Révolution ou Guerre n°3

(Février 2015)

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L’importance actuelle des groupes de la Gauche communiste

Il est une mode actuellement dans le milieu politique prolétarien de sous-estimer, voire nier l’importance des groupes existants de la gauche communiste. Que ce soit en proclamant la faillite de la gauche communiste, en dilapidant ses principes un après l’autre ou encore en refusant de prendre ses responsabilités d’avant-garde politique de la classe ouvrière. Il est clair que le courant politique représenté par la gauche communiste est rempli de faiblesses importantes. Mais jamais ces faiblesses, qu’elles soient d’ordre politique ou “numérique”, ne doivent entamer ce principe selon lequel les groupes politiques se réclamant de la tradition de la gauche communiste doivent, sont et seront à la pointe de la lutte pour le regroupement des révolutonnaires en parti de classe.

Le prolétariat, de par le monde, profite d’une situation politique relativement favorable. Sa résistance à l’austérité capitaliste est indéniable. Bien sûr, il n’y a jamais de grandes victoires économiques et politiques. Mais peut-il réellement y avoir des victoires sur le plan économique à long terme pour les prolétaires dans le capitalisme en décadence ? La seule victoire réelle résultant d’une lutte est l’organisation de plus en plus large du prolétariat du point de vue politique, donc du point de vue du développement de sa conscience de classe, en vue d’attaquer révolutionnairement le capitalisme. Les groupes de la gauche communiste sont le facteur principal de l’extension de l’organisation du prolétariat. Ainsi, leur importance ne peut être niée ou amoindrie.

1. Faiblesses réelles de la gauche communiste

1.1 Faiblesses politiques

Il y a des faiblesses politiques réelles dans la gauche actuelle. L’une de ses organisations la plus importante historiquement, le Courant Communiste international, dilapide ses principes politiques sans gêne. Manquant ici de place pour traiter de ce sujet, le lecteur peut se référer à nos précédents numéros pour s’informer. [1] Le deuxième courant politique de la tradition de la gauche communiste, la Tendance Communiste internationaliste, bien que saine politiquement, se refuse à jouer le rôle qui lui revient objectivement, c’est-à-dire un rôle de point de référence pour les militants et les groupes politiques s’intéressant et s’approchant de la gauche. Au contraire, elle tend à ne vouloir que constituer sa propre chapelle sans se confronter aux autres courants politiques.

En résulte une situation où pour des militants ou groupes plus ou moins isolés, il est difficile de s’identifier à la vraie tradition historique de la gauche communiste représentée par le CCI et la TCI, tradition clairement pour le regroupement des révolutionnaires en parti de classe. L’envers de la médaille, c’est que cette situation laisse toute la place à tous les courants anti-parti semi-anarchistes, conseillistes, académistes et ultra-gauches. Pire, ces courants semi-anarchistes ont une certaine influence plus ou moins marquée dans les organisations traditionnelles de la gauche communiste au point où ces dernières, le CCI et la TCI, deviennent de plus en plus sympathiques à l’anarchisme. [2] Il n’est donc pas surprenant que l’importance de la question du parti de classe en prenne un coup et avec elle le devoir pour les militants de tendre à se regrouper en parti politique.

1.2 faiblesses numériques

L’époque des partis ouvriers de masse s’est terminée avec la trahison de la 2e Internationale. Les fractions de gauche de la social-démocratie ont su tiré les leçons nécessaires de cette trahison afin de restaurer le programme communiste et constituer ultérieurement une nouvelle internationale. Parmi ces leçons, il y avait par exemple le rejet du parlementarisme et du syndicalisme, mais aussi le rejet du corollaire des deux premiers : le parti de masse aux coutours flous. Avec la naissance de l’Internationale Communiste, ce fut la victoire du principe selon lequel le parti de classe choisit rigoureusement ses militants selon un programme clair. Bref, c’était la victoire du parti de militants contre le parti d’électeurs. Cela a comme conséquence superficielle que l’organisation politique du prolétariat est plus restreinte en termes numériques.

