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Crise économique, guerre et révolution

Nous reproduisons ici l’éditorial de Revolutionary Perspectives #4 "Crise économique, guerre et révolution" de septembre 2014. L’affirmation claire et tranchée de l’alternative historique ’guerre ou révolution’ par la Communist Workers Organization [1], comme seule "issue" à la situation historique actuelle marquée par la crise économique et les guerres impérialistes, est à souligner et à appuyer au moins pour deux raisons fondamentales :

- parce qu’elle combat et détruit toutes les mystifications mises en avant par la propagande bourgeoise des États sur l’éternité historique du mode de production capitaliste et de la démocratie bourgeoise et affirme ainsi la perspective historique du prolétariat révolutionnaire ;

- parce que, en conséquence de ce qui précède, l’alternative historique guerre ou révolution est elle-même l’objet d’un combat historique et politique entre les deux principales classes antagonistes bourgeoisie-prolétariat qui voit non seulement les forces idéologiques et politiques ouvertement bourgeoises la nier, mais aussi des forces révolutionnaires et même communistes, au point de se revendiquer du marxisme et de la Gauche communiste, la remettre en cause directement ou indirectement.

Tout au long de son histoire, le mouvement ouvrier et sa théorie révolutionnaire, le marxisme ou matérialisme historique, ont dû lutter et rejeter les théories et politiques révisionnistes dont un des principaux buts était de rejeter cette alternative et ses conséquences politiques pratiques en y opposant une "3ème voie" la réduisant ainsi à néant : au sein de la 2ème Internationale, contre l’idée d’une 3ème voie pacifique vers le socialisme par la réforme et le progrès continue au sein du capitalisme ; contre la 3ème voie stalinienne du ’socialisme dans un seul pays’ au sein de la 3ème Internationale ; contre la 3ème voie de la lutte anti-fasciste et de la défense de la démocratie au sein du mouvement trotskiste (et anarchiste). Aujourd’hui, si nombre de groupes ou cercles révolutionnaires tendent à passer sous silence et à sous-estimer cette alternative et son enjeu politique, le Courant Communiste International prend ouvertement le relais des révisionnistes du passé et cherche à son tour à la liquider : selon son 15ème congrès de 2003 "la nouvelle période ouvre la voie à une troisième possibilité : la destruction de l’humanité, non au travers d’une guerre apocalyptique, mais au travers d’une avance graduelle de la décomposition" [2].

La notion d’alternative historique guerre ou révolution n’est pas un simple sujet de débat ou de réflexion parmi d’autres : c’est une notion fondamentale du marxisme et une position de principe qui arme à la fois les révolutionnaires et le prolétariat comme un tout dans leur combat contre le capitalisme. En effet, non seulement l’alternative détermine la nécessité de la destruction du capitalisme, de l’État bourgeois, la nécessité de l’insurrection ouvrière et de la dictature du prolétariat, mais aussi elle détermine d’ores et déjà, dans les luttes quotidiennes les voies à suivre (extension des luttes et leur unification) et les moyens (organisation de la lutte, assemblées, comité de grève, etc. et combat contre les forces bourgeoises en milieu ouvrier, partis de gauche et syndicats qui sabotent l’extension et l’unification). Voilà pourquoi le capital et l’opportunisme politique (comme pénétration de l’idéologie bourgeoise dans les rangs ouvriers et révolutionnaires) n’ont de cesse de s’attaquer directement ou indirectement à la notion d’alternative historique.

Alors, dans ces conditions, peu importe les divergences réelles que nous pouvons avoir avec les camarades de la CWO sur l’analyse de la crise du capital ou encore sur le rythme de la dynamique des rivalités et des alignements impérialistes vers la guerre impérialiste généralisée [3]. Nous retiendrons que sur la barricade de classe qui oppose ceux qui combattent le concept d’alternative à ceux qui le défendent, nous nous trouvons – nous ne sommes pas si nombreux – du même côté que la TCI. Dans ces conditions, peu importe que nous n’ayons pas tout à fait la même analyse et compréhension de la dynamique de la lutte des classes. D’autant que la divergence est très certainement à nuancer et à clarifier :

