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Soutien actif aux grévistes de la SNCF ! Ils montrent la voie à suivre pour la généralisation de la lutte prolétarienne
En guise de soutien et de participation à leur lutte, nous reproduisons ici le communiqué envoyé par les cheminots en grève illégale, sans préavis, et décidée sans les syndicats du centre d’entretien des TGV de Châtillon qui bloque une grande partie des trains en partance de la gare Montparnasse à Paris. Le tract du PCI qui suit, peut aussi être utile à la compréhension de la situation en France pour les lecteurs d’autres pays et d’autres langues. Ensuite, nous faisons suivre ces deux documents de notre propre prise de position sur les orientations et mots d’ordre qui, selon nous, devraient être mis en avant aujourd’hui dans la situation en France.
Communiqué des Grévistes du Technicentre de Châtillon
Nous agents grévistes du matériel au Technicentre de Châtillon, sur le réseau TGV Atlantique, avons cessé le travail massivement depuis lundi 21 octobre au soir, sans se concerter ou être encadrés par les syndicats. La direction considère notre grève illégitime, car nous ne serions pas dans le cadre du délai de 48h pour le service minimum, mais c’était le seul moyen de se faire entendre. Mais notre direction respecte-t-elle elle-même le service quotidien rendu aux voyageurs ?
Notre colère est réelle et profonde, nous sommes déterminés à nous battre jusqu’au bout de nos revendications, pour le respect et la dignité. Nous ne pouvons plus accepter de travailler avec des salaires proches du SMIC et gelés depuis 5 ans, en sous-effectif et avec des agents qui démissionnent de plus en plus. Nous avons honte de voir comment la SNCF joue avec la sécurité ou encore le confort des voyageurs, pour des questions de flexibilité et de rentabilité. Nous respecterons les délais de prévenance le jour où la direction elle-même respectera déjà les salariés mais également les voyageurs qui payent de plus en plus cher des trains, avec de moins en moins de service, des sièges vétustes, des rames parfois avec des toilettes condamnées, des portes bloquées, ou encore des climatisations HS en période canicule.
Nous demandons d’exercer notre métier avec respect et dignité, cela ne pourra se faire avec des belles paroles ni des beaux discours, mais avec l’amélioration de nos conditions de travail. Marre des réorganisations, des bas salaires, des suppressions d’emplois et des sous-effectifs !
Nous appelons l’ensemble des cheminots à relever la tête avec nous, car la situation aujourd’hui à Châtillon est en réalité le reflet d’une politique nationale. La direction n’a pas de scrupule à nous faire porter le chapeau de sa politique, à l’image du droit de retrait contre l’EAS [1] et pour la sécurité des usagers.
Nous avons trop longtemps laissé faire sans rien dire, mais aujourd’hui au TATL nous disons stop à cette politique d’entreprise. Nous ne braderons pas notre dignité, notre sécurité, ni notre santé !
Grève illimitée et sans préavis : les cheminots grévistes de Châtillon montrent la voie ! (tract du PCI- Le Prolétaire)
Depuis le 21 octobre des centaines de cheminots du « technicentre » de Châtillon (Hauts de Seine) sont en grève. Le technicentre (TATL) servant à l’entretien obligatoire des TGV, le mouvement a rapidement entraîné une quasi paralysie du trafic de l’arc atlantique du réseau TGV.
Contrairement à ce qu’ont affirmé certains médias qui l’ont mis sur le compte du syndicat SUD-Rail , la grève a été déclenchée spontanément, en dehors des syndicats. De plus les grévistes se sont lancés dans le mouvement sans respecter l’obligation légale de dépôt d’un préavis – mesure qui sert à affaiblir la force de la grève en donnant à la direction le temps de se préparer à y faire face et ils ont mis en place une caisse de grève indépendante. Jusqu’ici ils ont résisté la campagne de propagande des médias et du gouvernement qui reprennent la vieille accusation de s’attaquer aux usagers : parmi les usagers beaucoup sont aussi des prolétaires qui peuvent se sentir solidaires d’une lutte ouvrière.
Les cheminots se sont mobilisés au départ contre le projet de la direction de supprimer une dizaine de jours de congé contre une prime de 7000 euros ; le projet a été retiré, mais la lutte continue contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail : 7 jours sur 7, en trois-huit, sous une pression constante pour tenir les délais afin de limiter au maximum le temps d’immobilisation des trains.