La taille de l’organisme prolétarien est aussi intimement reliée au cours historique de la lutte de classe. Sans être un lien mécanique, voire automatique, le nombre de militants tend à croître en période de lutte ouverte et à décroître en période de défaite pour la classe ouvrière. Ce fut le cas pour les groupes de la gauche communiste pendant et au sortir de la 2e Guerre mondiale. Leur nombre et leur présence politique étaient réduits à leur plus simple expression. Est-ce à dire que ces groupes n’étaient rien et n’avaient aucune influence sur la classe ? Si on prend le point de vue immédiatiste, en effet, on peut penser que ces groupes n’ont eu aucune influence. Mais si on considère le point de vue historique, on s’aperçoit vite de l’immense importance de ces groupes. Non seulement les groupes actuels de la gauche communiste leur doivent leur existence, mais encore plus les leçons politiques tirées par ces groupes nous ont été laissées en héritage. « Dans une telle période, seuls peuvent subsister de petits groupes révolutionnaires assurant une solution de continuité, moins organisationnelle qu’idéologique, condensant en leur sein l’expérience passée du mouvement et de la lutte de la classe, présentant le trait d’union entre le parti d’hier et celui de demain, entre le point culminant de la lutte et de la maturité de la conscience de classe dans la période de flux passé vers son dépassement dans la nouvelle période de flux dans l’avenir. Dans ces groupes, se poursuit la vie idéologique de la classe, l’auto-critique de ses luttes, le réexamen critique de ses idées antérieures, l’élaboration continue de son programme, la maturation de sa conscience et la formation de nouveaux cadres de militants pour la prochaine étape de son assaut révolutionnaire. » [3]

Mai 68 représente pour le prolétariat un réveil politique. C’est la fin de la contre-révolution et on voit la réemergence d’une certaine conscience de classe dont le processus de formation ne fut évidemment pas linéaire. Parallèlement, ce fut aussi l’émergence, la formation et la consolidation des deux tendances contemporaines de la gauche communiste, le CCI et le BIPR [4]. Malheureusement pour le premier courant, un creux dans la lutte de classe aux environ des années ’90-2000 a fait en sorte que la génération de ’68 s’est essoufflée, au point où actuellement, il y a plus “d’anciens du CCI” que de militants encore dans le CCI. Le problème est que les anciens du CCI, par manque de conviction politique, soit ont rejoint le milieu semi-anarchiste décrit plus haut ou ont cessé tout militantisme. Donc, c’est une réalité que les effectifs de la gauche communiste en général et du courant politique “cciste” en particulier se résument à une peau de chagrin.

2. Rôle des révolutionnaires et son importance

2.1 militant actif, partie-prenante, de la lutte de classe

Si le rôle des groupes de la gauche communiste était seulement d’influencer politiquement le plus de prolétaires possible, il est vrai que nous serions loin de notre but. Mais ce serait adopter un point de vue immédiatiste dangereux. Du point de vue historique et du point de vue de la construction du parti de classe, notre importance se situe dans le pont que nous [5] représentons entre les courants traditionnels, CCI et TCI, et le parti de demain. Et nous sommes d’autant plus importants vu notre nombre réduit. Nous disions d’ailleurs dans notre premier numéro de notre revue : « Porteurs conscients de la perspective communiste et organisés en conséquence, garants de la voie et des moyens menant à ce devenir révolutionnaire, la réalité de leur influence et de leur présence, et tout spécialement l’existence réelle du parti, dans la classe ouvrière est à son tour une expression de la réalité du rapport de forces entre les classes et du degré d’extension de la conscience de classe. Mais de reflet ou produit d’un rapport de force historique entre les classes, les expressions les plus hautes de la conscience de classe doivent devenir un facteur actif et premier de celle-ci et de l’évolution de ce rapport de forces en assumant et en luttant pour la direction politique de leur classe. (…) Voilà pourquoi, dès aujourd’hui, il est de la responsabilité particulière de cette minorité politique de tendre à unir ses forces, non seulement pour influer le plus possible sur les combats actuels du prolétariat, mais surtout pour participer à préparer la formation du futur parti de classe international et internationaliste. » [6]

