Révolution ou Guerre n°3

(Février 2015)

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Réunion publique du groupe Critique Sociale (Paris, octobre 2014) : Rosa Luxemburg, comme Lénine, défend le parti prolétarien contre la démocratie bourgeoise

Le 18 octobre 2014 à Paris, le groupe politique Critique Sociale (CS) organisait une réunion publique à l’occasion de la publication du volume 4 des œuvres complètes de Rosa Luxemburg par les Éditions Smolny. Ce volume contient en particulier le livre qu’elle écrivit en prison, en 1915, La crise de la Social-démocratie (ou Brochure de Junius). Avant tout salué par Lénine, malgré sa critique, comme « excellent ouvrage marxiste », Junius dénonce le caractère impérialiste de la 1ère Guerre mondiale et la trahison de l’internationalisme prolétarien par les partis social-démocrates de la 2ème Internationale. Ses leçons politiques sont toujours d’actualité à l’heure où, crise économique oblige, les rivalités et les guerres impérialistes s’exacerbent comme prélude à une 3ème guerre impérialiste généralisée si le prolétariat international ne réussit pas à s’y opposer et à abattre le capitalisme. En affirmant clairement l’alternative historique guerre ou révolution, Junius reste donc l’enjeu d’un combat politique entre les classes : « Nous sommes placés devant ce choix : ou bien triomphe de l’impérialisme (...) ; ou bien victoire du socialisme » ; un « ou bien-ou bien », insiste R.Luxemburg, qui exclut toute autre 3ème voie telle une issue ou progression pacifique au socialisme. Mais pour pouvoir faire siennes les leçons politiques de Junius, encore faut-il savoir reconnaître la place de son auteur dans le combat de la Gauche marxiste et des courants politiques qui l’ont incarnée. Or depuis la théorisation opportuniste, puis stalinienne, du "léninisme", après la mort de Lénine, l’opportunisme politique n’a eu de cesse d’opposer une R. Luxemburg "démocrate" anti-parti politique contre un Lénine "dictateur" pro-parti au point que des forces politiques de gauche clairement bourgeoises, tels les PS, n’ont pas hésité – quelle honte, eux qui l’ont assassinée ! – à reprendre cette mystification à leur compte. Derrière le dogme du "léninisme" et son double "luxemburgisme", ce sont l’expérience et les leçons politiques de la révolution russe de 1917 que les deux "ismes" liquident.

La présentation faite par CS qui se revendique du… "luxemburgisme", passa complètement sous silence le fait que l’essentiel du combat de R. Luxemburg se développa aux côtés des autres gauches du mouvement ouvrier et en particulier aux côtés des bolcheviques et de Lénine sur les questions de principes, y compris celle sur le parti « guide du prolétariat » (Brochure de Junius). Pour notre part, le GIGC, nous sommes intervenus immédiatement pour marquer l’unité du combat mené par celle-ci et Lénine (pour nous limiter à ces deux figures qui ne sont, en dernière instance, que les expressions les plus hautes de courants politiques de la gauche marxiste). Nous avons cité Bilan #27 (revue de la fraction italienne dans les années 1930) qui rejette « les spéculations honteuses qui (…) proclame[nt] la faillite du "léninisme" et le triomphe du "luxemburgisme" » . À chaque affrontement de classe d’importance, que ce soit au plan théorique et politique, R. Luxemburg et Lénine, malgré leurs désaccords ponctuels, se sont toujours retrouvés du même côté de la barricade : tant dans la lutte contre l’opportunisme et pour la défense de l’internationalisme prolétarien (contre Bernstein et au congrès de Stuttgart en 1907) au sein de la 2ème internationale, que face à l’éclatement de la guerre et à la mort de l’Internationale en 1914, ou encore face à la révolution russe qu’elle saluait et soutenait avant d’émettre ses critiques. Ce n’est que sur la base de cette unité de classe entre les deux figures et leurs courants respectifs que les enseignements de Junius viennent annoncer l’expérience russe de 1917 : « guerre à la guerre » lance-t-elle dans Junius ce qui, avec l’apport inestimable de son parti politique, ne peut signifier qu’affrontement massif du prolétariat aux États et gouvernements, insurrection ouvrière, destruction de l’État bourgeois et exercice de la dictature du prolétariat.

Nous ne pouvons ici retracer toutes les interventions durant le débat qui a suivi. La plupart d’entre elles se sont centrées sur le combat pour ou contre l’unité Luxemburg-Lénine. CS et d’autres intervenants s’insurgeant contre celle-ci jusqu’à citer Rosa – hors contexte – qui aurait accusé Lénine d’être un dictateur ; ou bien encore s’appuyant sur le fait qu’à un certain moment, elle s’était opposée à la constitution de l’IC ; ce qui, selon CS, faisait que celle-ci n’avait pas été une internationale (!). Un autre camarade, ancien du CCI, en vint à spéculer sur ce qu’elle aurait dit si elle n’avait pas été tuée en janvier 1919 et avait vu la "terreur bolchevique" ! Bref, l’argument principal des "luxemburgistes" étant encore et encore la vieille antienne et mystification démocratique, hors de toute considération historique et de classe, contre l’insurrection ouvrière et la dictature du prolétariat, contre la nécessité du parti communiste. Celle-là même qui, conséquence pratique, les amène dans les combats ouvriers d’aujourd’hui à faire l’apologie du démocratisme formel des mouvements "indignés" et autres "occupy" et à tomber dans le fétichisme assembléiste et a-politique.

Plusieurs interventions vinrent par la suite se ranger à nos côtés : nous retiendrons en particulier l’intervention de la délégation du CCI qui ironisa, justement, sur ceux qui veulent nous présenter une "gentille démocrate Rosa Luxemburg" contre un "méchant dictateur Lénine". Ceux qui veulent séparer les deux font fausse route : ce qui les unissait était un internationalisme prolétarien conséquent. Enfin, cette intervention, que nous saluons – une fois n’est pas coutume – pour sa justesse politique se termina par l’affirmation que Rosa Luxemburg était avant tout une "femme d’organisation"… précisément ce que les apôtres du "luxemburgisme", conseillistes et aussi anarchistes, veulent ignorer et rejeter pour faire de Rosa un grand défenseur de la ’démocratie’, pour l’assassiner une fois de plus.

C’est précisèment ce que l’histoire et Rosa Luxemburg elle-même démentent on ne peut plus clairement : « Compte tenu de la trahison des représentations officielles des partis socialistes (…), il est d’une nécessité vitale pour le socialisme de créer une nouvelle Internationale ouvrière qui se charge de diriger et de coordonner la lutte de classe révolutionnaire menée contre l’impérialisme dans tous les pays » (Thèses sur les tâches de la social-démocratie présentées en annexe à la Brochure de Junius et rédigées par Rosa Luxemburg, nous soulignons).

RL.

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