Dans leur communiqué du 27/10 les grévistes affirment :
« Nous agents grévistes du matériel au Technicentre de Châtillon, sur le réseau TGV Atlantique, avons cessé le travail massivement depuis lundi 21 octobre au soir, sans se concerter ou être encadrés par les syndicats. La direction considère notre grève illégitime, car nous ne serions pas dans le cadre du délai de 48h pour le service minimum, mais c’était le seul moyen de se faire entendre. (…).
Notre colère est réelle et profonde, nous sommes déterminés à nous battre jusqu’au bout de nos revendications, pour le respect et la dignité. Nous ne pouvons plus accepter de travailler avec des salaires proches du SMIC et gelés depuis 5 ans, en sous-effectif et avec des agents qui démissionnent de plus en plus. Nous avons honte de voir comment la SNCF joue avec la sécurité ou encore le confort des voyageurs, pour des questions de flexibilité et de rentabilité. Nous respecterons les délais de prévenance le jour où la direction elle-même respectera déjà les salariés mais également les voyageurs (…).
Marre des réorganisations, des bas salaires, des suppressions d’emplois et des sous-effectifs ! Nous appelons l’ensemble des cheminots à relever la tête avec nous, car la situation aujourd’hui à Châtillon est en réalité le reflet d’une politique nationale. (…)
Nous avons trop longtemps laissé faire sans rien dire, mais aujourd’hui au TATL nous disons stop à cette politique d’entreprise. Nous ne braderons pas notre dignité, notre sécurité, ni notre santé ! » [2].
Les pompiers sociaux « jouent le jeu du dialogue social » contre la grève
L’appel des grévistes aux autres cheminots et l’exemple de leur détermination a eu un premier écho : des débrayages ont eu lieu jeudi 31 octobre aux technicentres de Le Landy (Seine Saint Denis) qui s’occupe des TGV de l’axe nord et à celui de Villeneuve Saint Georges (Val de Marne) pour le réseau sud-est.
Le syndicat SUD-Rail, réputé le plus combatif, qui avait reconnu avoir été surpris par la grève de Châtillon, s’est positionné en flèche dans la suite du mouvement – mais pour saboter l’extension de la lutte ! Il a agité la menace d’un appel à la grève illimitée sur ces centres « dès jeudi soir ou lundi ». Mais après avoir joué les fier-à-bras en posant une sorte d’ultimatum à la direction (« On a donné à la direction jusqu’à 18 heures pour répondre à nos revendications »), SUD a appelé à la reprise du travail : « On joue le jeu (du dialogue social). En attendant, le travail reprend, les rames vont sortir » [3].
La direction a repris la balle au bond en programmant une réunion avec les syndicats, et SUD a cessé d’évoquer la possibilité d’une grève…
Quand les grévistes de Châtillon appellent les autres cheminots à les rejoindre, quand ils ont besoin de leur renfort pour faire plier la direction, SUD les laisse isolés en « jouant le jeu du dialogue social ». La collaboration de classe l’emporte sur la solidarité de classe : « “On ne pourra pas dire que l’on ne donne pas de porte de sortie de conflit à la direction” a fait valoir Fabien Monteil, délégué Sud-Rail au Landy » [4].
Cette attitude ne doit pas surprendre ; en dépit de son discours contestataire, SUD faisait partie de l’Intersyndicale qui a organisé l’année dernière la défaite des cheminots par une lutte « en pointillé » avec des jours de grève annoncés à l’avance [5]. Le Parisien écrit à ce sujet : ce mouvement « n’a servi à rien, grogne un cheminot, syndiqué. On a respecté les règles, déposés des [préavis] Avec ce système, la direction s’organise, le mouvement n’a aucun impact et on n’obtient rien. » [6].
C’est l’amère mais salutaire expérience de la défaite de 2018 qui explique l’action des grévistes de Châtillon prenant leur lutte directement en main et violant les mesures légales antigrève : il n’est pas possible de lutter avec quelques chances de victoire en laissant la conduite du mouvement aux organisations collaborationnistes [7] et à leur tactique qui vise à rendre les grèves les plus inoffensives possible !