On ne peut prédire avec certitude que la formation du futur parti de classe sera impulsée par les groupes actuels de la gauche communiste tant leurs faiblesses sont réelles. Il se peut en effet qu’une situation insurrectionnelle ou de double pouvoir surgisse sans parti international préalablement préparé politiquement. Bien que possible [7], cette situation n’est vraiment pas souhaitable. Les groupes de la gauche communiste représentent un héritage. Cet héritage, ce sont les leçons politiques accumulées lors de centaines d’années de lutte de classe. « (...) Du point de vue théorique, ils ont sur le reste de la masse prolétarienne l’avantage de comprendre les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement ouvrier », comme le disait le Manifeste Communiste de Marx et Engels. Il n’est pas question d’opposer une supposée avant-garde omnisciente à une masse prolétaire bête. Seulement, la gauche communiste cristallise l’expérience politique de militants et groupes ouvriers qui ont déjà réfléchis, affronté, résolu, discuté, combattu les grandes questions qui se dressent face au prolétariat en lutte. Il serait irresponsable de laisser les jeunes générations désarmées face à des questions politiques déjà résolues par les groupes de la gauche communiste. La barbarie capitaliste ne peut durer éternellement.

L’existence de la gauche communiste est la démonstration de la potentialité révolutionnaire du prolétariat : elle représente la fraction la plus révolutionnaire de la classe ouvrière et en cela réside son importance historique. Maintenant, nous ne devons pas nous mettre à la queue du mouvement par peur de lui imposer nos vues comme nous n’avons pas le devoir de le diriger comme un général dirige un armée. Nous devons, grâce à notre expérience, féconder la potentialité révolutionnaire latente du prolétariat en indiquant à celui-ci « les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement ouvrier » (Manifeste Communiste).

2.2 Guerre ou révolution

La période actuelle en est une d’affrontements massifs entre les classes sociales. Prolétariat contre bourgeoisie, telle est la physionomie de la lutte de classe dans la société moderne. Les deux côtés de la barricade possèdent leurs propres intérêts de classe et leur propre conscience de classe. L’enjeu des affrontements à venir est communisme ou capitalisme, socialisme ou barbarie, RÉVOLUTION OU GUERRE.

La Gauche communiste est actuellement le seul courant politique se réclamant du prolétariat qui défend la perspective du communisme contre la barbarie capitaliste. Tous les autres faux amis du prolétariat, les gauchistes de tous poils, ne font que défendre des variantes particulières du capitalisme. Ils proposent le “capitalisme à visage humain” : démocratisme, anti-fascisme, anti-racisme, municipalisme, citoyennisme, autogestion, syndicalisme. Ces idéologies nient les principales classes sociales et surtout le prolétariat ; elles participent d’affaiblir l’existence de la lutte constante de ce dernier dans la société capitaliste et de son combat final contre celle-ci.

Encore une fois, là réside l’importance historique et politique des groupes actuels de la gauche communiste.

Robin, janvier 2015

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Notes:

[2. La frontière de classe du point de vue révolutionnaire est entre le marxisme et l’anarchisme. Du point de vue opportuniste, c’est marxisme et anarchisme révolutionnaire d’un côté contre marxisme et anarchisme réformiste de l’autre... Voir Gauche communiste et anarchisme internationaliste : ce que nous avons en commun (CCI, Révolution internationale #414) ainsi que Marxism and Anarchism (TCI, www.leftcom.org)

[3. Sur la nature et la fonction politique du parti politique du prolétariat, Internationalisme #38, Gauche communiste de France

[4. Qui deviendra plus tard la Tendence Communiste internationaliste.

[5. “Nous” représente l’ensemble des courants partitistes de la gauche communiste.

[7. Par exemple, Berlin en 1918 et les premières journées de la guerre civile espagnole en 1936.