"Aujourd’hui dans les vieux pays capitalistes aussi, nous voyons la création d’une classe de jeunes travailleurs éduqués qui ne peuvent être intégrés dans le système autrement que par le travail précaire passant du temps partiel au chômage complet. Ce n’est qu’une question de temps avant que cela n’aide à créer un mouvement anti-capitaliste plus large que celui qui existe maintenant. Aujourd’hui, des économistes sérieux reconnaissent que l’austérité devra durer 15 ans. 15 ans de baisses des conditions de vie, même quand elles sont intelligemment contrôlées comme maintenant, ne peuvent que rencontrer une réponse. La clé sera si ils comprennent les leçons de l’histoire de la classe ouvrière, nos échecs et nos moments de succès." affirme l’article de la CWO.

Si les camarades défendent que la crise va provoquer des luttes ouvrières plus ’larges’ et massives dont la clé est dans les mains du prolétariat – puisqu’il lui appartient de comprendre les leçons de l’histoire – , alors nous pouvons partager ce point de vue. Dans notre langage, nous appelons cette perspective ’un cours vers des affrontements massifs de classe’ dont nous ignorons, pour notre part, l’issue victorieuse ou non à ce jour dans la mesure où la clé en est la capacité du prolétariat à, entre autres, comprendre les leçons de l’histoire comme le dit la CWO.

Sur cette perspective là aussi, si les camarades de la TCI sont conséquents avec ce qu’ils écrivent, nous tendons à nous retrouver objectivement dans le même camp.

Septembre 2014, le GIGC.

Crise économique, guerre et révolution - Editorial de Revolutionary Perspectives #04

Malgré toutes les nouvelles optimistes qui émanent des politiciens capitalistes, leur système économique est en grand danger. De plus, les options à leur disposition restent limitées depuis le krak de Wall Street. En langage économique marxiste, le problème est que la composition organique du capital est trop élevée pour que les investissements soient profitables [4]. Les banques ne prêtent plus et ne peuvent plus prêter de toute manière. Elles sont trop occupées à engloutir l’argent que les gouvernements impriment pour les sortir du trou de la dette dans lequel elles se trouvent depuis qu’elles ont découvert les ’actifs toxiques’. Malgré cela, l’argent ne manque pas. Le problème est de trouver où l’investir avec profit. Apparemment, des fonds d’investissement, tel Pimco, etc. disposent de 79,3 milliards de $ en cash. C’est gigantesque à côté de la dette publique globale de tous les gouvernements mondiaux (autour de 54 milliards de $, mais qui continue d’augmenter au moment où nous écrivons). La grande masse de cette dette souveraine est due au sauvetage du secteur financier qui s’était livré à une folle spéculation les 15 années précédant l’explosion de la bulle en 2007. Maintenant, partout dans le monde, la classe ouvrière est confrontée aux tentatives des gouvernements pour réduire la dette publique par l’austérité. Mais cela a été en vain jusqu’à maintenant. La dette globale continue d’augmenter et l’économie mondiale en grande partie stagne . Dans le passé, la dette pouvait être assumée car la croissance future produisait l’argent pour la rembourser. Cela ne se produit plus. Nos managers financiers d’actifs sont assis sur des montagnes de cash pour lequel ils ne peuvent obtenir beaucoup de retour. Depuis 2007, ils ont spéculé sur les monnaies, sur les produits primaires (particulièrement l’agriculture) et dans les soi-disant économies en développement mais les taux réels des retours sur investissement sont maigres. La principale raison pour laquelle les bourses marchent bien est qu’elles financent les fusions d’entreprises. De telles fusions signifient inévitablement accepter plus de dette et licencier les gens pour obtenir plus de résultats. Il en résulte une économie globale en stagnation. Faisant des commentaires sur ce faible taux de profit des capitaux investis l’an dernier, James Mackintosh semblait même trouver quelque vertus à l’analyse marxiste :

"La plupart des investisseurs... serait probablement heureux d’écarter l’idée d’une guerre mondiale ou d’une révolution communiste détruisant leurs investissements dans les décennies à venir, donc une moyenne historique globale pourrait être plus basse que ce qu’ils seraient prêts à assumer." (Financial Times, 14 mars 2013).