C’est cette conclusion qui explique aussi la flambée d’arrêts de travail des cheminots après l’accident d’un TER dans les Ardennes le 17 octobre [8] (75 blessés légers) : le conducteur, blessé lui aussi, qui était le seul cheminot dans le train, avait dû faire 3 km à pied aller-retour pour actionner manuellement un signal pour arrêter un autre train arrivant en face !
Dans ce cas là les conducteurs ont utilisé une disposition légale (« droit de retrait ») pour se mettre spontanément en grève d’abord en Champagne-Ardennes, puis en Ile-de France et sur une bonne partie du territoire. Ils protestaient contre le fait de se trouver seuls à bord des trains, selon une pratique qui existe déjà en région parisienne depuis quelque temps, mais que la direction veut généraliser pour des raisons de rentabilité (réduction du personnel) ; plus généralement c’est la détérioration des conditions de travail et les bas salaires qui sont la cause du mécontentement des cheminots.
Les cheminots grévistes de Châtillon l’ont compris : pour se défendre et pouvoir vaincre, les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Il leur faut prendre leur lutte en mains indépendamment des organisations collaborationnistes qui ne cherchent qu’à offrir des portes de sortie à la direction ; il faut s’organiser et mener le combat avec des moyens et des méthodes de classe : grève illimitée, sans préavis avec occupation des locaux ou piquets de grève, extension aux autres établissements, comités de grève, etc.
Quelle que soit la suite du mouvement en cours, c’est une leçon cruciale à retenir pour les inévitables conflits à venir, non seulement à la SNCF mais ailleurs aussi où les prolétaires sont partout confrontés aux mêmes conditions et souffrent du sabotage des organisations collaborationnistes.
Vive la lutte des cheminots grévistes de Châtillon !
Pour l’extension et la généralisation du mouvement !
Pour la reprise de la lutte indépendante de classe !
Prise de position sur la situation immédiate en France - GIGC
Comme l’explicite très clairement le tract du PCI - Le Prolétaire, à l’heure où nous écrivons les tentatives d’extension de la grève à d’autres centres ou secteurs de la SNCF ne s’est pas pour l’heure réalisée du fait du sabotage par les syndicats, et particulièrement du syndicat gauchiste SUD.
Cette grève est, nous semble-t-il, significative de l’évolution de la lutte des classes, de la "tension sociale" qui existe en France (comme disent les propagandistes et médias bourgeois), depuis le mouvement des gilets jaunes démarré il y a juste un an. En ce sens, elle n’est pas une simple lutte isolée comme d’autres. Quelle que soit la compréhension que l’on puisse avoir de ses caractéristiques de classe, le mouvement des gilets jaunes n’avait pu surgir et se développer que suite à l’échec cruel de la lutte des cheminots du printemps 2018. Ceux-ci, durement attaqués en tant que bastion du prolétariat en France ouvertement et constamment combatif et sur lesquels étaient et sont toujours fixés les yeux de tous les prolétaires de ce pays, avaient été battus à plate couture après six mois de lutte, dirigée et contrôlée par les syndicats à coup de journées d’action et de grèves dites "perlées" - étalées dans le temps. La déroute fut amère pour les cheminots et l’ensemble du prolétariat en France et elle marqua, sinon la fin définitive du moins l’affaiblissement considérable du mythe de la grève générale syndicaliste qui avait dicté les défaites de tant de mobilisations massives depuis 2003 jusqu’à 2016 et la lutte contre la loi travail. Sans cette déconfiture prolétarienne, il est peu probable que les préjugés anti-syndicalistes d’ordre petit-bourgeois - qui n’ont rien à voir avec les sentiments anti-syndicalistes prolétariens - aient pu entraîner tant de prolétaires à se vêtir du gilet jaune. La grève "sauvage" du centre de Châtillon surgit quelques jours à peine après la paralysie presque totale de la circulation des trains en France suite à l’arrêt du travail massif et soudain, le 18 octobre, de plusieurs jours au nom du "droit de retrait" après un accident de train.
