre le prolétariat

Les mesures draconiennes mises en œuvre dans certains pays dans le seul but apparent de ralentir la propagation du virus sont un avant-goût des mesures qui pourraient être mises en place pour contrer les mouvements anti-guerre ou la faillite des États qui ne pourraient plus payer les fonctionnaires et les enseignants. Dans de nombreux pays, les rassemblements de 1000 à 100 personnes sont interdits. D’autres pays vont encore plus loin, comme la Chine et l’Italie, avec des mesures de confinement obligatoires qui touchent des villes et des régions entières de dizaines de millions de personnes. Malgré le confinement, l’exception notable à la règle de rester chez soi est celle de continuer à produire dans les usines pour produire des biens non essentiels et de luxe malgré le coût certain que cela aura en termes de vies humaines, car les profits de la classe dirigeante sont plus importants que les risques énormes de décès dus à l’engorgement des hôpitaux et au dépassement de la capacité à fournir des soins aux cas critiques.

« C’est en fait la prévention sociale que la bourgeoisie met en œuvre pour défendre son pouvoir, sa domination, ses privilèges. Si, d’un côté, elle montre qu’elle n’a pas la capacité de prévenir les épidémies et d’empêcher ces maladies de se propager rapidement dans le monde entier, cachant pour des raisons d’intérêt purement économique – comme cela a été démontré de façon irréfutable – la gravité de la maladie lors de son apparition, de l’autre côté, elle révèle qu’elle a un objectif bien différent de celui proclamé hypocritement de la "défense de la santé publique" : la défense de l’économie capitaliste, à un moment où la crise économique a déjà frappé aux portes de la Chine, de l’Italie, de l’Allemagne et donc de l’Europe toute entière. La militarisation de la société va dans ce sens et l’Italie, dans ce cas, peut servir d’école aux autres pays "démocratiques". » (Communiqué du PCI, op. cit).

La propagande étatique sur le coronavirus dédouane le capitalisme pour l’éclatement de la crise économique et justifie ainsi les attaques redoublées contre la classe ouvrière. En effet, les appels à l’union nationale cachent difficilement le fait que l’épidémie ne fait qu’exacerber encore plus les contradictions de classe et l’exploitation du prolétariat par la bourgeoisie. En Italie par exemple, dans les quartiers ouvriers, les prolétaires sont livrés à eux-mêmes ; les mesures de prévention ne sont pas appliquées ; les expulsions de locataires continuent d’être appliquées ; les employés des bars et des restos, les guides touristiques, les enseignants suppléants, etc. sont sans revenus et pour une période indéterminée, malgré cela ils doivent continuer à payer loyer, nourriture, médicaments, désinfectant, etc.

« L’épidémie au coronavirus, récemment requalifiée par l’OMS en pandémie car elle affecte tous les continents, montre aujourd’hui comment la classe dirigeante bourgeoise utilise un événement de ce type pour appliquer – dans une période de difficultés économiques particulières pour beaucoup de puissances mondiales – une politique directement anti-prolétarienne  » (ibid.).

Union nationale ou lutte contre le capital ?

« En dehors du lieu de travail, tout le monde reste à la maison autant que possible, en portant des masques à l’extérieur, en se tenant à des distances "de sécurité" ou en quarantaine. En revanche, dans les usines surpeuplées, où l’information est insuffisante, les vestiaires sont surpeuplés et il n’y a pas de désinfection. Apparemment, il est beaucoup trop coûteux pour les patrons de se conformer aux instructions sur les soins de santé : et il est ’irresponsable’ de la part des travailleurs de les exiger. (...) Une image évocatrice de cette situation est le bus de 5 heures du matin qui, bondé de gens empilés les uns sur les autres, emmène les travailleurs à l’usine pétrochimique de Marghera, près de Venise. De nombreux cas de travailleurs ont été menacés de licenciement pour avoir simplement demandé l’application de la réglementation sur les coronavirus. » (Italie, lutte de classe au temps du coronavirus, Tendance Communiste Internationaliste [3] traduit par nous de l’anglais).

Dans ce contexte comment le prolétariat peut-il lutter ? Les États dans l’espoir d’empêcher une résistance limitent les rassemblements par exemple à 100 personnes en France, à 250 au Québec. Le prolétariat devra aussi faire face aux syndicats qui, comme lors des guerres, appuient leur bourgeoisie. Un petit exemple la première rencontre du Front commun de base [4] samedi à Montréal a été annulée. Malgré tout et dans le contexte italien, « le message des patrons est le suivant : "Taisez-vous et travaillez même si nous ne pouvons pas vous offrir les conditions minimales pour garantir votre santé". C’est apparemment le slogan des patrons partout, qui a déclenché les grèves spontanées dans le Piémont, la Ligurie, la Lombardie, la Vénétie, l’Émilie-Romagne, la Toscane, l’Ombrie et les Pouilles. Des centaines d’usines ont cessé de fonctionner. (…) Nous condamnons les patrons et appuyons et relayons les revendications des tous les travailleurs : personne ne devrait travailler si sa santé est mise en danger ! » (ibid.).