Et en effet, c’est à cela que le capitalisme en a été réduit. La composition organique du capital est trop élevée pour qu’une quelconque mesure significative puisse augmenter le taux de profit et permettre au système de repartir. Ce qu’il faut, c’est une dévaluation massive à une échelle inconnue depuis la 2ème Guerre Mondiale. En fait, nous avons été dans une période de 40 ans de relative stagnation à la fin du cycle d’accumulation et la classe capitaliste a utilisé tous ses outils pour essayer de relancer l’accumulation sans avoir recours à la guerre impérialiste totale ou sans provoquer de révolution par la classe ouvrière. Mais aujourd’hui, la situation est différente. La bulle spéculative était la dernière carte qu’ils pouvaient jouer. Son explosion en 2007 a placé l’histoire mondiale sur un cours différent.

Son issue finale est, bien sûr, une question ouverte. L’alternative historique guerre ou révolution peut être la seule possible mais mais nous ne voyons aucun de ces deux termes se présenter pour le moment ; donc nos investisseurs peuvent se détendre et prendre leur 1 % encore pendant un certain temps. Cependant, les tensions internationales croissantes qui vont des frontières de l’Union Européenne au sud de la Mer de Chine en passant par les bouleversements du Moyen-Orient, sont toutes des indications que les impératifs impérialistes ne disparaissent jamais. Les dangers d’une situation où la puissance qui dominait le monde depuis un siècle subit maintenant des menaces de différentes parts, mais surtout de la Chine, est la garantie pour plus de tension encore. A la fin de la 2ème Guerre Mondiale, un gouvernement américain victorieux avait fixé le niveau du PIB américain équivalent à 45 % du pouvoir d’achat mondial pour assurer le ’siècle américain’. Selon le Financial Times (17 juillet 2014), ce niveau est maintenant tombé à 19,2 %. Et quand une puissance ’émergente’ estime qu’elle est contrecarrée par les anciennes grandes puissances, la marge de négociation se rétrécit. Les États-Unis ont d’ores et déjà répondu à la politique plus agressive de Pékin au sud de la Mer de Chine par son ’pivot asiatique’ qui vise à renforcer ses alliés asiatiques (spécialement le Japon et les Philippines). La conséquence en a été de provoquer une course aux armements dans la région [5]. La leçon de l’histoire pour la période menant à la 1ère Guerre Mondiale est que les courses aux armements finissent en guerre et que ces guerres sont déclenchées par les grandes puissances soutenant leurs alliés des petites puissances une fois les enjeux suffisamment hauts. Nous n’en sommes pas là mais nous devons nous rappeler qu’en 1887, Engels prédisait que la prochaine guerre aurait un caractère mondial et entièrement différent 27 ans avant qu’elle n’éclate. Nous devons nous en tenir à la même attitude par rapport à la prochaine guerre.

Bien sûr, l’autre terme de l’alternative est la révolution par la classe ouvrière. A première vue, cela semble encore plus éloigné. Après des décennies de restructuration et de fragmentation des organisations de toute sorte de la vieille classe ouvrière dans les États capitalistes traditionnels, une grande partie de notre mémoire historique comme classe a été perdue. Cependant aujourd’hui, il y a plus de 3 milliards de travailleurs dans le monde et on peut voir de la Chine à l’Afrique du Sud qu’ils ne sont pas qu’une simple catégorie sociale. Ils se battent contre la dynamique d’exploitation de plus en plus forte qui est l’essence même de comment le capitalisme a toujours traité ses esclaves salariés. C’est aussi la raison pour laquelle la lutte des classes ne disparaît jamais [6].