C’est dans cette situation - où d’autres grèves et luttes ont eu lieu comme la grève à 85% des bus et métros parisiens le 13 septembre [9] - que le gouvernement envisage de faire passer une nouvelle "réforme" des retraites et que les syndicats ont planifié une journée d’action le 5 décembre. Les plus radicaux d’entre eux ont même parlé d’une grève reconductible illimitée. L’expérience des mobilisations passées, et particulièrement celles de 2013, 2016 et des cheminots en 2018, indique clairement que les syndicats sont en train de mettre en place tout un dispositif de contre-feu pour contrôler l’incendie s’il devait éclater que ce soit en terme de maîtrise du terrain - les négociations avec le gouvernement et les revendications - et du timing de la lutte - les journées d’action, les manifestations de rue et l’utilisation du préavis de grève. Il ne fait guère de doute que d’ores et déjà - nous n’avons pas d’information particulière - là où les travailleurs s’interrogent, voire désireraient, s’engager sans attendre dans la lutte dans la foulée du centre SNCF de Châtillon, en particulier dans l’entreprise elle-même, ou bien encore à la RATP, les syndicats opposent déjà l’argument selon lequel il faut préparer l’unité et l’extension à partir du 5 décembre pour mieux reculer l’entrée en lutte et couper l’élan en cours.
Dans ce sens et dans cette situation, et même si limitée à l’heure où nous écrivons, la grève des cheminots de Châtillon montre la voie à suivre pour toute la classe ouvrière et tous les prolétaires : prendre l’initiative de la lutte et de sa conduite sans la laisser, pire encore la remettre, aux mains des syndicats - concrètement aujourd’hui sans attendre la journée du 5 décembre lorsque c’est possible ; et chercher au plus vite l’extension à d’autres lieux de travail et secteurs afin de briser au plus vite l’isolement, et provoquer le soutien et la solidarité actifs par la grève, par des manifestations, par des réunions ou assemblées "élargies", afin que les prolétaires, les travailleurs, salariés ou non, aux conditions de travail et de lutte plus isolées et atomisées, puissent se joindre au combat de classe.
Outre les revendications salariales, l’ensemble du prolétariat en France tout comme la majeure partie de la "population", pourrait facilement se reconnaître dans un combat contre cette énième attaque contre le système de retraite. Des revendications tels les retours de la retraite à 60 ans pour tous et aux 40 années de cotisation pour tous tout comme l’annulation des décotes sur le calcul des retraites [10], ou tout autre revendication du même type, pourraient réunir et unifier le combat.
Outre ceux avancés par le PCI, en particulier celui d’extension et de généralisation du mouvement, les mots d’ordre devraient être aujourd’hui les suivants :
là où c’est possible : appel à tenir des assemblées générales pour décider de la grève au plus vite !
dans les autres "endroits", lieux de production et de travail en particulier, appel à la solidarité active par l’organisation de délégations et de manifestations ouvertes à tous auprès des grèves déjà en cours ;
enfin, parmi les prolétaires les plus combatifs et pour œuvrer à la mobilisation générale et au regroupement pour la grève de masse généralisée, formation de comité de lutte !
Le GIGC, 2 novembre 2019.
Notes:
[1] . EAS : Équipement Agent Seul. C’est-à-dire l’absence de contrôleur à bord des trains avec le machiniste, le conducteur, seul agent de la SNCF a bord des trains.
[2] . http://malakoffantilberalunitaire.over-blog.org/2019/10/avec-les-cheminots-du-technicentre-de-chatillon.html
[3] . AFP 31/10/19.
[4] . Libération, 31/10/2019. Les partis trotskystes se gardent bien de critiquer cette attitude : ils sont présents à la direction de SUD !
[5] . Selon le très bourgeois quotidien L’Opinion (29/9/10), qui s’inquiète de la perspective actuelle de grèves sauvages et de la perte d’influence des syndicats, au contraire en 2018 : « avec une bonne organisation et un système d’information qui fonctionne, la SNCF a pu faire rouler des trains. Les préavis, déposés obligatoirement 48 heures à l’avance, ont permis d’établir des plans de transports relativement satisfaisants. Un service dégradé, certes inconfortable, mais le pays n’a pas été bloqué »
[6] . Le Parisien, 28/10/19.
[7] . [Les syndicats et les partis de gauche et gauchistes, note du GIGC].
[8] . [En fait le 16 et non le 17 octobre, note du GIGC].
[9] . Cette mobilisation massive des travailleurs de la RATP s’est faite précisément sur la réforme des retraites qui est l’objet de la journée du 5 décembre.
[10] . Actuellement le taux de décote sur le calcul de la retraite lors le salarié n’a pas cotisé-travaillé 42 années est de 5% par année manquante.