Dans son interview, cité plus haut, Mateo Renzi priait les autres bourgeoisies européennes de « ne pas faire les erreurs que nous avons commises en Italie ». À la lumière de ce que les sections du PCI et de la TCI en Italie nous apprennent, nous comprenons mieux le sens profond de l’avertissement d’autant qu’il s’empressait d’ajouter qu’il convenait de « bloquer les manifestations publiques les plus importantes ». L’avertissement de l’ancien Premier ministre italien ne visait pas seulement la seule extension de la pandémie mais aussi la possible explosion de réactions ouvrières et populaires. Sans doute se basait-il aussi sur les quelques manifestations hostiles au gouvernement chinois que la presse n’a pu complètement taire.

Même dans l’urgence face à une pandémie provoquée par les conditions mêmes de l’exploitation capitaliste et la circulation des marchandises, la réalité des capacités productives d’aujourd’hui, que le capitalisme a poussées comme jamais, permettrait de réduire la production, dans le but d’éviter que les prolétaires attrapent le virus au travail et dans les transports, tout en continuant à assurer le bien-être matériel de la population mondiale. D’autant qu’elle permettrait tout autant de produire masques de protection, appareils respirateurs, d’accueillir les malades en état critique, etc., si l’ensemble des moyens à disposition visait à la bonne santé générale. Mais pour cela, il faudrait abandonner les besoins de l’accumulation du capital et réduire considérablement le sur-travail, la plus-value, extorqué aux prolétaires par le capital lui-même. Voilà pourquoi les appels à l’union nationale ne sont en aucun cas une réponse à la pandémie. Voilà pourquoi la lutte du prolétariat est la voie. Tout comme la guerre impérialiste ou la crise, une pandémie ne met pas entre parenthèses la lutte des classes. La bourgeoisie elle-même nous le prouve encore aujourd’hui.

Ce n’est pas aux prolétaires de payer pour la paralysie de la production du fait de la pandémie et pour la crise. Voilà pourquoi nous faisons nôtre une grande partie du communiqué du 14 mars réalisé par le groupe Émancipation (emancipacion.info), dont l’organe d’intervention en espagnol est plus connu sous le nom de Nuevo Curso. Nous soumettons à la réflexion de tous les mots d’ordre et revendications que les camarades mettent en avant dans la situation actuelle.

« Ne pas fermer les usines et les lieux de travail, même lorsqu’ils deviennent des foyers de propagation du coronavirus, équivaut à envoyer des travailleurs se faire infecter par une maladie grave. Proposer un licenciement temporaire ou total comme seule alternative est un chantage criminel. (...)

Mais si la propagation s’est multipliée, c’est parce que les priorités des bourgeoisies de chaque pays et de leurs gouvernements sont axées sur le maintien de l’ordre social, la prévention de la dévaluation de leur capital national et la tentative de maintenir la production « normale » par inertie. Leur idéal est que nous obéissions sans critique aux diktats de chaque instant et que nous ne nous inquiétions pas et ne nous plaignions pas, mais que nous restions « unis » aussi longtemps qu’ils le jugent nécessaire à la production de profits. Nous ne pouvons pas accepter cela. Le risque pour les familles de travailleurs et la population en général est trop élevé. C’est pourquoi il est temps de faire grève dans tous les lieux de travail qui ne sont pas dédiés à la production indispensable et à demander :

- La fermeture de toute production non essentielle et la mise en place d’un confinement général ;

- L’annulation de tous les licenciements, tant permanents que temporaires, et l’indemnisation des travailleurs sous forme de congés médicaux pendant toute la période d’enfermement ;

- L’extension des tests à toute la population présentant des symptômes ;

- Le renforcement urgent des équipes médicales et sanitaires, et la mise en place d’un nombre suffisamment important de structures d’urgence et d’hôpitaux pour permettre le suivi et l’isolement des patients à risque. » (Communiqué du 14 mars du groupe politique Émancipation (emancipacion.info), plus connu sous le nom de son organe d’intervention Nuevo Curso, http://fr.emancipacion.info/coronavirus-sauver-des-vies-pas-des-investissements/).

Le GIGC, le 15 mars 2020.

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Notes:

[1. Des discours semblables à ceux lors des attentats de Paris à Charlie hebdo, 7 janvier 2015.

[2. Banque Centrale Européenne

[4. Des syndicalistes qui se veulent critiques des directions syndicales seulement.