Alors que certains pleurent sur la mort du vieux mouvement ouvrier de masse de la Sociale-démocratie (sous toutes ses formes), nous n’avons pas de tels regrets. Comme l’article de ce numéro sur la 1ère Guerre Mondiale et la Sociale-démocratie le montrent, ce mouvement était gangrené par l’opportunisme, le racisme et l’impérialisme. Malgré le choc de son soutien à la guerre impérialiste en 1914, les signes avant-coureurs étaient déjà présents longtemps avant ce moment historique. C’est une leçon que nous ne devons pas oublier. Aujourd’hui dans les vieux pays capitalistes aussi, nous voyons la création d’une classe de jeunes travailleurs éduqués qui ne peuvent être intégrés dans le système autrement que par le travail précaire passant du temps partiel au chômage complet. Ce n’est qu’une question de temps avant que cela n’aide à créer un mouvement anti-capitaliste plus large que celui qui existe maintenant. Aujourd’hui, des économistes sérieux reconnaissent que l’austérité devra durer 15 ans. 15 ans de baisses des conditions de vie, même quand elles sont intelligemment contrôlées comme maintenant, ne peuvent que rencontrer une réponse. La clé sera si ces travailleurs comprennent les leçons de l’histoire de la classe ouvrière, nos échecs et nos moments de succès. Notre plus grand succès a été la découverte des conseils ouvriers comme outil d’organisation qui ne permet pas seulement à chacun et à tous de participer activement aux processus de prise de décision dans la société mais aussi mènera au final à l’abolition de l’État lui-même et à l’institution d’une société réellement communiste. Cependant, cela n’arrivera pas du jour au lendemain comme nous le démontrons dans notre document sur la période de transition. L’après-crise de la "bulle" a provoqué de nouveau un intérêt pour ce qui vient après le capitalisme et certains nient maintenant complètement que nous ayons besoin d’une période de transition. Dans ce numéro, nous examinons aussi trois théories qui défendent qu’il n’y a pas besoin d’une quelconque mesure transitoire. Et enfin, nous devrions être conscient que tout mouvement simultané vers la guerre généralisée n’est que l’attaque finale des capitalistes contre notre existence même. Contre l’ordre du jour nationaliste qui est partout attisé, notre tâche et devoir est de s’y opposer avec notre propre ordre du jour : la guerre de classe pour créer un ordre mondial complètement différent. Pour nous, cela signifie contribuer à la construction de l’organisation politique mondiale, non comme un gouvernement en attente (comme Onorato Damen l’a toujours dénoncé), mais comme un point de ralliement pour les véritables anti-capitalistes, ceux capables de mener le combat idéologique contre le système et contre tous ceux qui le soutiennent.

24 septembre 2014, Revolutionary Pespectives #4
(Traduit par le GIGC)

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Notes:

[1. La CWO est le groupe de la Tendance Communiste Internationaliste en Grande-Bretagne (www.leftcom.org).

[2. cf. Résolution sur la situation internationale (Revue internationale #113). A ce jour, le CCI n’est jamais revenu sur cette position adoptée par son congrès malgré le fait qu’il ne mentionne plus nommément de 3ème voie dans ses articles. Soit il essaie de faire passer cette révision en la cachant, ne serait-ce que parce qu’il continue à exclure toute dynamique du capitalisme vers la guerre impérialiste généralisée, vers la 3ème Guerre mondiale ; soit il estime que le congrès – unanime sur ce point – s’était trompé en 2003. Mais alors il faut expliquer comme une telle erreur fut possible et concéder que cette organisation connaît une dynamique de dérive opportuniste depuis, au moins, 2001. Là non plus, il n’y a pas de 3ème voie.

[3. Sur nos analyses et orientations, nous renvoyons le lecteur à nos Thèses sur la situation historique dans Révolution ou Guerre #1.

[4. Pour l’explication théorique , on peut voir plusieurs de nos articles. En particulier, “The Tendency for the Rate of Profit to Fall, the Crisis and its Detractors” ["la baisse tendancielle du taux de profit, la crise et ses destracteurs"] dans Revolutionary Perspectives 62 Series 3 (2012).

[5. cf “Imperialist Rivalry in the Pacific” ["Rivalités impérialistes dans le Pacifique"], dans Revolutionary Perspectives #01 (2013).

[6. cf. “Recovery : Whose Recovery ?” ["Reprise : quelle reprise ?"] dans Revolutionary Perspectives #03 (2014).

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